Le premier : dans la tradition,les conjoints ne doivent
pas se voir avant le mariage. Mais dans la religion,c’est le contraire. Non seulement
ils doivent se voir, mais il est prescrit qu’un témoin extérieur au couple et à
la société qui sera invitée au mariage reçoive dans l’oreille le consentement
de la femme. Or, dans la tradition, le consentement de la femme, on n’en a rien
à faire.
Il en va donc du mariage religieux musulman, jamais respecté
dans la tradition (ce qui prouve que la charia est inapplicable, même en pays
musulman) comme du mariage chrétien qui, lui non plus, quoique dans une moindre
mesure, ne respecte pas tout à fait la norme religieuse : ce qui scelle le mariage est le consentement
que les époux se donnent devant témoin. La transgression chrétienne de l’esprit
du sacrement du mariage chrétien est qu’en pratique, les époux ne se donnent
plus le mariage, on les marie, et on les marie devant ce témoin qu’est la
société, car on voudrait qu’ils se marient pour servir d’exemple à la société.
Or, si on poussait le mariage chrétien au bout de sa logique, qui est quasiment
morganatique ou secrète, ce devrait être une union libre.
Mieux encore. De plus en plus, la tradition impose le port
du voile aux femmes musulmanes. Or, si une femme va faire le hadj à La Mecque,
elle doit montrer son visage, ses mains et ses pieds (j’espère ne pas m’être
trompé dans les parties du corps). « Si elle ne le fait pas, a conclu
Nathalie et ça m’a fait rire, leur Mec…(que) est raté… »
Je ne suis pas guénonien, surtout parce que je ne connais
rien à Guénon. De fait, c’est dans un contexte musulman qu’il a forgé l’épithète
de « traditionaliste ». La tradition est la sédimentation de la
religion dans des rites humains. La foi est le fond transcendantal de la
reliance humaine, la tradition est son côté humain. Humain et paradoxalement
plus dur, plus rigide, car la foi n’a pas vraiment besoin de religion, mais l’homme
est un animal religieux. Or à la base de la religion est la superstition, et la
superstition est la peur, et la peur endurcit. La tradition est rigide, mais
elle humanise, car elle désacralise. Le canon du texte sacré s’enrichit d’un
appareil de contes et légendes folkloriques, et l’observance religieuse devient
un banquet ou une fête, une fête de famille.
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