lu en réunion liturgique avant-hier soir un
texte d’enzo Bianchi, qui pose la question que j’étais étonné d’entendre poser
à Marie-Véra, qui pourtant avait décidé d’embrasser l’état victimal, pour
souffrir ce qui manquait à la Passion du Christ : comment le Père a-t-Il
pu accepter la souffrance et la mort de Son Fils ? Il me semblait qu’une
mystique devait avoir dépassé cette question.
La théologie moderne y répond de
façon prétentieuse, en escamotant le combat spirituel à l’origine de la Passion
du Christ, combat entre le Christ et le diable, pour se contenter d’une lecture
politique des Évangiles : le Père n’a pas voulu la mort du Fils, mais le
Fils a choisi le côté des victimes, des persécutés, des « agneaux de
l’histoire ». Or je suis sensible à
la critique d’Abdel à ce propos. Quand nous entendons : « Je vous
envoie comme des agneaux au milieu des loups », nous désignons les autres
comme des loups et nous nous désignons comme des agneaux. Même si on reformule « les
agneaux de l’histoire » en « perdants de l’histoire » comme
l'a fait Hervé, pourquoi Jésus prend-il leur parti si c’est pour continuer à
les faire perdre sans leur assurer la moindre victoire en ce monde ?
Et de
même quand, un peu avant la Cène, Marie-Madeleine répand un parfum précieux sur
Ses pieds, les apôtres récriminent, dont Judas Hiscariote qui tient les
cordons de la bourse. Réponse de Jésus : « Des pauvres, vous en aurez
toujours avec vous. » Peut-être veut-Il dire : « Laissez-moi ce
meoment, honorez-moi, je vais mourir ! » Mais les conservateurs
entendent : « Il ne faut pas viser la société sans classe », ce
qu’écrit Léon XIII en propres termes, dont on croit qu’il a révolutionné la
Doctrine sociale de l’Église parce qu’il a écrit rerum novarum. Or
Léon XIII n’a rallié la République que pour préserver les États pontificaux. Il
ne l’a nullement ralliée comme pouvoir exercé par le peuple sur le peuple.
Encore moins ne l’a-t-il approuvée en tant qu’aspiration à une égalité sociale.
Il ne désirait voir en la « démocratie chrétienne » qu’une
« action sociale populaire ». C’est très insuffisant comme expérience
de libération.
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