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mardi 18 avril 2023

"Quand je veux vous pouvez", Macron ou la grande diversion

"Il est venu, on l'a entendu, il n'a pas convaincu. Le pacte entre lui et les citoyens est rompu." (Philippe Bilger)) 


L'allocution d'Emmanuel Macron était attendue. Manquant d'incandescence (pour une fois le président n'a pas cédé au lyrisme), elle était formellement conforme à l'orateur et insignifiante pour ce qu'elle n'avait pas d'indécent.


C'est Arnaud Demanche qui, ce matin, sur "RMC", l'a résumée le mieux:

"Quand j'ai dit qu'on pourrait rebâtir Notre-Dame, vous l'avez fait. Quand je veux, vous pouvez."


"Je veux", locution votive d'un président mal élevé qui n'a jamais appris à dire "je souhaite" ou "je voudrais". Un président qui ne sait pas manier l'optatif. Une graine de tyran domestique.


Emmanuel Macron aime se référer à l'histoire. IL joue les grands personnages en imaginant que c'est ainsi que l'histoire prend date ou que l'on adopte une posture historique. Pendant le Covid, c'était "Clémenceau dans les tranchées" (aux dires des conseillers de l'Élysée). Hier, c'était les Cent jours (il a dû avoir Dominique de Villepin au téléphone). Sa seule invention fut "le Grand débat", transformé comme on sait en "grand blabla" ou en "grand monologue" après la crise des Gilets jaunes.


Discours insignifiant: sur les trois "chantier" sur lesquels il nous promet d'"avancer" pendant ces Cent jours, la réalisation de trois d'entre eux est remise à appréciation ultérieure: 


-Pourquoi la réforme de la justice devrait-elles s'arrêter après les Cent jours? 


-"A partir de la rentrée prochaine, l'école se transformera à vue d'oeil" (non dans ses contenus pédagogiques, mais sa logistique fonctionnera et l'absentéisme ou les congés maladie pour dépression des enseignants seront palliés.


-A la fin de l'année prochaine, on aura désengorgé les urgences. Et c'est ici que le discours est indécent. Le même président avait déjà promis qu'à la fin de je ne sais plus quelle "année prochaine de son précédent quinquennat (l'année prochaine on rasera gratis), il n'y aurait plus aucun SDF dans les rues. Lionel Jospin avait fait la même promesse inconsidérée en campagne pour transformer son poste de premier ministre en celui de président de la République, mais je l'accrédite (l'objectivité n'existant pas) de ne pas avoir su ce qu'il disait , car il était profondément HUMANISTE et IL avait la fibre sociale. 


Emmanuel Macron promet de se pencher sur le droit du travail (ce sera sa troisième loi dans le domaine pour expurger un Code du travail que Robert Badinter prétendait trop volumineux), sur la justice (Éric Dupond-Moretti devait rebâtir "la confiance" des citoyens dans la justice républicaine à la fin du précédent quinquennat) et sur le "progrès du quotidien", de la santé et de l'Education nationale. Que ne l'a-t-il fait pendant les six années précédentes? Il a dû s'assoupir comme la Belle au bois dormant qui rêvait de ne pas être un "roi fainéant".


Emmanuel Macron est habitué depuis longtemps à des discours fleuves et programmatiques où les actes ne suivent presque jamais les paroles. Il croit à la vertu illocutoire de la parole politique. Pour lui, "dire, c'est faire". Il en dit un maximum et fait tout le contraire de ce qu'il dit. Il voulait dissoudre? Il ne veut plus. "Personne" (et surtout pas lui) ne peut rester insensible à la demande de plus de démocratie dans la pratique du pouvoir, mais il tient tellement à faire passer sa réforme des retraites (car Bruno Le Maire l'avouait ce matin, on se doit à ses créanciers), qu'il ne convoque pas un référendum pour résoudre la crise. Pour lui, la démocratie, c'est le tirage au sort et ce sont les conventions citoyennes dont il promet qu'il reprendra l'ensemble des conclusions et dont il dit quand on le convainc du contraire que "ce n'est pas la Bible ou le Coran".


Mais que fait encore Bayrou, l'éphémère garde des sceaux qui voulait moraliser la vie politique tout en traînant des casseroles,  dans l'entourage de ce président qu'il traitait d'hologramme quand il n'avait pas encore fait alliance avec lui? Cet ancien ministre de l'Education qui cogérait son ministère avec le SNES et Monique Vuailla se déclare contre la réforme Blanquer du baccalauréat et contre "Parcours sup", il soutient Emmanuel Macron. Il a toujours alerté contre la dette, ce président l'a faite exploser, mais il soutient Emmanuel Macron. Il est contre l'euthanasie, le président "veut" qu'une loi sur la "fin de vie" soit votée avant l'été" et Bayrou soutient Emmanuel Macron. Tout est à l'avenant dans notre société discontinue.


Discours insignifiant et allocution "[disruptivement]" indécente, mais stratégie pouvant se révéler payante: le président a déjà sonné la fin de la récré séquentielle en organisant le Grand débat à la sortie des Gilets jaunes. C'est lui qui donne le tempo et siffle la sortie des séquences (je hais les séquences, bis). Pour l'instant, Laurent Berger a promis d'attendre la fin de la mobilisation du 1er mai pour revenir parler "travail" à la table des négociations présidentielles. 


Il y a vingt et un ans, la France sortait dans la rue pour s'opposer à la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle. Depuis, pas de contestation majeure... Quand l'épouvantail n'est pas là, les souris dansent et "enfourchet le tigre". 

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