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samedi 8 avril 2023

Du bilan de séquence comme exercice de style

(sur le blog de Philippe Bilger)


Je hais les séquences, elles sont artificielles, mais elles permettent de se poser pour analyser l'état des forces en présence, , comme le dit Achille, elles sont prétexte à une "exégèse tarabiscotée" des "petits grands de ce monde" au pas desquels nos yeux sont futilement attachés (merci Genau, de me faire découvrir Paul Reboux). 


Je hais les séquences, mais je n'aime pas qu'un ministre se soit dit "séquentiel" comme l'a fait Jean-Louis Borloo candidatant au poste de second premier ministre de Nicolas Sarkozy, et encore moins "pédago" comme Gérald Darmanin s'est sottement vanté de l'êtrepour briguer je ne sais quelle promotion similaire. Le pédagogisme de ce ministre qui paie beaucoup de sa personne le dispute à celui de son maître, ce banquier philosophe qui se vante, en fait de philosophie, d'être un rhéteur cultivant l'art de persuader et aimant avant tout "convaincre".


Je hais les séquences, mais elles existent, donc posons-nous avec et sur elles et prenons le temps de l'analyse, en bons "convalescents", reposons-nous, faisons le point, tirons un bilan d'étape...


Ce qui me frappe, c'est que tout le monde ressort de cette agitation à la fois rincé et cornerisé, ou plus exactement rencoigné dans sa zone de placard.


Je m'explique. D'Elisabeth Borne, la vapoteuse crapoteuse, se dégage à mes yeux, peut-être à cause de cette cigarette électronique, l'impression d'une compétence fatiguée qui s'use à trop boulonner pour celui qui voudrait la déboulonner comme un fusible. Peut-être y a-t-il un coin perdu en elle qui s'est rendu froid pour éviter de souffrir, mais cette absence de chaleur humaine l'empêche de donner l'apparence d'une vision et de trouver ce qu'en langage post-hollandais on appelle un "cap" ("boîte à outil, boîte à outil", répond le choeur sur l'air du "Parti d'en rire"). Elisabeth Borne n'est pas une "austère qui se marre", c'est une austère qui n'a pas envie de rigoler. J'ignore s'il lui arrive de faire la bamboche. Cette séquence parlementaire où ses ministres Attalicule (qui a plus de repartie que je n'imaginais) et Dussopt ont été plus exposés qu'elle, a néanmoins révélé chez elle (et chez elle seule) des talents d'oratrice que je ne lui soupçonnais pas. Or toute capacité discursive montre une colonne vertébrale. Cette colonne est-elle de gauche comme on l'assure à grands renforts de médias sous prétexte qu'elle fut la conseillère de Lionel Jospin l'humaniste et de Madame Royal (que François Hollande ne devait pas appeler souvent "Joy" comme feu le duc du Maine appelait sa femme, la fille de Louis XVI, car Madame Royal n'est pas une aude à la joie, mais une  froide écolo)? Je doute  qu'Elisabeth Borne soit de gauche, mais j'ai vu cette colonne vertébrale dans son dos et dans le mien. 


Les états d'âme présidentielle nourrissent trop la chronique de ses deux quinquennats pour qu'on s'y appesantisse. Le crime de "lèse-Macron" qu'Elisabeth Borne est censée avoir perpétré en contestant à demi-mots l'autorité présidentielle pourrait lui valoir son éviction. On notera donc la tendance macronienne à chercher des premiers ministres dans le métro pour les renvoyer dans le métro comme Zazie ou comme Zaza.


La Nupes est tellement fatigante qu'on se prend à rêver que Bernard Cazeneuve est de gauche, lui qui est devenu ce qu'il ambitionnait d'être (et était peut-être déjà): un avocat d'affaires, qui se verrait bien reprendre le flambeau du "Hollandais volant" dans "le Vaisseau fantôme" du PS ou de ce qu'il en reste, puisque Manuel Vals (pour lequel il formait les voeux les plus grands lors de la passation de pouvoir des deux premiers ministres) s'est grillé et que M. Cazeneuve ne peut plus lui griller aucune politesse.


Jean-Luc Mélenchon a fait un congrès d'Epinay à l'envers où ce que le communisme n'a jamais supporté à savoir le gauchisme que déserte même un Fabien Roussel, a pris le contrôle de toutes les gauches, y compris du bateau socialiste qu'on croyait ne jamais devoir voguer dans ces dérives, attiré par ces lunes. Un des nombreux paradoxes mélenchonistes est de proposer une société fondée sur "l'humain d'abord" émergeant de la conflictualité au prétexte que la démocratie, c'est le clivage. Or ce n'est pas un clivage conflictuel. C'est la régulation du conflit latent dans le clivage par la recherche du consensus institutionnel et social.


Que penser de Madame Binet? Qu'elle a un drôle de nom et supplée à son manque d'enracinement ouvrier par un accent parisien de second couteau, qui chatouille mon côté populo qui lui aussi est de composition.


Le grand gagnant du moment est l'incontournable Laurent Berger qui est étonné de se voir si souvent cité comme la pythie, si reluqué, tant flatté, tant courtisé, ce qui est vrai depuis que François Hollande en a fait son interlocuteur de prédilection un peu comme Lionel Jospin disait qu'on ne pouvait pas gouverner contre "le Monde". Laurent Berger a fait un grand numéro de "plus radical que moi tu meurs" et "va voir dans les manifs si je suis réformiste!" Mais il a déjà prévenu que, dans six mois ou même avant, il ravalerait son opposition aux 64 ans pour parler "travail" avec Elisabeth Borne. Il n'est pas essoré, mais il est cornérisé.


Cher maître Robert, est-ce parce que la République se veut "démocratique" et "sociale" qu'elle est condamnée à être une sociale démocratie, ou ce que François de Closets a quelque jour appelé une "syndicratie"? 

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