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jeudi 23 mars 2023

Bordeaux brûle-t-il?

Hier soir, j'ai ma mère au bout du fil et elle me dit: "Tu regardes la télé? Tu as vu "Paris brûle-t-il"? Affairé à des occupations  plus nourrissantes, je lui réponds que non. Je quitte mon domicile pour participer à une répétition  de chorale et puis je rentre à la maison. Par réflexe, j'allume "Bfm télé" et là consternation. Ma mère, qui aime souvent exagérer, m'a dit ce qu'elle voyait. Non seulement des incendies ne cessent de s'embraser, mais on a brûlé la mairie de Bordeaux. C'est pour moi l'image la plus frappante. On a brûlée cette mairie comme un incendie a ravagé Notre-Dame. On l'a brûlée à quelques jours de la visite du roi des Angles qui ont valorisé le Bordelais et on se demande si la sous-révolution française ne va pas avoir raison de la monarchie britannique déjà mal en point. 


On ne sait jamais quand finit une émeute et quand commence une révolution, mais on sent que l'heure est grave. Elle est attisée par un Jean-Luc Mélenchon, excité comme une puce ou comme un révolutionnaire d'opérette après avoir inventé la Nupes et avoir battu en une retraite qu'il ne prend pas, ayant largement passé l'âge de le faire, et par une Marine Le Pen qui, sous une apparence froide, poste un tweet ainsi libellé: "La très forte mobilisation aujourd’hui dans les manifestations, notamment dans les villes moyennes, est un signal fort qui confirme l’opposition massive des Français à la réforme des retraites.


Emmanuel Macron ne peut plus gouverner seul, il doit désormais en revenir au peuple." Tweet insignifiant, mais irresponsable dans le contexte actuel, car l'héritière, qui se croit ataviquement appelée à d'autres fonction que celle de première (sic) ministre éventuelle d'une éventuelle cohabitation,  prend date mine de rien quand notre paix civile ne tient qu'à un fil.


La tranquillité d'Emmanuel Macron aurait été de mise si son quinquennat précédent n'avait pas allumé les mèches qui menacent de prendre feu. Les pouvoirs publics se félicitaient que les syndicats aient pris la contestation en main sur ce non sujet qu'est la réforme des retraites et chacun saluait les défilés pacifiques en se réjouissant trop vite qu'on ait évité de revenir aux débordements des Gilets jaunes, car les syndicats sont des corps intermédiaires responsables, mais une grogne incommensurable couvait sou la cendre

 syndicaliste, d'autant plus à même de menacer d'embrasement qu'Emmanuel Macron s'était une première fois moqué des Gilets jaunes, les traitant d'affreux (presque) ) Jojos, les matant, les mystifiant par un Grand débat qui tourna au Grand blabla ou au Grand monologue, disposant à leur intention des cahiers de doléances dont se félicitait le sociologue Bruno Latour récemment disparu, cahiers dont toutes les doléances furent instantanément oubliées dès que le confinement acheva de faire rentrer les Gilets jaunes à la niche pour que pût continuer sans perturbation le déclassement des classes moyennes inférieures auquel avaient applaudi Jacques Julliard et Luc Ferry et qu'avait annoncé Michel Geoffroy.


Emmanuel Macron avait ridiculisé les maires avant de se raviser et de s'en servir comme paillasson de sa reconquête du pouvoir et des esprits. Il renouvela la même erreur avec les syndicats, qui en sont  à devoir adresser une supplique pour être reçus par le président. Il avait ridiculisé les retraités au cours d'un journal de 13h mémorable où il leur avait demandé de faire des sacrifices, car ils avaient trop longtemps vécus pour n'y point consentir. Il prend appui sur ce public pour en faire les soutiens de sa réforme impopulaire. Le cynisme continue as usual. 


Il avait refusé le Ric sous prétexte que le Parlement était plus responsable. Ce Parlement dont on vilipende le casting alors qu'il représente pour la première fois depuis longtemps une photographie fidèle de  notre société, démontre néanmoins la vacuité législative au cours de l'examen d'un texte qui n'a jamais été amendé pour être amélioré, dont sa première lecture n'a pas pu venir à bout, tant le législateur insoumis donnait dans l'insulte et le n'importe quoi,  et qui ressort essoré du Sénat sans que Mélenchon ait des états d'âme ni ne se demande à quoi peut bien servir la France insoumise si son refus d'être une force d'appoint du macronisme la conduit à faire voter des lois qui s'écrivent sans elle et aggravent la condition des travailleurs, comme disait Arlette La Guiller. 


Le PS fait comme s'il avait oublié que le mandat de François Hollande avait été l'antichambre du macronisme et la droite Pradier transforme le devoir philanthropique de la bourgeoisie en ruffinisation sans la vulgarité ni l'insulte à la bouche. Macron clive la société pour régner sans partage. Dans ce mauvais drame, dangereux pour notre convivialité sociale, seule Elisabeth Borne, qu'on présente comme fragile parce qu'elle a craqué une fois, fait preuve de force tranquille et de logique implacable. Une logique dont on a presque besoin face au coup de pied que le président donne à son âne de peuple avec les nerfs duquel il joue alors que le moment rend ce jeu dangereux. Comme si on n'avait pas assez de la guerre en Ukraine et des risques de division que fait courir à notre société le fait de ne plus être qu'une juxtaposition de communautés qui s'ignorent avant de s'opposer et d'intérêts catégoriels qui relient les classes sociales entre elles. 

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