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mardi 25 mai 2010

Le regret de mon père (III)

Je regarde vaguement le documentaire sur la sexualité des français. Les documentaristes doivent être au-dessus des français, alors que les gens, ça veut dire la nation, mais ça ne m'intéresse pas pour le moment. Pas de politique, à part pour le Pen, hissse ? et pas de polémique, sinon pour Freud, un peu imbécile quand même, pour qui "la femme se sentait en défaut de pennis". de phalus, mais ça n'empêchait pas les bourgeoises de s'allonger sur son divan.

Mon père disait souvent :
"Un homme, ça baise comme ça fume une cigarette". Il en fumait trois paquets par jour et, avant qu'il devienne tubar, il en fumait jusqu'à quatre et demie.
Il se reconnaissait cavaleur, mais compartimenté. Il regrettait que je ne sois pas, comme lui, "davantage porté sur le mont de Vénus". Quand il s'est retrouvé malade et à l'hosto, je lui ai demandé :
"quand tu vois une infirmière, ça ne te fait rien au petit truc ?"

Il ne m'a même pas répondu que c'était un grand machin que son petit truc, par une dernière révolte de la virilité, mais simplement :
"ca ne me fait plus rien. Tu comprends ? J'ai une couche. Tout ce qui compte, c'est la gentillesse de la fille, le fait qu'elle ne me le fasse pas remarquer, par exemple."

Un matin, j'allais à la messe : je suis un impénitent cul bénit, non sodomisé pourtant. Je ne suis pas un enculé. Je buvais mon café comme d'habitude, et lui fumait une cigarette à côté de moi. Par la fenêtre, il regardait les bigotes passer, allant où j'irais tout droit. Il comença par me dire:
"comment tu expliques que toutes ces vieilles ont un visage revêche ?"

J'esquissais :
"elles ont des sécheresses, c'est mystique..."

et puis, tout à coup, après un long silence de cigarette, il me demanda :
"Mais franchement, toi, t'y crois, au paradis ?"

sur l'instant, j'étais tellement médusé et sur le cul (j'étais déjà sur mon séant, étant assis, et mon père étant mon fondement) que je ne sus que lui répondre. Et puis, quelques mois plus tard, quand il fut à l'hôpital, dyalisé, paraplégique, amputé, je lui demandai :
"Mais quand même, ça ne t'arrive jamais de te révolter contre Dieu ?"
Pour toute réponse, je reçus :
"tu n'as pas le droit de dire ça."

Il avait dit à l'une de ses amies, Marie-rose, une brave femme dont il riait parce qu'elle portait le même prénom que la pulvérisation par laquelle on chassait les poux et qui reçut ses dernières convulsions (il y eut un temps où il m'appelait Poupou), parole testamentaire d'un paternel à la Louis XIV:
"J'ai été un mauvais mari, j'ai été un mauvais père, je le paye et je suis content de le payer.
J'ai trop aimé la liberté (Louis XIV : "J'ai trop aimé la guerre et les bâtiments." Le paternel avait fait cent-vingt jours de prison militaire, il s'était efforcé de ne tuer personne en algérie et il avait caressé le rêve de devenir promoteur immobilier sur le plan national. Il avait fini en agent immobilier municipal, qui ne demandait jamais leurs fiches de paye aux locataires qui prétendaient occuper les appartements de ses amis, propriétaires).
"J'ai tropaimé la liberté. Mais, si je devais troquer la liberté que j'ai prise contre le fait de devenir un bon mari ou un bon père, je choisirais la liberté".

Julien WEINZAEPFLEN

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