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vendredi 28 mai 2010

Dans la série : "dialogue du torrentiel avec un croissant de lune" :

Mme. L.F.
19 Avril 2010
-Bonjour « Croissant de lune » et « Torrentiel ».

Holà ! Pourquoi tant de haine ?
La souffrance psychique existe et elle est immense, dans toutes les couches de la société et donc dans les couches populaires, bien sur. Comment se soignent les gens des couches populaires quand ils se soignent? Ignorez-vous toutes les tentatives de prophylaxie mentale et de soin, dans les centres médico-psychologiques qui sont souvent gratuites ou rembourses par la Sécurité Sociale (je cite au hasard, parmi tant d'autres, les Centres Binet, les BAPU et tout les centres qui soignent les enfants, les adolescents et les femmes en grande détresse psychique.) Tous ces centres ont des soignants qui ont suivi en général une formation psychanalytique. Ils sont salariés, souvent peu payés et trop peu nombreux là où il y a trop peu de postes pour eux.
Que voulez-vous mettre à la place de l'écoute de type psychanalytique qui est faite de respect et de patience, qui aide tant de gens à survivre et à se replacer dans le monde? Des calmants, de l'alcool, des paires de claques, la prison, la prière ? Voilà effectivement des alternatives aux cures « psy
», très répandues, rapides, très peu complexes. Laissez-moi douter de leur efficacité.
Les mathématiques sont complexes, le physique et la chimie aussi, de même que la biologie, que le philosophie et que la théologie tout comme la psychologie, la psychanalyse et la sociologie. Il n'y a qu'une seule solution : se mettre au travail de lecture et de pensée, méthodiquement, calmement, sans préjugés pour juger par soi-même. On ne peut pas critiquer un auteur si on ne l'a lu personnellement. Par exemple lire Freud (avant Onfray), commencer par « Psychopathologie de la vie quotidienne », puis peut-être un jour Winnicott et Mélanie Klein...

Cordialement.

Mme. L.F.


Torrentiel.
19 Avril 2010
-Chère Hélène,
Je ne crois pas, ni que « croissant de lune », ni que moi, n'ayons fait montre d'une particulière haine à l'encontre de la psychanalyse dans nos échanges, même si « croissant de lune » va peut-être plus loin que moi dans la dénonciation de la discipline. et je vous dirais qu'à vous lire, je lui donne raison, parce que vous illustrez un travers qu'il dénonçait dans un de ses précédents postes :
c'est qu'il suffise à quelqu'un de contester le magistère méthodologique ou prophylactique de la psychanalyse pour aussitôt qu'on l'accuse de vouloir faire retomber ses contemporains dans les maladies les plus abominables. Or, que je sache :
1. Dans les CMP dont vous parlez, on ne pratique pas la psychanalyse, mais la psychiatrie, laquelle est, du moins dans un certain nombre de ses représentants, on ne peut plus opposée à la cure analytique, lui préférant le diagnostique sur la maladie, et une fois celui-ci posé, une fois que le
malade a son étiquette et son traitement, il n'a qu'à revenir un mois plus tard pour se faire injecter une nouvelle dose , non létale, mais, disons hypnotique de neuroleptiques : pas d'alcool, pas de drogue, mais d'un produit qui n'est pas sans occasionner force effets secondaires indésirables
et qui assoupit le zombie sous contrôle médical.
2. Les CMP sont loin d'être un modèle du soin. Je sais bien que c'est une tarte à la crème du psittacisme ambiant d'aller sans cesse répétant que nous avons, en France, un système de santé que le monde entier nous envie. A certains égards évidemment, quand on secompare, on se console. Mais enfin, dans les centre médico Psychologiques, on voit de tout, si vous me passez l'expression : le dépressif est mélangé avec le schizophrène sujet à crises violentes, et c'est ainsi que le second peut donner un coup de poing au premier, l'être le plus pacifique au monde (scène vécue dans mon entourage) qui, lorsqu'il se plaint auprès des services de ces centres d'avoir été maltraité, n'a pas l'impression d'être particulièrement défendu par le personnel, professionnellement déformé par l'injonction à ne pas se laisser victimiser, même quand on est victime de fait : mais où est-ce qu'il se croit donc, ce malade ? au holiday in ? Il est... dans le cas précis, non pas certes dans un Centre Médico Psychologique, où ce que je rapporte pourrait tout aussi bien arriver, mais à l'hôpital psychiatrique, c'est-à-dire dans "la nef des fous" qu'on n'appelle plus un asile d'aliénés et, s'il n'aime pas la promiscuité, il n'avait qu'à pas se faire interner.
Ce genre de réactions des soignants peut s'expliquer en partie par ce que vous dites du malaise social de ces personnels qui sont les maltraités de notre fonction publique, je suis bien d'accord avec vous, et qui mériteraient amplement de gagner mieux leur vie : mais, à ce compte, que les syndicats ne font-ils leur travail. Ils ne cessent de défiler tout au long de l'année, avec des rendez-vous rituels, pour défendre "des pauvres gens heureux" : ils feraient bien d'abord de rester fidèles à leur vocation
originelle, de ne pas être "social-traître" en s'intéressant prioritairement, pour ne pas dire exclusivement, aux lésions du pouvoir d'achat que subissent les classes moyennes, mais de défendre le vrai prolétariat, dont fait partie le personnel, dévoué malgré ses conditions de travail, qui fait l'objet de votre attention. Juste un mot pour vous montrer jusqu'où peut aller la perversité du système de "sectorisation de la psychiatrie" dont je prétends qu'elle mène à faire des centres de soin des "nefs des fous", qui, paraît-il, serait une amélioration (je ne vois pas en quoi) puisque, sous couvert de rapprocher es malades de leur domicile, on mélange toutes les maladies : dans l'hôpital où se trouvait la personne dont je vous ai relaté le mauvais coup qu'elle a pris, il y avait une cafétéria... Qui croyez-vous qui l'ait tenue ? Des personnes handicapées travaillant dans des CAT. C'était sans doute là les affecter au moindre risque pour ces personnes, qui souffraient de handicaps mentaux sans être du tout des malades psychiques, mais que leur handicap rendait plus sensibles aux traumatismes éventuels pouvant découler des crises de violence dont pouvaient être pris leurs camarades et clients malades psychiques.
3. Vous supposez encore que la psychanalyse sait guérir les maladies qu'elle soigne. Je ne dis pas qu'elle manque absolument de savoir-faire : mais, ce en quoi elle peut être apparentée à la médecine, bien qu'elle refuse à toute force cet apparentement, c'est que, malgré cette autre prétention qu'elle a, ce n'est pas une science : mais, comme la médecine, plus modeste et qui sait
sans doute pourquoi l'être, c'est un art, un art qui a sauvé beaucoup de malades, je vous l'accorde, mais qui en a conduit une proportion non négligeable d'autres au suicide, à commencer par les premiers psychanalystes eux-mêmes. Et, quand on fait valoir auprès d'un psychanalyste (tout comme, pour le coup, auprès d'un psychiatre) que leurs "sciences-arts" ne préservent pas du suicide, avec quelle hargne ces deux "savoirs" vous renvoient-ils dans vos buts : "le risque zéro n'existe pas, etc." On dit l'alcool responsable de 60000 morts, ne défendons pas immodérément le recours à cet adjuvant ! La prière est responsable de certaines folies religieuses : mais ce n'est pas la majorité des cas. La prière, l'alcool, la méditation (comme le fait de se raconter) sont des dérivatifs dont aucun ne vaut, en matière prophylactique, celui du recours à la création pour transcender nos fragilités. L'art et la création, de simples dérivatifs ? Et pourquoi pas ? d'autant que la psychanalyse, devant les échecs de beaucoup qui recourent à ses cures, tient de plus en plus le discours paradoxal qu'elle n'est pas faite pour guérir ses patients. Elle est là pour les aider à mieux se connaître, à réaliser qui ils sont, à vaincre le poids des schémas répétitifs, à acquérir la force que procure la connaissance, éventuellement à changer, à moduler le symptôme... Mais en tout cas pas à guérir, ne serait-ce qu'avec un sens de la gaudriole que les psychanalystes n'ont pas, parce qu'ils peuvent néanmoins constater que "la vie est une maladie incurable et constamment mortelle".
4.Enfin, pour aller une nouvelle fois dans le sens de « croissant de lune » (ceux qui ne donnent pas raison à la psychanalyste, c'est nécessairement qu'ils sont incultes en la matière), pourquoi conseillez-vous à nos modestes personnes de commencer par lire le maître avant de parler ? Personnellement, je ne dis pas que j'ai balayé tout le champ, que j'ai lu tout Freud, par exemple, dont l'œuvre est monumentale, mais j'ai pas mal lu quand même sur le sujet et des œuvres de première main, j'ai pas mal discuté avec des gens qui se passionnaient pour la psychanalyse, j'ai sérieusement étudié ce que j'ai lu, comme pourra en témoigner sous peu une étude que je compte faire paraître sur mon blog sur "TOTEM ET TABOU". donc, même si votre message est rédigé sur un ton nettement plus modéré que le mien (je suis incisif parce que j'aime la polémique. C'est pourquoi, dans la mesure où mon temps me le permet, je m'efforce de répondre à tous ceux que mes contributions interpellent, que ce soit positivement ou négativement), votre message contient, sous le miel avec lequel il est écrit pour attraper sans vinaigre les pauvres mouches que nous sommes, « Croissant de lune » et moi, beaucoup plus d'accusations insinuantes, que ma franche réplique point par point. L'insinuation n'est pas de la haine rééduquée par l'ironie ?

En vous priant, ne serait-ce que par galanterie, de ne pas tenir compte de la forme un peu leste de mon message un peu long, mais d'en retenir le fond et, si vous voulez poursuivre la discussion, de le contester, si bon vous semble, je vous remercie néanmoins de l'intérêt que vous avez pris à nos mises en cause de ce que je n'appellerais pas personnellement "le politiquement correct" (car je ne vois pas ce qu'il y a de mal à essayer d'être correct en politique, il faut chasser les lieux communs de notre critique elle-même), mais le prêt à penser, à défaut de concept plus synthétique qui, en un mot, embrasse la chose d'un seul trait.

Je suis meilleur légiste que néologiste...

Le torrentiel.



Mme. L.F.
3 mai 2010, 9h17
Bonjour Torrentiel .

« Mon Dieu, ô ma miséricorde, de quel fiel ta bonté a t-elle assaisonné ce miel ».
Saint Augustin, Confessions.

Moi, c’est simplement de l’humour, qui me semblait évident et je n’ai pas voulu appuyer lourdement par divers signaux convenus du genre « sourire » ou Lol.

Veuillez m’excuser pour ce délai de réponse. De retour de quelques jours passés au vert, sans ordinateur ni internet, je trouve votre mel et m’empresse d’y répondre.

*C.M.P.P. et H.P.

J’ai cité, entre autres, les C.M.P.P. Bien sur qu’ils ne sont pas tous ouverts à une lecture freudienne des problèmes ! Mais dans certains centres, il ya des thérapeutes et des courants d’obédience psychanalytique. J’en connais.
De même que la prise de médicaments ou d’injection de toutes sortes de calmants n’y est pas non plus systématique, heureusement. Sinon, peut–être faut-il fuir à toutes jambes devant la barbarie. Car les centres de soins et les HP peuvent être de centres de barbaries. La nef des fous… Non, c’est fini, l’asile, plus pour beaucoup, malheureusement, depuis que nous avons demandé relativement récemment l’ouverture des hôpitaux; en fait cela fait des économies.

La grande partie des S.D.F. est composée des malades qui ne sont plus enfermés. Est-ce mieux pour leur bien–être ou leur sécurité? J’en doute. Du coup ils connaissent le danger, la prison, le froid et la faim.

Une analyse, avec méthode appropriée me semble beaucoup plus douce, et elle peut éviter l’H. P., la prison où la rue, ce n’est déjà pas si mal.

*Question de méthode :

Nous sommes barbares devant la maladie mentale et la souffrance psychique. La psychanalyse me semble être une alternative à cette barbarie.

D’abord par sa méthode, neutralité bienveillante, liberté de parler, association d’idées et transfert, est douce.

Je dis bien neutralité et bienveillance, ce qui exclut la censure, le jugement, l’emportement, le rejet. J’aime, moi, cette attitude.

Ensuite la liberté de parler et surtout de bafouiller et de se taire ; car c’est dans la difficulté de la parole authentique et vraie que surgissent et resurgissent les vrais affects.

L’invention et l’usage et de cet instrument du transfert et du contre-transfert. Amour et haine et réaction par rapport à cet amour ou cette haine me semblent une trouvaille intéressante de Freud : Eros maitrisé en laboratoire psychique.

Evidemment, en cherchant bien, on trouverait quelque chose d’analogue chez Socrate. Je dis bien analogue et non pareil. Mais pour moi la psychanalyse à quelque chose de socratique; c’est-à-dire non violent, profondément respectueuse de la liberté de l’autre avec cette honnêteté de l’interrogation sur la vérité de ce qu’on sait vraiment du psychisme.

Autre aspect de la méthode : la cure, allongé sur le divan, devant un mur. Elle a ses raisons et certains peuvent choisir autre chose selon les besoins, face à face par exemple.

Cette méthode s’appuie sur des connaissances, sur une théorie toujours en recherche et en évolution, au fil du temps et des écoles. Derrière elles, il y a des théories neurophysiologiques prudentes et à compléter. Je préfère la lecture d’ouvrages de neurophysiologie et du dictionnaire de Laplanche et Pontais ou Lagache à l’œuvre d’Elizabeth Roudinesco, parce que pour moi, elle était répétition de ce que je connaissais en grande partie. C’est pourquoi la lecture de Boris Cyrulnik, Sous le signe du lien, par exemple, me semble intéressante et complémentaire de la lecture de Freud. `

Quant à l’argument de l’échec des analyses... il me laissé rêveuse. Echec par rapport à quoi ? A la demande d’intégration, de normalité ou de normalisation, peut–être? Vous connaissez cette anecdote et compatible avec celle de Freud :
Un homme rencontre un ami, psychanalysé.
« Alors ton analyse, elle a réussi ? Tu ne pisses plus au lit ? »
Et l’autre : « Si, mais maintenant, je m’en fous complètement »

*Suicide :
L’argument du suicide me semble plutôt une peur du suicide. Une analyse qu’on interrompt brutalement peut présenter des risques. Mais aussi l’arrêt brutal de certains médicaments; alors un bon analyste doit savoir répondre à l’angoisse du suicide ou l’empêcher par une écoute/parole adéquate.

Mais aussi, vous savez sans doute qu’il n’est pas conseillé à tout le monde de faire une analyse, En gros, parce que, pour certains la déconstruction de la maison intérieure sera trop rude et la reconstruction malaisée. Tiens ! Descartes avait déjà dit ça dans le Discours de la méthode, deuxième partie, à propos du doute.

* Brouillard
Je ne cherche pas à censurer, ni à polémiquer; la polémique (polemos, combat en grec) est une guerre, comme vous savez sans doute, et je n’ai pas envie de faire la guerre ni de tuer ou réduire au silence quiconque.
Simplement, j’aime les choses claires et précises. La confusion et le brouillage de mots et de concepts m’agacent, comme les glissements de sens entre peuple, populaire, populisme et populacier. Ne pas confondre bon sens, sens commun et idéologie commune, ni vulgaire et vulgarisation, information et mass média, ni démocratie, démagogie et tyrannie. Quant au fascisme, il a un sens précis qui n’a rien à voir ici. Mais je crois ce n’est pas vous qui êtes concerné ici.

* Une dernière chose

Je suis souvent d’accord avec vous dans une sorte d’évidence et de redondance de ma propre pensée. Michel Onfray que j’aime bien lire depuis de nombreuses années, semble sympathique a priori, mais je suis de plus en plus réservée quant à sa probité ou sa valeur de penseur. Ses intervertirions nombreuses à le télévision et à la radio, m’ont beaucoup surprise et déçue. Que ne faut il pas faine pour gagner sa vie !
Mais ceci est une autre histoire. Je n’en parlerais pas avant d’avoir lu son livre.

Bien sereinement.

L.F.


Torrentiel
4 mai 2010, 11h15

Petite rivière
chère Hélène,
Je suis content d'avoir un message de vous en espérant y répondnre au plus serein de vous et au plus sincère de moi.
Nous sommes d'accord sur l'analyse de la barbarie des prétendus civilisés à l'égard de la maladie psychique. quand je parle de "nef des fous", je n'ignore pas qu'on a largement fermé (ou ouvert) les hôpitaux psychiatriques, mais que la manière dont tous les divers types de pathologie y sont réunies pour y être traitées, confine à une "nef des fous" dans laquelle on fait bouillir la cocotte minute en attendant de voir ce qui en résultera.
La psychanalyse/méthode douce, où chacun est libre de baffouiller sans se censurer, sous l'espèce de protection que constitue "la neutralité bienveillante" ? d'accord sur le principe, d'autant que je suis loin d'être un contempteur de la psychanalyse. Mais les objections qu'on peut faire néanmoins à cela est que tout le monde n'est pas à égalité devant le silence observé par le "thérapeute" (qui est tout de même un guérisseur : glissement de sens si vous voulez, comme le mien à propos de la démocratie, de la populophilie ou du populisme, mais la psychanalyse n''est faite que de glissements de sens : c'est même tout ce qu'apportent les associations d'idées). si vous prenez une population comme les SDF par exemple, confrontés au silence qui les rend transparents à une société qui ne leur répond jamais et ne répond jamais à leur soif de reconnaissance, le fait de se voir opposer un silence, même bienveillant en regardant un mur, risque fort de leur donner l'impression d'aller droit dans celui-ci, d'autant qu'ils n'ont souvent plus la force d'avoir de la patience. Avez-vous observé ce paradoxe que, moins on a de temps et plus celui-ci est extensible, tandis que, plus on en a et plus celui-ci manque ?
en pratique, je crois qu'il faudrait inventer une "psychanalyse pour les pauvres ou pour les gens de la rue", c'est-à-dire un moyen terme entre la rigidité de la théorie et les a prioris respectifs de ceux qui l'appliquent d'une part, et les bienfaits que pourraient d'autre part en tirer ceux qui en bénéficieraient sous de nouvelles formes. Mais l'homme est rituel et répugne à changer ses formes. On ne peut tout de même pas se dissimuler que, sous son apparat actuel (chaque science a son "folklor), la psychanalyse n'est surtout accessible qu'à des gens sachant parler.
La psychanalyse, une variante moderne de la maïeutique ? Je ne me prononcerai pas sur le sujet, sinon pour faire observer que, loin d'être la libération qu'on a voulue voir dans la manière dont socrate invitait ses interlocuteurs à réfléchir, la pratique de la maïeutique qui était celle de socrate, excellait plutôt dans ses dialogues à rendre ses interlocuteurs au fait que le maître avait raison, alors qu'il aurait pu faire accoucher les esprits de leur propre vérité, selon l'ambition que, du reste, il se donnait.
La psychanalyse, cure curative ou qui enregistre que l'homme est incurable, quand on n'a pas réussi à donner le déclic à sa volonté de guérir ? Le christianisme de ma pensée sinon de ma pratique transpire, je l'espère, des différents postes que j'envoie (en un peu trop grande abondance, au détriment de mes propres lecture et écriture, effet de ma paresse ou de mon épuisement intellectuels). Pourtant, je crois que nous avons une leçon à tirer de la manière dont Jésus invitait Ses interlocuteurs, non à guérir, mais à situer le point sur lequel ils voulaient guérir : Françoise dolto avait senti cet apport essentiel de l'intuition chrétienne. A un aveugle notamment, Jésus demande :
"que veux-tu que je fasse pour toi ?"
L'aveugle est tellement étonné de la réponse qu'il lui répond :
"Mais maître (enfin quoi, c'est absurde) : que je voie !"
eh bien non, il y a des gens qui ne sont pas prêts à perdre les écailles de leurs yeux, des gens qui ne veulent pas voir (ce sont peut-être ceux-là, qui demeurent inaccessibles à la psychanalyse), dont les yeux et les oreilles doivent rester bouchés, qui doivent, à ce titre, courir le risque que leur vie ne soit une imposture. Mais, d'autant qu'il y a différents niveaux de conscience comme diverses formes d'intelligence (et l'intelligence de la main en est une au même titre que la spéculative), il n'est pas donné à tout le monde d'être en pleine vérité avec soi-même et, de toute manière, quand, à force de travail sur soi, il arrive qu'on le soit, on l'est toujours à l'exception de ses points aveugles et des angles morts de sa pensée. On est toujours un imposteur à proportion de ce qu'on ne voit pas, et on est d'autant plus un imposteur si c'est parce qu'on ne veut pas le voir qu'on entre dans le déni.
La psychanalyse et la peur du suicide ? Mais comment entendre cette peur ? Je comprends que votre point de vue soit de dire que, si l'on arrête une psychanalyse trop tôt, on risque de replonger si fort dans ses obsessions que le suicide peut s'ensuivre. Disons quand même, non seulement que la psychanalyse ne protège pas contre le suicide, mais que, de même que la psychanalyse n'a pas cette espèce d'impératif pour la santé dont la médecine a la religion, de même, elle a moins peur du suicide que ceux qui veulent à tout prix protéger leurs semblables de la mort, ce qui est tout de même un réflexe humain. La psychanalyse a d'ailleurs su se porter sur l'analyse de ces réflexes primitifs et comme archaïques qui peuvent peut-être prendre un tournant névrotique, mais protègent l'humanité de la totale indifférence à laquelle pourrait le conduire cette conséquence inopinée du progrès qu'est l'individualisme. La psychanalyse prend acte que le stoïcisme a su prôner le suicide, quand la vie devenait invivable. Mais on ne peut condamner une société (comme je ne dis pas que vous le faites, car j'ai tiré un sens supplétif de ce que vous écriviez) de protéger ses citoyens contre le suicide, à défaut de leur assurer une vie digne d'être vécue.
Le polemos et le combat des idées ? tout combat, comme vous le dites, est une guerre. Par exemple, j'ai, par manque absolu de force d'âme, à peu près renoncé à tout combat spiirituel. En revanche, j'écris sous une forme un peu forte une littérature roborative parce que c'est ce qui me reste de l'esprit rablaisien et français qui n'aseptise pas l'échange des idées. Mais je dois confesser que, ce qui a un peu enflammé ma plume, la dernière fois que je vous avais écrit, était que j'en voulais à la modération de sésame d'avoir mis fin à la discussion par la publication, sous sa signature, d'un article, le vôtre, qui remettait les pendules à l'heure de l'impossible remise en cause de tout ou partie de la pensée de Freud, dont je crois qu'on doit accepter l'héritage, tout en reconnaissant que celui-ci n'est pas dénué d'ambiguïté, comme chacun de nous est pétri de paradoxes. Mais je vais vous citer l'un des aphorismes que je suis le plus fier d'avoir trouvés : c'est qu'entre paradoxe et paradis, il y a parenté de radical.
deux derniers paragraphes pour finir ce poste qui a voulu vous respecter en essayant de faire le tour de l'ensemble de ce que vous aviez dit. Le premier est pour, bien que répéter que je ne suis pas un contempteur de la psychanalyse, regretter que celle-ci n'aboutisse en pratique qu'à une mise en accusation des ascendants du sujet qui vient mieux se connaître (ou peut-être se faire consoler, ce que la psychanalyse n'aime pas beaucoup en théorie) et qui ressort de là souvent insurmontablement passéiste et accusateur de son passé, rendant ses ascendants coupables sans se rendre compte qu'il arrive un âge où l'on devient responsable de sa vie. Ce résultat pratique n'est qu'une resucée du dogme que l'on a rejeté aux orties du péché originel et que je regrette comme instrument d'analyse, non pas parce qu'il véhiculait une transmission de la faute, mais pour l'avers de l'antimédaille, à savoir qu'il exprimait aussi "la communion des saints", la solidarité dans le bien, pour le dire d'un mot, la télépathie générale : le fait que le "moi" n'est pas seul dans l'univers (pas plus que l'homme, selon toute probabilité, dans toutes les myriades de galaxies), mais qu'il y a un lien entre les hommes. Vous m'avez conseillé, comme un livre à lire, "sous le signe du lien" de boris Cyrulnik : dès que je vais en avoir le temps, je vais le lire. Un ami de mon frère avait trouvé que les deux principaux ressorts de l'homme étaient "le lien et le mouvement", le second permettant d'affranchir l'homme de la stagnation conditionnante du premier.
quant à Michel Onfray, il connaît aujourd'hui "l'ambivalence de la reconnaissance" : après avoir été un philosophe dans la marge, oeuvrant véritablement pour le peuple à la manière des instituteurs de la troisième République, avec le sentiment de détenir la vérité en moins, il cède aujourd'hui aux mirages de la médiatisation, et c'est dommage !
Je suis très heureux que vous m'ayez répondu et je remets à correspondre avec vous à un nouvel échange, lorsque vous le jugerez souhaitable.
Amicalement

Torrentiel


Mme. L.F.
7 mai 2010, 7h12

Bonjour Torrentiel ,

Merci de votre réponse, je suis contente de voir qu’effectivement vous n’êtes pas un contempteur de la psychanalyse.
J’espère ne pas trop vous prendre de temps. Moi, j’en ai un petit peu, et je vais vous répondre par fragments, marqué d’un astérisque pour que ce ne soit trop long ni pour l’un ni pour l’autre, en sériant chaque problème.

Ante-scriptum : juste à l’instant, je vous signale sur internet, sur le Monde d’aujourd’hui, une discussion intéressant entre Onfray, Sibony, Badou, Si vos l’avez manquée, et si vous le désirez, je pourrai vous les envoyer en pièces jointes.

*Psychanalyse et détresse sociale

Mais au fait, bien sur que la psychanalyse s’est adaptée aux plus démunis. Comment ignorer toutes ses nouvelles adaptations ? Et ceci a commencé avec Wilhelm Reich. Et dans ce cas, elle n’est pas « classique » avec divan et parole. Elle s’est d’abord adaptée aux enfants aux tout-petits, avec les dessins et le modelage. Vous ni’ ignorez sans doute pas que Freud était entouré d’enfants, ainé d’une famille nombreuse, père de six enfants, grand-père de plusieurs pétris enfants. La psychanalyse n’est pas seulement une théorie pour séduire des intellectuels, mais une théorie construite sur le développement du petit enfant, à partir de la neurophysiologie et de la psychologie de l’enfant Voyez Mélanie Klein, Winnicott, Françoise Dolto et Maud Mannoni… Et quand on a côtoyé des enfants, - et même ses propres enfants, on est sidéré de retrouver la théorie analytique illustrée, et de voir que les souffrances ne sont pas dans les faits, mais dans l’imaginaire de l’enfant, bien souvent où dans sa construction mentale limitée. La sexualité enfantine existe bien, et les enfants demandent en mariage leurs parents, expriment des souhaits d’orphelinat avec délices et en toute gentillesse « Quand tu seras morte, je pourrais avoir ta belle robe noire ? » et « on serait seuls au monde » … et démarre un jeu palpitant).
Les enfants, sont d’abord les plus faibles et les plus démunis. Freud et compagnie s’en sont occupés.

Avant le besoin de roses, l’homme a absolument besoin de pain et d’un toit.
Come les enfants, les SDF sont dans la détresse.
Les SDF ont besoin d’un toit d’abord, de nourriture, de savon. Parodiant Marx., je dirais que la psychanalyse ne doit pas marcher sur la tète, il faut d’abord la remettre sur ses pieds : il ya des efforts pour adapter l’esprit psychanalytique aux « errants urbains», après les besoins essentiels satisfaits, mais pas sur un divan, bien sur. C’est bien ce qu’a essayé de faire Wilhem Reich, non ? Il n’était pas le seul. Le divan et le mur ne sont d’ailleurs pas généraux, car s’allonger devant son psy n’est pas toujours possible pour certains.

Notre grande honte collective actuelle, ce sont les SDF, même si certains dorment dans leur voiture.
Le silence et l’indifférence bruyante de la rue autour des SDF n’a effectivement rien à voir avec le silence méthodologique, presque monacal devant un psychanalyste.
Il existe à Paris des lieux comme « Coeur de femmes » et « Halte des femmes », qui ont pour but d’héberger et de protéger des femmes en errance dans la rue, les plus en détresse parmi les gens en détresse, des Africaines, des Asiatique, des Magrébines, des Tziganes et des Françaises, malades, abandonnées, , battues, abimées, volées, violées. Les protéger des prédateurs, les faire dormir au chaud, leur apprendre à tenir une maison, leur redonner le gout de se ré habiller, de reprendre un visage, de communiquer par des ateliers de théâtre, chant, yoga, de parole collective. Il s’agit d’abord de reprendre forme humaine, malgré toutes les cicatrices du corps et du psychisme, puis de reconstruire son moi par la parole et l’écoute.
Six mois, deux ou trois ans après, une réadaptation progressive dans le monde productif et une autonomie à l’extérieur dans la cité peuvent être envisagées. Alors un accompagnement psychologique ou psychanalytique peut advenir pour certaines. C’est long, mais la destruction a été longue, et le vivant est lent dans son tempo de réparation et de développement. Certains trouvent dans l’errance de ces femmes comme un épisode, une étape dans un parcours initiatique. Assez étonnant, mais pourquoi pas ? Il faut voir. D’ailleurs tout n’est pas idyllique, il doit bien y avoir des échecs aussi. Mais c’est plus que l’armée du salut et la Mie de Pian, et la psychanalyse n’en est pas bannie.

Ce genre d’entreprise est rare. Il manque des locaux, bien sur. Sans compter que les simples centres d’hébergement pour femmes et pour les enfants sont plus que saturés en ces temps sombres.

Pour adolescents (souvent de milieux « populaires »), je connais dans Paris des centres relais, liée au ministère de l’Éducation Nationale et à celui de la Santé, destinés aux élèves de lycée en échec scolaire, avec six entretiens gratuits devant un médecin-psychanalyste, un professeur formé à cette écoute, une assistante sociale et un psychologue, avec une ramification d’aides gratuites adjacentes. Tout ceci se fait face à face, mais dans un esprit psychanalytique. C’est une prophylaxie pour les élèves dont l’absentéisme, l’échec scolaire (devoirs jamais rendus par exemple) sont considérés comme des symptômes. La viennent les plus démunis, en dehors de la culture ordinaire. Ces centres sont faits pour éviter ou détecter la dépression, le suicide futur ou les conduites à risque et l’impasse. A côte, il ya un hôpital pour jeunes, fermé, avec médicaments. C’est pour éviter d’en arriver là qu’on a crée ce relais étudiants-lycéens. Quand un jeune y va, il s’en sort. J’ai eu la chance d’assister à des séances et de voir des dévoilements de vérités ahurissantes et des solutions se profiler.
Quelle sottise de vouloir ficher les élevés en échec scolaire ! Il faudrait mieux mètre un psy dans chaque établissement !

Je sais aussi que dans Paris, il ya plusieurs numéros de secours pour une aide psy et un lit pour les ados en dérive qui craquent et sont partis de chez eux. Là aussi, la psychanalyse s’est adaptée.

Le plus difficile, c’est de décider ceux qui ont besoin d’être aidés de faire confiance, de savoir qu’ils peuvent être aidés. C’est pourquoi le genre de discours sur « la psychanalyse est un mythe, une arnaque, dédiés aux snobs et aux bourgeois » me semble catastrophique.
C’est pourquoi des attaques immodérés et très intellectuelles-coupées-du-réel - prdon M. Onfray !- contre la psychanalyse sur Sésame m’a fait sortir de mes gonds, quand j’ai pensé à tous ceux, que je connais, qui ont tant besoin de se faire écouter, et de se donner l’autorisation de parler et qu’on a tant de mal a décider parce qu’ils ont peur et ne veulent pas être considères comme « fous » (ce terme en dit long sur le manque d’information. Deux siècles de retard !). Il faut penser qu’on peut être lu par des gens fragiles et des ados, et qu’on a un devoir de prudente.

* Pychanalyse, passé et péché originel

En analyse, je ne suis pas sure que tout renvoie au passé, ni à la faute des ascendants. Je pense plutôt à une structure psychique de type conditionnement par associations ,fait dans la petite enfance, qui touche les problèmes essentiels, corps, vie, mort, sexualité :sens de la violence et du malheur. Par exemple, le petit Dominique (Le cas Dominique de Françoise Dolto ) qui entend à 5 ans qu’on nomme sa petite sœur Sylvie et qui se sent immédiatement une menacé de mort : s’il vit. Un autre qui entend qu’on veut le changer, et craint l’abandon. Avez-vous lu le cas Dominique de Françoise Dolto ? En tous cas peut-être aussi « l’Évangile au risque de la psychanalyse », que j’ai trouvé neuf et intelligent

Plutôt que la faute des anciens c’est vrai, ça joue comme une sorte de faute originelle version Dolto, on peut y voir aussi un quiproquo jamais dit ni élucidé datant de l’enfance, qui, de façon aléatoire a résonné de façon catastrophique dans le psychisme enfantin. On est très loin de papa-maman-et-Oedipe. Résultats malheureux d’ignorance réciproque : « parce que nous avons été enfants avant que d’être homme come écrit Descartes, et que nous n’avons été gouverné ni par notre raison mais par nos précepteurs… et nos passions.

Une bonne analyse doit permettre l’ouverture au neuf, à son propre désir novateur, pas le ressassement de l’ancien, le choix de la pulsion de vie, pas celui de la pulsion de mort et l’invention, pas la compulsion de répétition.

Bon, j’espère ne pas vous avoir lassé. C’est tout pour le moment sur ce sujet.
A très bientôt, Torrentiel !
Amicalement.

L.F.


Torrentiel
7 mai 2010, 9h20

Gouttes d'eau d'une femme de terrain
Chère Mme. L.F.

tout d'abord, je vous remercie de votre réponse circonstanciée et que les astérisques aèrent, comme il en est allé pour votre dernier message, méthode que j'aurais dû imiter. Je l'adopte pour celui-ci.
* Je n'ai pas d'enfants. Mais, au témoignage de descartes que vous invoquez vous-même, j'ai été un enfant avant que d'être un homme, si jamais je le suis devenu, un enfant dont la personnalité d'emblée atypique, inclassable, tourmentée, surdouée, disaient les uns, inadaptée disaient les autres, dont le vécu cabossé, dont les fréquentations enfin, qui ne furent de toujours et qui demeurent attirées que par des gens plus mal lotis que moi, mais beaucoup plus extraordinaires, a beaucoup attiré l'attention des psys et de ce qu'on n'appelait pas encore des équipes pluridisciplinaires. De tout ce passé cahotique et tumultueux, de tout ce tumulte qui subsiste toujours en moi, de ce contact avec des réformateurs de personnalité et de comportements qui voulaient me faire franchir des caps sans discerner l'incroyable potentiel de liberté qui était en moi, j'ai surtout retiré le sentiment d'avoir été disséqué plus souvent qu'à mon tour par des gens que, la plupart du temps, ma problématique dépassait. Et pourtant, aussi bien que celle de mes camarades, ils essayaient d'en dégager des synthèses, de me faire grimper les paliers du projet existentiel qu'ils avaient tracé pour moi : peine perdue ! car l'humain est à prendre pour ce qu'il est. Il n'est pas comme la Réforme, toujours à réformer, il n'a pas à retrouver forme humaine, il a forme humaine dès sa venue au monde, et cela fût-il diforme. Les fois où je me suis senti le plus écouté (car vous avez raison de dire qu'un enfant a besoin d'écoute), c'était lorsque je me trouvais en position de pouvoir faire des confidences à telle soeur de mon élection, dont je savais fort bien qu'elle ne répéterait jamais ce que je lui dirais. Quant aux éducateurs (et surtout trices, c'était comme ça, la profession était très féminisée, elle l'est encore), j'en ai connu de toutes sortes, et pas mal de sadiques, ceci étant sans rapport avec cela. Pour avoir accompagné un enfant atteint de phobie scolaire il n'y a pas si longtemps et qui se trouvait être le fils de ma compagne, j'ai apprécié la compétence (par antiphrase) de l'éducatrice qui le suivait. Il y avait un conflit familial très grave dont jamais, ladite éducatrice ne voulut connaître la version maternelle. Quand mon amie se donna la peine de se déplacer (et le mot n'était pas vain, s'agissant d'elle, pour qui se déplacer constitue une véritable épreuve), elle ne l'a même pas reçue séparément de son ex-concubin qui s'était invité au rendez-vous, et elle lui a expliqué, un peu comme Bruno Bettelheim devait l'avoir fait avant elle, peut-être était-il son maître caché, que tout ce qui arrivait à son enfant était de sa faute alors qu'elle ne vivait pas avec lui : mais elle ne savait pas que cette maman prétendûment défaillantne avait eu un père assassiné et une mère dont elle fut martyrisée. Comment pouvait-elle le savoir puisqu'elle n'avait jamais pris la peine de rien lui demander ? et je ne vous parle pas du reste de cette histoire qui est dramatique. Je ne sais pas si c'est être homme de terrain que d'avoir vu des choses, mais je crois que si. Mais évidemment, je ne suis pas du côté de ceux qui savent ou qui exercent un métier avec compétence professionnelle à l'appui. J'ai simplement trois grammes de bon sens et j'observe ce qui m'entoure.
* Alors l'enfant, un "pervers polymorphe" ? qui souhaite la mort de ses parents dans des relents subreptices de pulsion meurtrière ? qui a une sexualité ? qui dit par plaisanterie à son parent de sexe opposé qu'il voudrait se marier avec lui ? Faut-il se montrer scandalisé par ce petit peu d'ambivalence ? Chacun sait depuis le jansénisme et la Réforme qu'il n'est pas au pouvoir de l'homme de poser un seul acte pur, pour autant qu'il soit en mesure, ce dont on peut douter, de poser des "actes libres". tous nos actes obéissent à des intentions multifaciales. Freud n'a pas découvert l'ambivalence. Il n'a pas non plus découvert la sexualité infantile. simplement, son influence a rendu datés les discours qui la rendaient objet de brimade. et encore, il n'y a pas si longtemps que la masturbation (que les prêtres appelaient l'autoérotisme) est à peu près unanimement considéré comme un stade normal du développpement sexuel de l'enfant. Quant à certaines interprétations de freud des "trois essais sur la théorie de la sexualité", permettez qu'on les trouve sujettes à caution, surtout dans l'analyse du stade anal. Enfin, le complexe d'Oedipe est peut-être une trouvaille. Mais Oedipe n'est jamais qu'un archétype parmi tant d'autres d'un homme qui réalise son destin en dépit qu'il en ait et quoiqu'il s'efforce d'y échapper. ce qui est par exemple particulièrement frappant dans la tragédie de sophocle, c'est que, lorsqu'elle s'est rendue compte qu'elle a couché avec son fils, Jocaste fait tout pour retenir son fils d'en savoir plus, et elle le fait manifestement pour que la vie continue, non parce qu'elle lui manifeste une protection maternelle, mais parce qu'elle trouvait en son fils un bon amant. En l'espèce, on ne doit pas tant parler de complexe d'Oedipe que de "complexe de Jocaste". Et ce ne sont pas tant les fils qui veulent coucher avec leur mère que ces dernières qui ne veulent pas couper le cordon avec leur progéniture en général et avec leur progéniture masculine en particulier. Pourquoi ? Parce que, pour autant que l'expérience et l'instinct maternels soient généralisables, la mère est en paradis de son enfant encore plus que celui-ci n'est en paradis de sa mère. En réalité, la trame tragique de cette union nucléaire entre les parents et l'enfant est que chacun s'est donné l'autre pour avoir un être au monde à qui faire une confiance absolue et que, par degrés, cette confiance est trahie de part et d'autre. Que cette trahison passe par le souhait de la mort du parent proche ? c'est possible. Mais je crois que cette évocation de la mort, encore plus qu'elle n'est ambivalente, pouvant intervenir avant que le fil de la confiance soit coupé, avant que parents et enfant ne se trahissent mutuellement, signale que, pour l'enfant, peine de mort n'est pas mortelle : même la mort de ses parents ne saurait le priver de leur amour.
* vous évoquez "coeur de femmes". Il se trouve que j'ai entendu pas mal de fois parler Mona chassériot lorsque j'habitais encore à Paris. et cela m'a toujours laissé l'impression fort désagréable d'une persone qui avait l'air de se mettre en valeur à travers les femmes à qui elle venait en aide. elle est intervenue pas mal de fois sur Radio NOtre-dame, comme quoi le lien entre solidarité et religion n'est pas rompu. Entendez-vous souvent des SDF qu'on laisse exprimer leur vérité dans la sphère publique ? c'est plutôt rare comme, de manière générale, l'habitude qu'a prise l'Etat de se défausser sur les associations pour régler les problèmes fait que ce sont des non mandataires qui parlent au nom de ceux dont ils embrassent la cause, souvent parce que c'est un moyen très habile de se hisser vers le pouvoir. J'ai l'habitude de dire que les associations ont celaa de nocif qu'elles divisent en autant de revendications catégorielles un problème qui devrait être cerné avec plus d'unité de vue. et cet état de choses prospère parce que c'est une manière pour l'Etat de diviser pour mieux régner et parce que cela caresse le rêve qu'il y a au fond de presque chaque Président d'association d'être le Président de sa petite république, à défaut de pouvoir devenir Président de la grande, après avoir gagné "la reine des batailles" à l'échelle d'une nation.
* de ce que je sais des consultations psys à Paris, non pour les adolescents, mais pour les adultes, vous pouvez certes entrer en contact avec un psy au téléphone, qui peut même se proposer de venir vous visiter, mais à condition que vous payiez à peu près 150E sa consultation : là encore, je m'appuie sur une expérience vécue en 2004. Il faut arrêter de dire que le système de soins français est envié à notre pays par le monde entier : l'hôpital est en sous-effectif et, s'il y a bien une chose que les personnels soignants n'ont plus le temps de faire puisqu'ils ne peuvent même pas aider à prendre leurs repas des personnes qui n'ont pas le moyen de l'absorber sans une intervention extérieure, c'est d'écouter la plainte de qui que ce soit. D'autre part, n'avez-vous jamais été irritée par ce fâcheux conseil, prodigué dès que quelqu'un pose un problème un peu lourd, qu'il devrait aller "voir quelqu'un", qui ça ? Le serrurier du coin ? Le plombier ? Le chauffagiste ou bien le pape ? qui est ce "quelqu'un" capable de déboucher toutes les fuites et d'opérer tous les miracles ? POurquoi ne parle-t-on jamais du psy que par litote ?
* Je ne suis certes pas aussi érudit que vous en matière de psychanalyse. Je n'ai lu, ni "le cas dominique" de Françoise dolto, ni "l'evangile au risque de la psychanalyse", bien que je me sois depuis longtemps promis de lire ce dernier opus. A ma connaissance, françoise Dolto voulait également écrire le pendant de ce livre : "la psychanalyse au risque de l'evangile". vos arguments sont assez convaincants pour montrer comment le psychisme de l'enfant ne s'échafaude pas seulement en relationa vec sa structure familiale. seulement, ce qui reste sous le rapport de la psychanalyse et du passéisme, c'est que les deux sont liés dans la représentation collective. De plus, Freud croyait positivement que l'humanité devait payer une dette collective : c'est écrit en toutes lettres dans "TOTEM ET TABOU". Enfin, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que la psychanalyse doit permettre à un être humain de sortir de ses schémas et ses chaînons répétitifs pour agrandir son horizon d'un désir novateur et qui soit son autorisation à vivre et à se distinguer des autres. Je suis d'accord aussi que toutes les constructions mentales infantiles que nous transportons dans notre vie d'adulte ne nous viennent pas en ligne directe de nos parents. Par exemple, si le petit dominique a cru prononcé son arrêt de mort en apprenant qu'on allait appeler sa soeur sylvie, comment expliquer que le prénom Nathalie m'ait toujours fait monter au septième ciel ? ca n'a pourtant rien à voir avec mes parents, mais avec un de mes amis. Dans notre enfance, nous ne rencontrons heureusement pas que nos parents. Si donc, pour me résumer, la psychanalyse fait sortir de la répétition et empêche un homme de répéter un destin auquel il croyait ne pouvoir échapper, quelqu'effort qu'il fît, je suis le premier à saluer sa méthode. Mais elle ne marche pas à tous les coups. Elle est plus empirique que scientifique. Freud a traité la religion d'"illusion". Il ne faudrait pas faire de la psychanalyse une religion, que nul ne puisse à son tour traiter d'illusion. D'autant que la psychanalyse peut être utilisée par de fieffés escrocs intellectuels qui y projettent leur vision de ce que doit être un corps social sain (cf. par exemple Tony anatrella, mais, en dehors de lui, tous ceux qui se réfugient derrière leur expertise pour se prononcer, qui pour et qui contre l'adoption d'enfants par des couples homosexuels, quand l'adoption d'un enfant par un célibataire est permise depuis longtemps et devrait être perçue comme une source de plus grands problèmes par un psychanalyste conséquent). L'un des points aveugles de la psychanalyse me semble enfin être la position de l'enfant "sans famille". La psychanalyse répute même le cas tout à fait impossible de celui que ses géniteurs n'ont pas du tout marqué de leur empreinte.
La psychanalyse se dit une science humaine. Je regrette le temps où la médecine elle-même se donnait pour un art. Pour terminer par une pirrouette et dans le narcissisme de me citer moi-même dans mes "TERCETS VIENNOIS" :
"Les sciences humaines sont inexactes,
les sciences exactes sont inhumaines".
Pardonnez une nouvelle fois la vivacité de certaines de mes prises de positions, mais je ne supporte pas que l'homme se noie dans la structure.
en vous remerciant de l'intérêt que vous prenez à cet échange, je vous envoie moi aussi mes amitiés

Torrentiel

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