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vendredi 3 juillet 2015

Clacissisme et romantisme

J’ai cherché à comprendre par quelle généalogie les antimodernes faisaient découler le romantisme du siècle des Lumières. Le siècle des Lumières s’est décrit lui-même comme le siècle de la « déesse raison ». Or il y avait beaucoup  plus de raison quand celle-ci n’était pas divinisée. Les scolastiques étaient des classificateurs -la classification engendre le clacissisme-. Linné et buffon sont bien plus des fils de la scolastique que des précurseurs du siècle des Lumières. Lequel est, par conséquent, non pas celui des Lumières de la raison, mais des Lumières de  l’entendement, de la raison sensationnelle (cf. Condillac), où le statut de l’observateur devient aussi important que l’objet de science, et qui par conséquent est mûr pour déclarer que la vérité est toujours subjective.
Or le subjectivisme aboutit au romantisme. Il n’est pas le triomphe du « moi » qui se prendrait pour le nombril du monde, mais de celui qui le voit du sommet de la montagne. Le « moi » voit le monde avec le vertige des sommets.  Il pleure sur le monde et il est ému de verser des larmes. La limite du romantique, c’est qu’il ne peut pas porter ce qu’il pleure. Il pleure donc de ses larmes comme celui qui est amoureux de l’amour laisse percer au jour son vide intérieur.
Nous voudrions décrire le monde avec émotion ou compassion. Nous voudrions que la raison soit une faculté capable d’émotion. La description du monde par une raison émue rend la nature à sa fluidité humide. Cette humectation de la nature dans les eaux séparées dont elle vient en arrose la restitution. Cet arrosage met de l’amour dans le rendu de la nature qui vient de l’amour – l’amour est un grand arrosoir -. Et cependant cette émotion n’est pas l’amour en œuvre, elle est seulement l’amour de l’art. L’amour en œuvre est l’amour en action. La compassion est le contraire de cette émotion inactive et artiste. La compassion a besoin de ne pas se savoir émue pour mettre l’amour en œuvre. Comme la nature, l’œuvre ne fait que venir de l’amour. Elle est le signe du premier amour. Au contraire, l’amour se met en œuvre. L’amour est presque trop rationnellement lié à l’œuvre qu’il suscite ou au fruit de son acte. L’amour est trop rationnel pour pouvoir se faire aimer.

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