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dimanche 26 juillet 2015

Deux concessions quasiment suicidaires aux mécréantises de René Pommier


(parus dans son ouvrage Rire et colère d’un incroyant, Essai, Kimes éditions, col. Détours littéraires, Paris, 16 mai 2012).

 

- J’aime bien cette sentence que je m’en vais servir à des curés trop modernistes dans leur exégèse et qui ont une morale de droite, ce qui est absolument le contraire de moi, qui ai quasiment la foi du charbonier et ai une morale relâché ou libérale, au nom de l’illégalisme et de l’imoralisme qui imprègne profondément le christianisme et dont il ne s’est pas encore avisé :

« Autrefois les chrétiens nous disaient qu'il fallait respecter leurs croyances parce qu'ils les avaient reçues de Dieu ; maintenant ils nous disent qu'il faut les respecter parce qu'elles sont partagées par des hommes ; bientôt ils nous diront qu'il faut les respecter  parce que ce sont des hommes qui les ont forgées de toutes pièces. »

 

-         « Les chrétiens répètent depuis deux mille ans que le Christ nous a apporté la Bonne Nouvelle, mais ils ne savent toujours pas en quoi elle consiste exactement. » On peut, comme vous le faites et comme je l’ai fait enfant (puisqu’à votreopposite, j’ai commencé par perdre la foi), faire le procès historique du christianisme, dont le moins qu’on puisse dire et qui devrait être à la confusion de René girard, est que le Martyre d’un seul une fois pour toutes n’a pas mis fin au cycle des boucs émissaires. Anatol France a pu intituler un de ses romans « Les dieux ont soif » parce que Tertullien a dit avant lui que « le sang des martyrs est semence de chrétiens. »

Mais admettons, malgré Bossuet, Hegel et Marx, que l’histoire n’est pas le problème essentiel du christianisme, ou pour le dire autrement, que la religion de l’Incarnation n’a pas essentiellement pour vocation de s’incarner dans l’histoire, « mon Royaume n’est pas de ce monde ». La question du christianisme n’est pas d’ordre historique, mais de nature théologique, et son Maître ne l’a pas caché : « Je suis venu, nous dit-il, pour une remise en question. »

Selon moi, la question, qui porte sur rien de moins que la vocation terrestre du Verbe incarné ou du Maître du christianisme, est de savoir de quoi l’homme a besoin d’être sauvé et en quoi le Christ l’a sauvé. Or force est de constater que la réponse à cette question ne fait pas l’unanimité parmi les chrétiens.

Si je le suis resté, c’est que, sans avoir la réponse à cette question qui me taraude et que je pose à qui veut l’entendre sans qu’elle paraisse, à ma stupéfaction,  raisonner chez ceux qui sont les porte-parole autorisés du christianisme que je confesse avec eux, si donc je suis resté chrétien bien que je ne sache pas de quoi ni en quoi Jésus-christ m’a sauvé, c’est que je me sens existentiellement accompagné par le Sauveur.

IL est possible que l’on fasse plus que s’en tirer par une pirouette en prenant au sérieux « la remise en question » pour laquelle le Christ est venu au plan terrestre et que, ce qui compte, c’est la question théologique que le Verbe incarné laisse en suspens et continue de poser à la liberté humaine, qui sent confusément qu’il s’est passé quelque chose depuis que Jésus est venu sur terre, mais qu’on ne sait pas dire ce que c’est, sinon que ce qui s’est passé, c’est que la condition humaine ne peut plus être assumée sans avoir le souci de transcender sa faille, et de la transcender dans les blessures du crucifié qui a emportée cette faille avec lui dans la gloire du ciel, d’une manière qui ne croit au surhomme qu’à partir des blessures de l’homme, salutaire aveu de faiblesse qui préserve tout projet politique authentiquement chrétien du totalitarisme nietzschéen ou des idéologies matérialistes et séculières, dont le souci économique finit toujours par se retourner contre l’homme.

 

 

« Il est grand, le Mystère de la Foi ! » Assurément , car ce mystère est le déploiement de sa question. Mais encore, ce Mystère se dévoile dès qu’on commence à le déployer, non par la voie rationnelle, mais par la voie sacramentelle.

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