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lundi 5 février 2018

Religion et tradition

Nathalie Haddadi a attiré mon attention sur quelque chose à quoi je n’avais jamais pensé. Elle m’a dit être une musulmane non pratiquante et y tenir, mais par contre aimer certaines traditions qui avaient cours en Algérie. Je lui ai objecté que les traditions faisaient partie de la religion ou du moins s’inséraient dans la religion. Elle m’a donné trois exemples du contraire.

 

Le premier : dans la tradition,les conjoints ne doivent pas se voir avant le mariage. Mais dans la religion,c’est le contraire. Non seulement ils doivent se voir, mais il est prescrit qu’un témoin extérieur au couple et à la société qui sera invitée au mariage reçoive dans l’oreille le consentement de la femme. Or, dans la tradition, le consentement de la femme, on n’en a rien à faire.

 

Il en va donc du mariage religieux musulman, jamais respecté dans la tradition (ce qui prouve que la charia est inapplicable, même en pays musulman) comme du mariage chrétien qui, lui non plus, quoique dans une moindre mesure, ne respecte pas tout à fait la norme religieuse :  ce qui scelle le mariage est le consentement que les époux se donnent devant témoin. La transgression chrétienne de l’esprit du sacrement du mariage chrétien est qu’en pratique, les époux ne se donnent plus le mariage, on les marie, et on les marie devant ce témoin qu’est la société, car on voudrait qu’ils se marient pour servir d’exemple à la société. Or, si on poussait le mariage chrétien au bout de sa logique, qui est quasiment morganatique ou secrète, ce devrait être une union libre.

 

Mieux encore. De plus en plus, la tradition impose le port du voile aux femmes musulmanes. Or, si une femme va faire le hadj à La Mecque, elle doit montrer son visage, ses mains et ses pieds (j’espère ne pas m’être trompé dans les parties du corps). « Si elle ne le fait pas, a conclu Nathalie et ça m’a fait rire, leur Mec…(que) est raté… »

 

Je ne suis pas guénonien, surtout parce que je ne connais rien à Guénon. De fait, c’est dans un contexte musulman qu’il a forgé l’épithète de « traditionaliste ». La tradition est la sédimentation de la religion dans des rites humains. La foi est le fond transcendantal de la reliance humaine, la tradition est son côté humain. Humain et paradoxalement plus dur, plus rigide, car la foi n’a pas vraiment besoin de religion, mais l’homme est un animal religieux. Or à la base de la religion est la superstition, et la superstition est la peur, et la peur endurcit. La tradition est rigide, mais elle humanise, car elle désacralise. Le canon du texte sacré s’enrichit d’un appareil de contes et légendes folkloriques, et l’observance religieuse devient un banquet ou une fête, une fête de famille.

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