La politique est une question de caractère et Jean-Luc Mélenchon n'en manque pas, mais c'est un caractériel. Jean-Luc Mélenchon est un aboyeur qui nous casse les oreilles et les bourses et tous les députés LFI aboient pendant que la caravane passe. Car le premier commandement d'un insoumis, c'est d'imiter le chef.
L'union de la gauche qu'il a pourtant eu le génie de ressusciter en faisant des moulinets pour se faire élire premier ministre au lendemain de sa défaite à la présidentielle, était impossible sous sa bannière alors que la gauche plurielle a réussi sous celle de Lionel Jospin qui se définissait comme un "austère qui se marre", mais était un homme plein de hauteur et de retenue, bien que son hyper-thiroïdie lui ait fait quelquefois perdre le contrôle de lui-même dans des incidents parlementaires que la véhémence d'aujourd'hui, qui renoue avec les beaux jours du tribunicialisme d'assemblée, nous fait voir comme de la petite bière, comme ce jour où il s'est dit fier de compter des communistes dans son gouvernement, malgré les précédents totalitaires de ce parti qui refusait de changer de nom.
Jean-Luc Mélenchon se proposait de séduire les "fachos pas fâchés", mais il ne croit que dans la "conflictualité". Il prend acte à juste raison que la démocratie n'est pas le consensus, mais le clivage; mais c'est pour en déduire que le clivage se résout dans la conflictualité, et non dans la discussion qui est l'art de la démocratie par excellence (Edwy Plenel la définit joliment comme une "conversation"). Or le conflit accentue le clivage et ouvre la porte à la violence. "L'humain d'abord" qui devrait réparer notre société fracturée selon Jean-Luc Mélenchon, est une humanité conflictuelle et donc violente. Or la violence ouvre les fractures et ne les ferme pas.
François HOllande a anéanti le parti socialiste à force de ne pas avoir les épaules pour trancher et en choisissant l'inventeur du concept des "deux gauches irréconciliables" comme premier ministre. Il voulait réparer la société soi-disant fracturée par Nicolas Sarkozy et il a choisi pour ce faire un premier ministre plus clivant que ce président transgressif. Il disait que son ennemi était la finance et il nous a présenté le candidat de la finance pour être son successeurs. Il a détruit la sociale démocratie en la transformant en social-libéralisme sous l'impulsion des Gracq.
Manuel Valls a été le fossoyeur de la gauche, Emmanuel Macron est celui de la France et Jean-Luc Mélenchon est celui de l'union de la gauche. Il a démontré, en la réunissant sous sa férule, que ce qui avait été possible sous François Mitterrand et le parti socialiste ne l'aurait jamais été sous Georges Marchais et le PCF.
Un autre paradoxe de ce personnage haut en couleur, mais viscéralement violent qu'est Jean-Luc Mélenchon (j'ai déjà eu l'occasion d'écrire que la main d'Adrien Quattenens qui avait giflé sa compagne n'était que le prolongement de la violence de Jean-Luc Mélenchon que je soupçonne de n'être pas que verbale) est qu'il se présente comme insoumis et opposé au pouvoir personnel, au rebours de celui qu'il exerce en faisant régner la terreur dans son écurie, traitée cavalièrement par sa cavalière Sophia Chikirou, comme un numéro de "Contre-enquête" vient de l'illustrer. Les gens intéressants sont pétris de paradoxes et Jean-Luc Mélenchon est quelqu'un d'intéressant.
Ce n'est pas parce que je sens toutes les limites du maître des insoumis que je fais pour autant confiance à François Ruffin. D'abord parce que des gens de sa ville-ville-ville m'en ont bien parlé, maman (allusion à "la Pêche aux moules-moules-moules" du "Petit rapporteur" et parler, c'est rapporter). Ils me l'ont décrit comme un illusionniste qui n'avait nul souci réel des gens qu'il prétendait défendre à grand bruit dans "Fakir", sa feuille de chou d'agitation locale. Et de fait je n'aime pas ce tropisme américain qui lui fait prendre des exemples de veuves et d'orphelins qu'il appelle par leur prénom pour mieux feindre une proximité affichée avec eux qui, dans la mesure où il les connaît et où ils ne sont pas de purs personnages de fiction comme l'écrivain Chloé Delaume quicommençait bon nombre de ses textes en disant qu'elle s'appelait Chloé Delaume et qu'elle était un personnage de fiction, sont éventuellement venus lui exposer leurs ennuis dans sa permanence et lui raconter leurs malheurs dans son bureau des pleurs en comptant bien qu'il ferait le saule pleureur. Tous les candidats à l'élection présidentielle américaine usent de ce détestable subterfuge de prénommer leurs concitoyens pour en faire des exemples de leur compassion surjouée. Dans "Merci patron", il s'est servi des Klur comme de faire-valoir.
François Ruffin a un tropisme hystrionique comme tous les membres de la France insoumise et comme généralement tous ceux qui parlent d'éducation populaire. Ils ne se voient pas comme des porte-parole du peuple, mais ils se prennent pour ses éducateurs et se rapprochent de lui en croyant parler comme lui, mais en parlant trop fort et de ce fait en parlant faux. Leur nouvelle égérie Annie Ernaux avait pourtant fustigé ce "parler fort" de la génération d'après-guerre qui l'avait fait souffrir, car jamais on n'était calme. Les conversations duraient jusqu'à pas d'heure. Les tablées se prolongeaient sous le feu des boissons distillées qu'on absorbait d'abondance. On parlait de la guerre, on parlait fort et on claquait les portes. Le peuple s'est civilisé depuis, il a pris des manières. Aujourd'hui, les déclassés sont dévoués et s'ils crient quand on leur fait mal, c'est sans broncher qu'ils soutiennent le service public et que le "monde ne tient qu'au fil des filles gentilles", comme le chantait Laurent voulzy beaucoup plus doucement que ne rugit Jean-Luc Mélenchon ou que ne glapit François Ruffin.
Ce dernier serait une valeur montante, mais de quoi a accouché "Nuit debout"? Et quels sont les bénéfices secondaires de la mue de Fabien Roussel en homme de droite? À quoi joue la gauche de la gauche? Seul Olivier Faure tient son rang et redresse la barre du parti socialiste. Vu comme il l'a ramassé dans le ruisseau, il a fort à faire et s'il arrivait à le redresser, ce serait un exploit.
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