Pages

vendredi 9 février 2018

Doctrines et idéologies


Je réclame le droit de lire en même temps Charles Maurras et le Talmud, et cela non par simple papillonage intellectuel ou pour faire des rapprochements, ce qui est le but et l'art de la culture, mais par une espèce de discipline du dilettantisme, qui fait moins de tout son miel, qu'il ne s'en remet aux gastronomes de l'apiculture pour le goûter et l'étoiler.

 

Alors que Charles Maurras ne croyait pas que "la libre pensée [ne voulût] affranchir la pensée d'elle-même », dans l’ordre intellectuel, ni de « l'ordre moral", ClaudeAskolovitch écrivait il y a 20 ans que le plus grand danger d'une gauche sans illusion et gestionnaire d'une société matérialiste et avare comme la nôtre, serait de n’avoir à lui opposer que "l'individualisme et la morale".

 

À l’origine, étymologiquement, un dogme est un enseignement. La catéchèse précède donc la doctrine, et la fascination pour l’autorité de l’enseignant l’emporte sur la vérité de l’enseignement. L’école est une contre-Eglise, qui a ses évêques, étymologiquement ses inspecteurs. L’enseignement comme doctrine, par exemple, fait de l’éducation jugée à l’aulne de la Déclaration universelle des droits de l’homme, cette charte de devoirs et non de droits comme était le décalogue, la voie obligatoire et royale de l’émancipation. On ne saurait échapper ni à l’émancipation ni à l’éducation. Qui tient l’école tient les consciences. La Déclaration universelle des droits de l’homme permet qu’on enseigne tout, qu’on satisfasse à toutes les curiosités, pourvu que l’on distingue savoir et croyance, comme si un savoir n’était pas toujours une croyance, et pourvu qu’il soit interdit de rien enseigner qui soit contraire aux droits de l’homme.

 

Les droits de l’homme sont un  totalitarisme libertaire et fraternel. « On les forcera d’être libres, on les forcera d’être frères.

 

Selon moi, une doctrine est toujours supérieure à une idéologie, car c’est un capital de civilisation, amassé par du mythe et non produit par de la pensée. Les monuments de la pensée sont toujours un peu ridicules, mais le mythe produit la culture. Il la produit en faisant oublier son origine mythique, mémorielle, anhistorique. La doctrine, c’est de la poésie sédimentée en pensée, qui flèche et préside à l’érection des cathédrales. Le mythe est le sens giratoire de la culture. La culture vient du mythe.

 

L’idéologie, c’estun stalacmite, c’est de la pensée qui monte de la caverne. La doctrine, c’est un stalactite, c’est de la poésie sédimentaire qui descend du ciel sous les espèces de la pensée. (L’idéologie est donc trompeuse jusque dans la phonétique. Elle fait croire qu’elle vient du mythe alors qu’elle est fille de la préhistoire qui n’existe pas. Les âges d’or préhistoriques ne sont rien auprès des cosmogonies et des récits de la Création, ces tuteurs des relations humaines.)

 

Je préfère les doctrines aux idéologies, car elles mêlent deux choses que j’aime : la poésie et la pensée. La doctrine sait qu’elle est mal-pensante. L’idéologie a la croyance farouche et pharaisienne qu’elle pense comme il faut. C’est pourquoi les idéologies, qui sont des cercles vicieux promus par des ligues de vertu épuratrices,  procèdent au bouclage du monde dans le cercle de leurs croyances qu’elles prennent pour du savoir.

 

Les idéologies ont la vue si courte et si basse qu’elles la cantonnent au visible. Les doctrines vont à la recherche de l’Invisible en présentant l’inconnu comme le vrai et en transformant le vrai en beau. Les doctrines ont donné au monde son genre de beauté. Elles sont le mémorial de la beauté qui doute (toute vérité est relative puisqu’elle est qualitative), avant de se présenter sous les apparences de la vérité. Les doctrines sont les épopées mal pensées de la vérité inspirée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire