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vendredi 3 décembre 2010

LA DEMOCRATIE DU CONCERNEMENT CONTRE LA REPUBLIQUE ASSOCIATIVE

Ah, "les associations"! Leur petite entreprise ne connaît pas la crise". Dans une démocratie qui respecterait ses principes de représentativité, on devrait évaluer ce que pèse une association au nombre de ses adhérents et à ce que ceux-ci sont prêts à donner pour soutenir la cause qu'ils défendent. Mais ici intervient le plus discriminants des facteurs inégalitaires dans ce régime tendant vers "l'égalité des conditions" qu'est la démocratie moins représentative que spirituelle: c'est que l'on ne peut sérieusement évaluer ce que pèse une association au pèse dont elle dispose, plus sérieusement à ce que sont prêts à débourser ses adhérents pour la défendre, sachant qu'avant qu'ils soient prêts à quoi que ce soit, il faut qu'ils puissent le faire. Nécessairement, dans une démocratie qui n'évaluerait ce que pèse une association qu'à ce que pèse le don de ses adhérents, les priorités des plus nantis l'emporteraient sur celle des plus démunis, sachant que charité bien ordonnée commence par soi-même. Le régime actuel fait semblant de corriger ce "différentiel" présumé en venant subventionnairement au secours des associations dont il estime, avec une autre forme d'arbitraire, que les adhérents voudraient bien, mais ne peuvent pas, donner ce qu'ils souhaiteraient pour défendre la cause par laquelle ils se sentent concernés. Structurellement, par le double effet de la fierté que proclament les riches à ne pas demander de subvention et de l'inflexion correctrice que l'Etat se plaît arbitrairement à donnerà la représentativité des associations en en soutenant certaines et en laissant les autres, les mieux pourvues, voler de leurs propres ailes, l'Etat "entre dans le capital" des revendications des associations sachant se faire entendre lorsqu'elles crient misère. Or cette entrée dans le capital par l'etat des associations de pauvres (ou de gauche), outre qu'il est frappé d'illégitimité parce qu'il introduit une inégalité de traitement des citoyens, qui ne sont plus égaux devant la loi, parce que l'etat ne se comporte plus en arbitre, est loin de résoudre les revendications que prétend soutenir l'Etat actionnaire. Car l'Etat est avant tout actionnaire des divisions de la cause par autant d'angles sous lesquels la défend chacune des associations qui s'en prétend légitime mandataire, sans que l'on soit assuré que ces mandataires aient reçu mandat de ceux qu'ils défendent. L'Etat pratique donc le principe très habituel de "diviser pour régner". Mais en même temps qu'il règne en divisant, l'immobilisme est érigé en vertu de gouvernement.

L'alternative au droit d'association, d'autant qu'il ne serait pas empêché de subsister dans ce cas, serait une renaissance moderne de la corporation par laquelle seraient réputés les plus habilités à s'exprimer sur un projet de loi les principaux concernés par celui-ci. Par exemple, tous les handicapés seraient membres de droit de "la corporation des handicapés" qu'on n'appellerait pas corporation, pour éviter la connotation péjorative et déplaisante qu'a prise ce mot aux yeux de bon nombre de nos concitoyens, qui ne conçoivent le corporatisme qu'à condition qu'il soit revendicatif et qu'il pratique la surrenchère. Le rôle du parlement dans ce processus direct d'élaboration des lois, en priorité par ceux qui seraient les principaux concernés par leur applications, serait de déterminer ce que j'appelle les "indices de concernement et de discernement" pour quantifier la valeur de l'expression des différentes catégories de citoyens, en ne tenant en aucun cas pour nulle l'opinion des concitoyens qui ne s'estiment nullement concernés par le sujet considéré, mais qui parlent au nom de ce qu'ils croient être l'intérêt général. D'autre part, seraient considérés comme concernés à un moindre degré ceux qui, en particulier par l'adhésion à une association qui traiterait du problème sur lequel il serait statué, auraient manifesté un certain intérêt pour celui-ci ou graviteraient autour de lui. Dans un tel système d'élaboration du consensus législatif, l'opinion des premiers concernés serait toujours prioritaire par rapport à ceux qui sont indifférents à un problème et donc n'ont pas un intérêt autre que général à le résoudre. La votation d'une loi serait établie à partir de l'expression différemment quantifiée quant à sa valeur décisionnaire par l'intérêt réel, indifférent ou supposé qui serait préalablement attribuée à l'expression des votants. Comment cette valeur serait-elle calculée? C'est ici que pourrait se poser la question si l'on doit laisser le moindre rôle au parlement ou sil'on préfère passer directement d'un régime représentatif à un régime plus mûr qui laisserait les citoyens, à travers une votation préalable, être autorégulateurs de la valeur d'un consensus. Si la première option était retenue, les parlementaires deviendraient par un retournement inattendu, les garants du long terme. Cela demanderait aux candidats à la députation de préciser quels sont à leurs yeux les intérêts régaliens de l'etat. Pour un candidat de droite, ces intérêts régaliens se limiteraient pour l'essentiel la sécurité, la défense et la justice. Un candidat de gauche y ajouterait le logement, la santé et l'éducation. Ainsi, on ne demanderait pas à celui qui devra statuer sur les valeurs de la parole de ceux qui prendront part au consensus, de s'illustrer lui-même par un catalogue de promesses, toutes plus intenables les unes que les autres. L'avantage de maintenir une dose de parlementarisme dans un système de législation directe et démocratique serait de définir au préalable et pour un temps suffisamment long si l'etat est de droite ou de gauche. Cela permettrait de battre en brèche la capitalisation des divisions dont se paie l'etat depuis la révolution pour faire, entre autres possibles, que "la droite" ne soit plus "ce "pays où l'on n'arrive jamais", comme le disait en son temps Yves-Marie Adeline, mais tout aussi bien que la gauche soit autre chose qu'une compassion incantatoire sur les maux des prolétaires maniée par des bourgeois qui voudraient les appâter, comme pourrait le dire Jean-Luc Mélanchon. Ce système de démocratie directe corrigé par l'introduction d'indices correcteurs de concernement et de discernement me paraît être la seule alternative moderne, raisonnable et viable à une monarchie utopique et illégitime dont il reprendrait la pratique des libertés que les nostalgiques de ce régime disent y avoir été appliquées. Le consensus directement sollicité de ceux à qui s'applique les lois serait en outre le seul ressaisissement possible de la république par elle-même, qui cesserait d'être un précarré idéologique rejetant dans ses "ténèbres extérieures" ceux qui ne se sentent pas républicains pour redevenir la "chose du peuple".

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