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mardi 13 février 2018

Sur Israël et le sionisme.

Propos épistolaires tenus à une amie de tradition musulmane.


« Je ne t'ai pas bien expliqué ma position à propos du sionisme -car nous marchions et je suis toujours essoufflé ou concentré quand je marche. Séquence dévalo-.
Je crois que ma pétition de principe est assez simple: l'Islam et le christianisme sont deux histoires juives qui ont réussi. Par là, je veux dire que nous reprenons des personnages, pour nous le Messie, pour vous les prophètes, Abraham/ibrahim, Jésus, qui nous ont été transmis par la Révélation juive. -Mon ami Croissant de lune me dit que le Dieu du Coran est très proche du dieu des philosophes (grecs). D'accord, mais c'est le dieu des philosophes qu'on a fait correspondre avec les prophètes de l'Ancien Testament-. Donc, chrétiens et musulmans, nous descendons et dépendons de la Révélation juive. Or ce qui est central dans la Révélation juive est le territorialisme de ce nationalisme universaliste. Ce qui est central est donc le rapport à la terre promise. Donc il me semble que nous devons tolérer le fait accompli de l'Etat d'Israël, d'autant qu'il est né sur les ruines du mandat franco-britannique, auquel la Palestine n'a pa su imposer sa souveraineté avant qu'Israël ne la lui prenne.
Pourtant, pour être allé là-bas (comme je te l'ai dit) au cours de ce que j'ai vécu comme un voyage politique, les Palestiniens sont beaucoup plus émouvants que les Israéliens. Quelques "choses vues" pour te l'expliquer. Quand mon frère finit par consentir à ce que nous nous aventurions hors des frontières couvertes par l'assurance de la voiture et que nous nous sommes arrêtés devant le restaurant où j'ai refusé (un comble!) de boire une bière palestinienne, car je croyais que le patron était musulman, or il était chrétien... (je n'en ai goutté qu'une gorgée, elle ressemblait à du cidre, elle était très bonne), il était un peu moins de 14h, et nous assistâmes avant de nous garer au départ pour l'école des enfants palestiniens. On sentait que les parents mettaient tout leur espoir dans le fait que les enfants aillent à l'école, y aillent avec de la tenue, y travaillent bien, y travaillent de manière à ne plus être opprimés. Les parents palestiniens investissaient dans l'école. Au contraire, si je puis dire, dans une des auberges de jeunesse où nous sommes allés, nous avons vu deux scènes d'école qui n'étaient pas à l'avantage de la société israélienne. C'étaient d'ailleurs deux scènes contrastées.
Un premier soir, la fleur de la jeunesse israélienne vient visiter l'endroit où nous étions, près de la mer morte. (Pour que tu puisses te foutre de moi, je suis le seul baigneur qui ai failli me noyer dans la mer morte, car j'étais couché sur le dos et je n'arrivais plus à me retourner. Près de la mer morte, ça sent le soufre à 50 kms à la ronde). Cette fleur de la jeunesse israélienne était couvée par un éducateur, le fusil accroché à la ceinture et la fleur au bout du fusil...
Le lendemain, dans la même auberge, est reçue une phalange d'enfants falachas (des juifs éthiopiens comme tu dois le savoir) avec leur éducateur. Pas de fusil et une sécurité réduite au minimum. On consentait à les emmener en excursion comme si c'était de la pègre, et on ne couve pas la pègre. On les traitait à peu près comme on traite ici les jeunes de banlieu: on en parle sans arrêt, mais on les laisse à l'abandon et à la marge de notre société. Tu parlais d'apartheid hier. Je te décris une apartheid criante au sein de la société israélienne.
Ce qui m'a frappé quand j'ai visité les lieux saints (toujours mon voyage politique), c'est qu'Israël n'a pas la souveraineté sur le coeur spirituel de ce qui est censé être sa capitale. Le coeur spirituel de Jérusalem est un quartier arabe. La souveraineté d'Israël est donc extrêmement fragile puisqu'elle est purement économique et juridique. Partout on se balade un peu comme dans un souk, sauf près du mur des lamentations où les juifs viennent prier, la kippa sur la tête et des soldats en armes pour surveiller leur prière. Et pourtant je suis homme à souhaiter que leur troisième temple soit reconstruit à cet endroit-là. Ma kippa (car on doit être couvert quand on vient près du mur des lamentations) ne cessait de voler au vent et je devais la tenir pour ne pas commettre un sacrilège involontaire. Comme le dit mon ami Guillaume de Tanoüarn, un sacrilège est le manque de respect pour le sacré des autres, la chose précisément que les gens de "Charlie" n'ont pas coomprise, raison pour laquelle je ne dis pas qu'ils ont mérité ce qui leur est arrivé, mais ils en sont responsables, et autant je hais les attentats du 13 novembre, autant je comprends l'attentat contre "Charlie", je ne serai jamais de ces pleureuses qui diront que c'est trop injuste. Ma réaction à chaud, publiée en commentaire au pied d'un article de G. de Tanoüarn, en témoigne. Quand il s'est agi de respecter la minute de silence (à l'époque, j'allais à Paris deux fois par semaine pour suivre ma formation d'écrivain public), je n'ai pas fait d'histoire, je n'ai pas provoqué de polémique, mais j'ai continué à travailler sur mon ordinateur comme si de rien n'était.
Je reviens sur Israël et sur Jérusalem. De ce que j'y ai vu (permets-moi définitivement de voler ce verbe au vocabulaire de la perception), j'en ai conclu que "la solution à deux Etats" n'est pas viable. La seule solution que j'ai pu entrevoir est un Etat binational à la souveraineté partagée, où le dialogue entre les deux autorités commencerait par être arbitré et surveillé par l'ONU. Quel est ton avis sur la question?

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