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jeudi 7 juillet 2022

Un pouvoir sans réalité

Le pouvoir n'a plus de réalité. Tel est le spectacle qu'il donne.


Commençons par relever un point positif: le discours d'Elisabeth Borne avait de la tenue et fut sans doute la meilleure déclaration de politique générale qu'ait jamais prononcée aucun des premiers ministres d'Emmanuel Macron. Philippe I  fut contraint à s'exprimer pour la première fois devant les députés le lendemain de son mentor qui lui avait grillé la politesse en convoquant les parlementaires au au Congrès, et les députés LREM tout frais moulus lui offrirent une claque qui rendit ce premier discours inaudible. Philippe II parla du "plastique" qui n'était plus fantastique et déclara que l'"acte II du quinquennat" serait entièrement consacré à une lutte contre ce fléau d'emballage. Quant à "M. Déconfinement" nommé après lui, bien malin qui pourrait se souvenir des paroles qu'il prononça en dehors du Covid qui lui avait valu de prendre la place d'Edouard Philippe qui eut le malheur pour de le mettre en selle. 


A côté, Elisabeth Borne donna presque l'impression de parler comme Michel Rocard: "Puisqu'il a réussi à créer des majorités de compromis malgré sa majorité relative qui, à l'époque, avait le droit de recourir au 49-3 autant que de besoin, nous réussirons, il n'y a pas de raison". 


Mais nous réussirons à quoi? A endiguer l'inflation et la perte de pouvoir d'achat due à l'effet cumulé de la guerre en Ukraine précédée de l'assèchement covidique? A recréer "le plein emploi" au milieu de la vague démissionnaire qui affecte toutes les entreprises et les services publics les plus impliqués dans la survie au jour le jour de notre Etat, éducation comprise, qui ne recrute plus?  


On a suspendu sans rémunération, pour ne pas dire mis dehors, des soignants qui manquent cruellement à l'hôpital et après avoir nommé Agnès Buzyn  première ministre (sic) de la santé, qui nous expliquait matin et soir qu'on résorberait le malaise de l'hôpital par le recours à une médecine de ville qui n'existe plus; après avoir nommé Jean Castex premier ministre, qui fut un des fossoyeurs de l'hôpital public sous Xavier Bertrand et qu'on chaperonna de Nicolas Revel qui s'illustra dans les mêmes compétences; on promeut Olivier Véran au porte-parolat et, ce qui ne manque pas de sel, au "renouvellement démocratique" (on ne pouvait tout de même pas le laisser s'occuper du Parlement après que, dans un coup de sang, il eut voulu mettre les parlementaires dehors parce qu'ils s'égosillaient en pensant que le virus était allé "prendre une bière", il a dû en prendre quelques-unes depuis, tant on ne s'occupe plus de lui, maintenant qu'il y a de vrais sujets); et le président choisit, pour nouveau ministre de la santé, le rapporteur d'une "mission flash" (sic), qui pour la première fois assume (oh certes à titre provisoire) que l'on doit "trier" les patients qui se présentent aux urgences, comme si on pouvait désormais entrer à l'hôpital autrement que par les urgences, sauf opération prévue de longue date, à condition bien sûr d'être malade et vacciné.

La "priorité santé" d'Elisabeth Borne, qui n'est même pas nommée comme telle dans son discours de politique général, entre dans une "France de l'égalité des chances", mais est précédée par l'illusion que l'on va porter une transition écologique qui va changer notre climat pour complaire à des jeunes déconnectés de la nature, au service desquels la première ministre (sic) s'engage à porter une écologie " radicale mais non décroissante". On prend les mêmes et on continue.


Jean Castex va pantoufler dans une usine à gaz qui surveillera les infrastructures routières, ne refera pas les départementales qui sont de vrais tape-culs hérissés de "gendarmes couchés" dont on se demande comment ils ne provoquent pas plus de tonneaux sur les routes, mais va construire des autoroutes qu'on revendra à l'encan comme l'avait fait Dominique de Villepin, après que l'Etat aura bien investi pour créer ces nouveaux joyaux de la pollution. EDF ayant à payer une dette insupportable et à investir de quoi compenser le surcoût énergétique de la crise actuelle, on se rappelle tout à coup que c'est un joyau de notre patrimoine énergétique, et on le revendra dès que le contribuable français se sera saigné aux quatre veines pour reverser ce joyau dans la "concurrence libre et non faussée" dérégulatrice de la société, dérégulation par laquelle Emanuel Macron s'est fait connaître, pour être un de ses hérauts, Emmanuel Macron qui nous dit agir au nom des "générations futues" en creusant leur dette pour des générations et des générations, histoire, croit-il, de rendre l'Union européenne vraiment irréversible, mais on sait le sort que réserva l'Union soviétique aux "emprunts russes", auxquels Elisabeth Borne fit une allusion très mal venue, en répondant à Mathilde Panneau parlant de l'augmentation du Smic. 


Pour compléter le tableau, Reste à y ajouter la dérégulation identitaire, par laquelle il n'existe plus de prédateur sexuel comme par enchantement, être homosexuel n'est plus être "antiphysique" au sens de Guy de Maupassant, et les femmes sont des hommes comme les autres et réciproquement, ce qui crée une insécurité non seulement culturelle, mais psychologique. 


     Je ne sais pas si Michel Rocard se retournerait dans sa tombe, mais voilà la politique promise par sa lointaine successeur(e) qui au moins sait parler et qui, contrairement à ce qu'on attendait, sait même nous gratifier d'un peu d'humour.


      Face à ce pouvoir sans réalité, on espérait se consoler en se disant qu'une certaine réalité populaire était entrée au Parlement. C'avait toujours été le rêve de Jean-Luc Mélenchon d'incarner une République parlementaire. Il l'a réalisé en faisant son dernier coup politique et en se retirant du jeu. A part François Ruffin, qui n'est certes pas le dernier dans l'esbrouffe et l'organisation des happenings, mais qui a quelquefois des accents de sincérité, tous les lieutenants de Mélenchon parlent faux et s'ingénient à le singer en prenant de lui le plus mauvais côté, l'agressivité, comme s'il allait de soi que ceux qui parlent au nom du peuple devaient le faire de manière théâtrale, en aboyant ou en soulignant l'agressivité populaire, nécessairement en révolte contre ses élites. Mathilde Panneau répondit à Elisabeth Borne par un discours au ton d'abjection, et Marine Le Pen n'eut rien à lui envier, préférant répondre à côté, en faisant le procès d'Emmanuel Macron, plutôt que de relever argument contre argument.


     Cependant que dans la République de la reconnaissance universelle,  Elisabeth Borne choisit ceux qui sont dignes d'être cités et les "infréquentables" qui ne valent pas même la peine d'être nommés, si ce n'est pour les accuser d'invectives ou soutenir qu'ils ne vivent pas dans la même France que qu'elle. 

Pap Ndiaye veut indiscriminer les enfants de toute "race" et de toute couleur, c'est tout à son honneur, mais si leur âme ne contient rien à force d'avoir été entretenue dans le vide dont la nature a horreur, à quoi sert-il de promouvoir ces futurs citoyens à des places quelconques si ce n'est pour qu'elles soient occupées et pour les occuper! L'école de Pap Ndiaye, que certains accusent d'être un "Noir professionnel", prépare-t-elle une citoyenneté occupationnelle? Si le "choc d'attractivité" qui fait que l'on s'engage à devenir enseignant  se limite à être mieux rémunéré, est-on  à la hauteur des enjeux de la transmission? Délitement de ce pouvoir sans réalité, qui va jusqu'à doucher les espoirs des élèves, qui pourront certes avoir un corps plus sain dans un esprit malmené en faisant une demie heure de sport tous les jours à la place de la chorale et à partir de la rentrée prochaine, mais que "Parcours sup"empêche d'exercer les métiers qu'ils souhaitent ou de s'orienter comme ils veulent, nous faisant vivre une des formes de sélection les plus dures et les plus injustes dont la droite de Devaquet ou de Pécresse ait rêvée, à moins d'apprendre les codes à l'Ecole alsacienne, comme les enfants du ministre Ndiaye ou comme Gabriel Attal, un temps chargé d'organiser le service civique universel... A-t-on jamais vu un tel chaos? 

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