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dimanche 4 septembre 2011

La mort est-elle un seuil ?

La naissance en est un. Or quel est le contraire de la mort ? C'est la naissance. Et si la mort est le contraire de la naissance, elle ne peut pas être un seuil.


Au fort externe, c'est-à-dire du point de vue de ce qui reste, la mort est un enfantement. Un enfantement des défunts en nous auxquels nous trouvons sincèrement toutes les qualités, car on n'est plus que bienveillance pour une âme que l'on a comprise, englobée en nous, dont on a intériorisé le secret.


L'expérience de la mort, en dépit des NDE (ou EFM, Expériences aux Frontières de la Mort comme aime à les appeler le P. François Brune de la compagnie de Saint-sulpice), nul n'a pu nous la raconter, car le Christ l'a voulu ainsi, il le dit très explicitement dans la parabole du pauvre Lazare et du mauvais riche.


Nous sommes donc réduit aux conjectures. Si la mort est le contraire de la naissance, mais que la mort et la naissance aient en commun d'être un enfantement, comme on peut le déduire de l'expérience de la mort vue de l'extérieur, où les défunts s'enfantent en nous, il faut nécessairement (pour faire un peu mon scholastique) que l'enfantement de la naissance et celui de la mort diffèrent de nature.


Or ils me semblent pouvoir différer en ceci : c'est que l'enfantement de la naissance est l'enfantement de soi-même ; donc l'enfantement de la mort doit être l'enfantement de l'altérité en son âme, et quelle plus belle altérité que le tout Autre !


La mort ne doit donc pas être un seuil vers l'inconnu, mais un enfantement de l'âme à Dieu et, du point de vue du défunt, de Dieu dans l'âme.


Au cours de sa vie, on passe le plus clair de son temps (et l'on offre le plus noble de ses forces) à essayer de naître à l'altruisme, d'égoïste qu'on était par nature ; quand on est un peu plus mystique, on voudrait aménager ses entrailles pour en faire la matrice de Dieu, à l'exemple de la Vierge Marie.


Sainte-Thérèse avait parfaitement compris cela en choisissant pour nom de carmélite l'épithète "de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face" (elle voulait que son enfantement de Dieu la rende icône de Sa Face. Mais, par humilité ou par blocage psychologique, elle n'a pas pu dévoiler jusqu'au bout son ambition spirituelle. Elle a dû s'arrêter à mi-chemin, pour être fidèle à la condition humaine, en préconisant la voie d'enfance, c'est-à-dire un retour à l'enfance qui se reprendrait d'amitié pour l'enfant qu'on était, comme on cherche souvent aujourd'hui dans les courants psycho-spirituels à retrouver son "enfant intérieur" et comme Bernanos, qui paraissait à la fois aimer et détester souverainement qu'on ait monté Sainte-thérèse en épingle, confessait dans "Monsieur Ouine" qu'il n'aspirait à rien tant qu'à retrouver le petit garçon qu'il était et à ce que ce soit ce petit garçon qui vienne le chercher quand il mourrait.


Mais retrouver son enfance, ce n'est pas rompre avec l'égoïsme. C'est sans doute une étape nécessaire dans la lutte qu'on doit mener contre lui, nécessaire, mais pas suffisante.


Dans la mort, pour ceux qui le souhaitent et l'acceptent, plus rien ne s'oppose à ce que l'âme se découvre en enfantant Dieu et ces vivants sur qui l'on veille en "passant son ciel à faire du bien sur la terre", parce que le masque de l'égoïsme est tombé.


Cela peut expliquer que la mission des saints soit d'intercéder, quand ils sont passés de l'autre côté du miroir.


La mort, nous dit Saint-Paul, n'est pas tant cet inconnu que le moment où, enfin, "énigme dans le miroir", "je connaîtrai comme je suis connu". Et ce qui est important dans cette phrase, ce n'est pas le "comme je suis connu", mais c'est le "je connaîtrai", qui sera bien plus qu'un "naître avec" : dans la mort, je renaîtrai d'enfanter Dieu.

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