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vendredi 2 février 2018

À propos de saint Augustin

#Philippe le nain bénédictin (le petit Placide) nous dit sur Facebook combien il est bouleversé de découvrir, vingt-cinq ans après l'événement, la mort de son ami le Père Patrick Ranson, fils naturel de Pierre Boutang, qui réfuta avec âpreté le grand saint Augustin. L'occasion de réfléchir sur l'héritage de ce Père de l'Eglise en nous appuyant sur le lien communiqué par Philippe:
http://www.contrelitterature.com/archive/2016/07/10/le-nom-du-pere.html
Pierre Boutang expliquant Aristote ligne à ligne me rappelle Jean-Louis Chrétien, qui se livrait au même exercice avec le même philosophe (j'ai assisté à quelques-uns de ses cours sur La physique d'Aristote) et avec saint Augustin. Cette méthode n'a pas son pareil pour dialoguer avec un auteur, dût-on le réfuter.
Quant à saint Augustin, ce théologien très prolifique et qui avait bien appris sa rhétorique, était pétri de paradoxes. Il était merveilleux dans la liberté intime qu'il avait de parler avec dieu, mais beaucoup plus discutable dans sa façon d'anathématiser ceux qui ne pensaient pas comme lui et non seulement d'approfondir une pensée du péché originel lié à la seule concupiscence, mais d'inventer un enfer de combustion sans consomption, faisant de Dieu l'auteur d'un génocide éternel.
Il restait quelque chose du manichéisme d'Augustin dans ses partis pris. L'indécision où était l'évêque d'Hypone entre la prédestination qui se déduit logiquement d'un Dieu omniscient et le libre arbitre, a préparé le terrain du jansénisme où l'Eglise s'est fourvoyée, aussi bien en aggravant le conflit entre pré-gallicans et déjà ultramontains, en préparant le terrain du calvinisme, qu'en créant un marqueur identitaire spécifique de l'esprit français, pour le meilleur de la littérature (Pascal,  Racine, Larochefoucaud ou le grand Arnaud) et pour le pire de la politique: le jansénisme préparant la Révolution française, sans solution de continuité entre l'âge classique dont il est le plus beau fleuron, et l'âge de la renégation des valeurs classiques et de l'aggravation des Lumières.
Beaucoup ont rendu saint Augustin responsable du "sommeil dogmatique de l'Occident". Je n'ai pas lu son "genesis ad litterras". Mais beaucoup ont reproché au docteur prolifique de n'avoir pas pris la peine de parler le Grec pour interpréter la Bible plus adéquatement.
Enfin, je n'oublie pas que Luther était un moine augustinien défroqué. Or la théologie de Luther transportait avec elle l'écartèlement de son maître, entre un Dieu absolument gracieux en face de qui rien de ce que nous pouvons faire ne contribue à notre justification, et une morale purement conséquentialiste où, puisque nos actes bons ne sont pas nécessaires, nous navigons entre une vertu trop tendue, à l'opposé de la conception grecque par laquelle la vertu est un "juste milieu", moyen terme pondérant deux excès opposés, et le relâchement subséquent du péché qui, l'arc ayant été trop bandé, donne lieu à tous les débordements, débordements que le caractère allemand n'a faits qu'aggraver.
Luther, fils d'Augustin, a pu ainsi répudier l'amour qu'il portait à sa femme en lui écrivant dans une lettre posthume qu'elle ne lui avait été d'aucune utilité. Il a pu s'adonner à tous les excès de table avec les propos s'y rapportant et confinant à la vulgarité la plus sordide. Il s'est enfin abandonné à la scatologie la plus indélicate. Il a incubé en ses futurs disciples l'atavisme de sa torture morale et donnant lieu aux pires dérives comportementales. J'aime à dire qu'Hitler procède de Luther et Luther de saint Augustin... Certes, cette réduction ad Hitlerum n'est pas de très bon goût. Pourtant, avec son enfer de combustion sans consomption (j'y reviens), Augustin rend Dieu responsable d'un génocide éternel, tel qu'Hitler n'en a jamais rêvé.
En un mot, Augustin ce kabyle, a été un des plus grands génies de l'Occident, mais y a mal inculturé le christianisme en l'identifiant, pour le meilleur à son mysticisme et pour le pire à sa névrose..

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