Pour moi, les Molière sont le summum de l'entre-soi et du parisianisme. C'est une cérémonie organisée par les professionnels de la profession pour se congratuler et se récompenser devant un public hermétique à ce qui se raconte, puisqu'il a rarement eu l'occasion d'aller voir les pièces dont on lui vante l'interprétation ou la mise en scène s'il n'habite pas la capitale. Le service public s'en fait l'écho, mais dans la mesure où il ne prend pas le parti de diffuser le théâtre à la télévision, il devrait s'en dispenser et la ministre de la Culture, qui représente l'Etat actionnaire, devrait l'obliger à reprogrammer du théâtre,, plutôt que de tancer des militantes cégétistes qui la prennent à parti ou de se livrer à l'éternel bras-de-fer entre pouvoirs publics et intermittents du spectacle. Ce conflit est vieux comme le ministère de Maurice Druon qui se plaignait déjà que les acteurs culturels viennent le solliciter, la sébile dans une main et le cocktail Molotov dans l'autre.
Quand j'étais petit, j'étais tellement frustré que les actualités me parlent constamment d'événements auxquels je ne pouvais participer puisque je ne venais à Paris que pour me rendre à l'hôpital que j'en fis une chanson rabique où je disais que j'allais faire exploser Paris et faire sauter le coeur nucléaire de ce noyau de la culture qui rejetait une majorité de Français à la périphérie tout en les contraignant à subir le récit et la critique de ce que vivaient et voyaient les "happy few",jusqu'aux stars que je traitais d'égoïstes parce que, lorsque Michel Drucker les interrogeait devant les Français réunis autour de "Champs élysés" après avoir lu "Paris match" chez le coiffeur ou chez le médecin, elles ne parlaient que d'elles et non seulement de films que nous serions peu nombreux à aller voir (encore, ça ne tenait qu'à nous), . mais de leurs états d'âme pendant le tournage de ces films et de l'ambiance de ce tournage, toujours merveilleuse. C'était ça, le service que rendait Drucker au public, déplier un tapis rouge devant les stars qu'il pouvait regarder en ayant l'impression de faire partie de la famille et d'être de la fête, pris en réalité en otage comme le lecteur d'un roman de Balzac qui n'aurait pas choisi de prendre connaissance des échos imaginaires du tout Paris qui fait rêver.
Quand j'entendis parler de décentralisation, je me pris à rêver qu'on allait enfin cesser de faire de la province un désert et je fus fort dépourvu d'apprendre qu'on n'envisageait pas d'y attirer les cigales, mais d'y déployer un nouvel étage de la fusée des doublons pour aggraver le mille-feuilles administratif.
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