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vendredi 28 mai 2010

Je suis par position

Après la lecture de "LA PEUR DE L'ESPRIT DES ENFANTS DE DIEU", Laurence, colistière d'un forum, m'a écrit ceci :

"bonjour julien,

en fait je m'intéresse beaucoup à la spiritualité mais pas aux religions .

ce que tu dis m'intéresse mais je ne le comprends pas car chaque spiritualité a son langage et ses codes et au départ on a du mal car les mots prennent des sens très différents si on lit jung ou arnaud desjardins ou le dahali lama.

peux tu m'en dire plus sur ta démarche spirituelle ?

voici la réponse que je lui ai adressée :

" chère Laurence,

J'avais cru comprendre que la démarche spirituelle t'intéressait à travers ton premier mail dans lequel je me retrouvais pas mal : le goût des romans essentiellement psychologiques et d'analyse et des livres qui font du bien à l'âme et à l'esprit.

Je ne crois pas qu'on puisse vraiment opposer spiritualité et religions. c'est une opposition qui me paraît largement artificielle, même si je sais que c'est une démarche assez répandue dans l'Occident actuel : elle peut se justifier parce que les religions ont beaucou porté à la division. L'opposition entre spiritualité et religions peut aussi s'expliquer sémantiquement dans le sens où dieu Est esprit et que, s'Il est esprit, les dogmes ne peuvent Le circonvenir ni Le définir. Enfin, on trouve l'une des premières manifestations de cette opposition bien avant la mode conquérente de l'orientalisme : l'art et la littérature se voulait vecteur de spiritualité. Proust, par exemple, dans "LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU", qui est un détournement dérisoire de l'éternité dans le snobisme et une quête concentrique de la mémoire qui rendrait sensationnelle la réminiscence du moindre phénomène, emploie constamment ce mot de "spiritualité". et faisons l'impasse sur le ridicule qu'il y aurait à rendre synonymes "être spirituel" (au sens d'avoir de l'esprit) et de se vouloir un "être spirituel" (relié à l'esprit, ou uni à Dieu), même si les homonymies ne sont jamais insignifiantes.

Dans l'emploi que je viens de faire comme en passant du mot de "relier", s'annihile à mes yeux la ligne de partage qu'on veut faire entre spiritualité et religions. Je sais bien qu'au sens où nous l'entendons aujourd'hui, la spiritualité se voudrait une "relation au divin" (la plus dissolue possible) tandis que la religion ne serait qu'un ensemble de dogmes étriquant cette relation. Mais toutes les deux, spiritualité et religion, invitent à la reliance.

si l'on pose encore le problème d'une autre manière, la spiritualité permet de méditer ou de prier, la religion permet de croire. On peut très bien prier sans croire ou croire sans prier. Alors, qu'y a-t-il derrière la prière et la croyance ? La prière, recouvre au sens large le besoin de s'unir à dieu ou au "divin", même si je n'aime pas tellement cette notion abstraite : elle inclut le besoin de Lui demandr quelque chose, de manière primaire, mais elle va jusqu'à la jouissance de ce qui nous entoure (appelons cela la louange ou la plongée dans le moment présent) et jusqu'à la contemplation du Mystère de l'au-delà de nous-mêmes dans lequel on est plongé. A l'opposé, la croyance recouvre le besoin d'être rattaché à quelque chose, d'avoir des fondations solides pour pouvoir penser. La prière recouvre un besoin de contempler tandis que la croyance recouvre un besoin de penser. Pour la religion entendue au sens étriqué de jadis, penser était la première marche vers l'hérésie, dès lors qu'on admettait que l'hérésie consistait à faire un choix. Croire, ce n'était pas choisir. C'était adhérer à un contenu prédéfini et formulé de manière indépassable. Aujourd'hui, pour une large part, croire, c'est penser et prétendre choisir, et prétendre savoir à qeul point la foi que l'on confesse ou que l'on professe est fondée en raison. Croire implique de penser alors qu' il n'est pas nécessaire de savoir absolument en quoi l'on croit avant de prier ou de méditer. Mais, si le besoin de penser l'emporte, alors, la question se pose.

Je suis peut-être quelqu'un qui souffre d'un excès de cérébralité. Quelle est ma démarche spirituelle ? Je ne saurais le dire. Quelle est ma démarche intellectuelle de croyant ? Certainement celle d'un penseur. Pas celle d'un hérétique. Mais celle de quelqu'un qui se pose des questions, de quelqu'un qui interroge sa Foi, de quelqu'un qui s'interroge dans le cadre d'une foi pour avoir où faire mouliner sa pensée. J'envie les êtres purements empiriques et pragmatiques qui ont su faire directement le grand saut dans l'inconnu. Je n'ai pas leur courage. J'ai besoin de penser à couvert d'une maison. La Tradition religieuse que j'interroge m'apporte ces fondations. Je peux me taper contre les murs, ils restent solides, ils restent porteurs. Mais, comme un chacun, je voudrais que l'esprit soit celui qui fasse tomber les murs de ma prison intérieure. Je voudrais que l'esprit prononce à la fois mon acquittement, ma levée d'écrou et mon élargissement. Je crois que l'Esprit est energie. Je regrette que l'Eglise ait eu tôt fait de confisquer cette énergie sous prétexte de discerner les entités. Je crois que l'Esprit est l'anamnèse de Dieu, celui qui nous donne la mémoire de Dieu. Je crois que l'Esprit est celui qui ne rend pas nos âmes orphelines. Je crois que l'Esprit est le défenseur et le consolateur de nos âmes. Je crois que l'Esprit, si on Le suit, est celui qui nous ramène à l'innocence et qui jugule l'abandon originel dont est marquée la chair.

Pourquoi un enfant soupire-t-il en venant au monde ? Parce qu'il sait qu'il a pris condition charnelle et que la chair est marquée du sceau de l'abandon, que sa mère doit l'adopter pour superposer un amour inconditionnel à l'instinct biologique. L'esprit est celui qui fait un sort à cet abandon originel dans lequel sont nés tous les êtres humains. L'esprit est celui qui, en décapitant la culpabilité, nous rend Enfants de Dieu.

Chère Laurence, j'ai essayé de mon mieux de répondre à ta question et je remercie Lucie de me rappeler qu'il ne faut pas constamment s'excuser de demander pardon.

amitié à tous

Julien WEINZAEPFLEN

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