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mardi 6 février 2018

Dan Jafé, le Talmud, se couler dans la méthode pour étudier ce texte en expansion


Assisté hier soir à la deuxième séance du séminaire de dan Jafé sur le Talmud. En gros, le thème en était : « La condamnation des judéo-chrétiens a-t-elle vraiment eu lieu ? Etait-elle nécessaire ?»

 

Sans discuter la thèse défendue dans la séance d’hier soir, qui sera prolongée par toute une journée en compagnie de l’historien professeur à l’Université de Bar-Iland (Tel aviv), qui m’a cette fois-ci fait surtout l’effet d’être quelqu’un qui se livre à des études littéraires, y compris en pratiquant le comparatisme :

 

- Sur la forme, j’ai trouvé important, plus important que d’habitude, d’identifier ma position dans l’étude. Il ne s’agit pas que je dise si je suis pour ou contre le Talmud ni pour ou contre les conclusions de Dan Jafé, je dois me couler dans la méthode. Il faut que je comprenne la méthode qui est celle de Dan Jafé et que j’essaie de m’inscrire dans le point que j’occupe, fût-il absolument mineur, dans la recherche en cours.

 

Arlette me dit que j’ai évolué. « Non. Ma seule évolution est que j’essaie de comprendre la logique de l’autre, tu ne peux pas savoir à quel point. »

 
- Le Talmud est un texte en expansion. Ca m’a rappelé l’étude de l’expansion du groupe nominal que nous faisions en sixième.

 

Sur le fond :

 

- Dan Jafé dit que nous n’avons connaissance des judéo-chrétiens que par les sages du Talmud, les pagano-chrétiens ne les intéressant pas puisqu’ils ne faisaient pas partie de leurcommunauté.  Ca me conforte dans l’idée que l’opposition historique entre judéo-chrétiens et pagano-chrétiens a quelque chose d’exagéré, surtout si l’on suppose que les judéo-chrétiens ont vécu presque tout un siècle tout seuls, ou en étant beaucoup plus nombreux que les pagano-chrétiens.

 

- - Le Talmud considère les judéo-chrétiens comme une menace et les traite avec une extrême agressivité. Ils ne citent pas le Nom de Jésus, mais parlent d’ »un certain homme » ou de « Jeshua ben Pantera », ce qui est une insulte chaque fois qu’on ajoute cet épithète.

 

- On dirait toujours que les judéo-chrétiens viennent guérir les juifs en douce, ce qui contraste avec les Actes des apôtres, qui nous présentent les disciplesparlant et agissant au grand jour, avec fierté.

 

- Du coup, les sages du talmud ont peur que les guérisons opérées par les judéo-chrétiens ne marchent et ça les rend encore plus furieux.

 

- Seulement si on se place de leur point de vue et qu’on se mette dans la peau d’un sage du Talmud très dur comme je l’ai fait hier soir en posant ma question, défendant rabby Ishmael contre lequel ses successeurs (surtout Talmud de Babylone) émettaient des réserves feutrées, les judéo-chrétiens étaient plus méprisables que les païens : ils appartenaient au peuple juif ; ils se réclamaient d’un Jésus qui volait quelque chose de la divinité du Dieu unique et qui reprenait à son compte la logique du Nom qui a cours dans le tétragramme. Et leurs guérisons marchaient. Réponses de Dan Jafé : « Il est certain que les judéo-chrétiens reconnaissaient Jésus comme Messie, pas sûr qu’ils le reconnaissaient comme Dieu. Car il y avait différents niveaux de messianité : messianité sacerdotale, messianité royale. Jésus présentait une messianité de type sacerdotal (bien qu’il n’appartînt pas à la tribu de Lévy comme le fait observer Michel Onfray), ce qui jetait un pont entre Dieu et les hommes, mais le pont n’est pas nécessairement le pontife. Jésus était l’échelle de Jacob. Etait-il Dieu pour ces premiers croyants ? »

 

- En comparaison de ces  judéo-chrétiens qui venaient pour guérir en douce, les sages du talmud paraissent infiniment violents : « Nous avons délimité la haie où, si tu la passes, tu seras mordu par le serpent et tu en mourras. » (Paraphrase d’un des textes d’hier soir.) « Nous sommes maîtres de la vie et de la mort » alors que les judéo-chrétiens ne venaient que pour donner la vie et rendre la santé aux sages du Talmud, qui les traitaient éventuellement de « fils de pute » (Jeshua ben Pantera).

 

- Mais j’étais plus véhément encore que rabby Ishmael qui, au siècle de compénétration des sages du Talmud et des judéo-chrétiens, ne voyaient qu’un inconvénient social à ce qu’un sage du Talmud se fît guérir publiquement par un judéo-chrétien. Ca pourrait se savoir et la notoriété des judéo-chrétiens pourrait se répandre. Il n’y a presque pas de sacrilège intrinsèque à se faire guérir par un judéo-chrétien. (Dans le premier cas qui nous étaitprésenté, le sage n’avait eu que l’intention de se faire guérir par un judéo-chrétien. Il voulait citer le verset qui le lui permettait, mais n’en eut pas le temps et mourut. « Pour le Talmud, ce n’est pas l’intention qui juge, c’est l’acte ».) À mesure que prend de l’ampleur ce texte en expansion qu’est le Talmud, « on sent un regret des sages de n’avoir pas composé davantage avec les judéo-chrétiens ». Après tout, le christianisme est une histoire juive qui a réussi.

 

- Les judéo-chrétiens représentaient un danger pour des sages du Talmud qui avaient décidé de régénérer la société juive après la destruction du second Temple. Ce réarmement moral rejoue des mêmes ressources que celles employées par esdras et Néhémi. Au fait, on tient pour acquis que le judaïsme rabbinique l’a emporté sur le judaïsme sacerdotal, mais pourquoi ? « Les prêtres étaient toujours là, mais ils étaient au chômage technique, puisqu’il n’y avait plus de Temple ». Mais du temps de Moïse et d’Aaron, il n’y avait pas non plus de temple. Et pourquoi n’envisagea-t-on pas d’en construire un troisième ? Pourquoi est-ce que ça traîne ?

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