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mardi 28 juin 2022

L'intelligence de nos présidents

Inspiré par un billet de Philippe Bilger sur le même thème consultable ici:


Justice au Singulier: Un président de la République doit-il être intelligent ? (philippebilger.com)


D'accord avec  la presque totalité de votre billet, cher Philippe.


Charles De Gaulle mêlai la pensée et l'action comme un mythologue met un agir imaginaire au service de la fiction qui est son idée fixe, chez lui "la France éternelle" plus que la France universelle.


Je passe sur Pompidou sous lequel je suis né, que je ne connais pas assez et qui me paraît une incarnation aux avant-postes, presque par anticipation, des années fastes, des années 70, point culminant des Trente glorieuses, qui en profitait plus en consumériste qu'il ne cherchait à orienter la société de consommation ni ne la jugeait avec la lucidité des avant-gardes.


Giscard me paraît comme vous le dites, plus "un intellectuel de la politique" qu'un homme qui aurait surfé sur la vague du sociétalisme libertarien, comme on ne le disait pas encore, ou du libéralisme à l'américaine, un libéralisme "sociétal" à la fibre sociale.


Mitterrand a gouverné la France avec une rouerie de faux prêtre, ce qu'on a pris pour son florentinisme, mais les curés sont souvent florentins, pressés de ne pas être hypocrites et tellement pressurés par une discipline impraticable que l'absence d'hypocrisie est au-dessus de leurs forces, Larochefoucault les rassurant sur ce que "l'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu".


Chirac, "L'inconnu de l'Elysée" comme l'appelait Pierre Péan, nous reste une énigme, qui n'a pas peu aimé son pays, si l'aimer (ce qui n'est pas peu faire) a consisté pour lui, de crainte qu'ils ne vacillent, à ne pas bouleverser  ses équilibres sociaux qu'il sentait déjà fragiles.


Tony Blair définissait Nicolas Sarkozy comme un "énergéticien" et je crois qu'il avait tout dit. Son intelligence s'appliquait-elle à la résolution des crises ou était-ce celle de ses conseillers? Toujours est-il que le discours qu'il prononça au début de la crise des sub primes était lumineux et inoubliable de réactivité, même s'il acheva la mue de ce libéral en socialiste qui sauva à la fois les banques et les petits épargnants, selon l'adage reconnu par les libéraux eux-mêmes que "le capitalisme est la nationalisation des pertes et la privatisation des profits", tropisme connu des économistes, mais qui me suffoqua d'étonnement, tant il le mit vite en branle. Les tergiversations covidiennes de Macron ne peuvent que faire pâlir l'ombre de notre président actuel "par contraste" (locution servant de connecteur logique préféré de Pap Ndiaye dans sa "Condition noire"). 


François Hollande fut moins un "socialiste intelligent" (il ne fut pas même un tacticien habile) qu'un affectif, qui ne sut se séparer d'aucun éléphant trompeur du parti socialiste entre lesquels il avait  assez frétillé pour en assurer une synthèse harmonieuse, sauf lorsqu'il fut mordu aux mollets par Manuel Valls qui le pria de se priver de Montebourg et d'Hamon: ce n'est pas François Hollande qui aurait théorisé "les deux gauches irréconciliables" avant d'être provisoirement démenti par Mélenchon. Un affectif qui ne sut pas voir la nocivité d'Emmanuel Macron parce qu'il eut l'outrecuidance,  en sa candeur pusillanime et bénigne de "président normal" qui se croyait doté de "qualités exceptionnelles", de croire que "son ennemi, la Finance", l'aimait, lui qui "[aimait] les gens". 


Quant à ce dernier Macron, son intelligence qu'on croit à toute épreuve et qui n'éblouit que les rares fois où il fait des étincelles, loin d'embrasser la totalité du réel et de la complexité de ses ambiguïtés, fait avant tout de lui un homme plein de lui-même et en cela consiste son gouvernement, ambigu et manipulateur du "tout et son contraire" qu'on appelle le "en même temps" et qui, en psychologie individuelle, dessine le profil du pervers narcissique. 

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