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mercredi 25 octobre 2023

Emmanuel Macron a-t-il réussi son voyage en Israël?

Réponse à Philippe Bilger.


Justice au Singulier: Le président a su quitter le "en même temps", bravo ! (philippebilger.com)


"Bravo"? "Brillamment", applaudissez-vous, cher Philippe Bilger. Parce qu'Emmanuel Macron aurait "réussi" son voyage en Israël? Si réussite il y a, c'est une réussite à l'instar de son voyage au Liban ou de ses entretiens avec Vladimir Poutine, celui-ci snobant son visiteur en l'asseyant à l'autre bout d'une table de cinq mètres de large pour bien prendre ses distances. 


Voyage réussi en quoi? "Les Etats-Unis n'ont pas prêté la moindre attention à l'idée française" de "coalition internationale" contre le Hamas" à laquelle aucun pays arabe [ne] participerait, ce qui enlèverait à l'initiative toute sa vigueur et son intérêt, même si le président a précisé qu'il ne s'agirait pas d'opérations militaires à Gaza." Donc élargissement d'une coalition sans intérêt militaire ni symbolique, initiative mort-née, morte et enterrée, donc réussite réduite à néant, d'autant que le seul plan symbolique où elle aurait pu signifier quelque chose rappelle malencontreusement la proposition de guerre contre le terrorisme de George Bush au moment même où Joe Biden, de retour d'Israël où il nous a assuré que le Pentagone avait des preuves qu'Israël n'avait pas attaqué l'hôpital Al-Ahli -ce qui nous rappelle avec émotion Colin Powell assurant, des petites fioles à la main,  que les États-Unis avaient des preuves irréfutables sur la détention d'armes chimiques par l'Irak de Saddam Hussein-, mettait en garde Israël contre une réplique onze-septembriste dont le président des États-Unis disait qu'elle avait provoqué des "erreurs" pour ne pas avouer qu'elle avait été une erreur; et le mot est faible pour qualifier la destruction d'un pays, l'Afghanistan, et sa remise aux mains des Talibans. Belle victoire, aussi belle que l'échec de l'opération Barkane et des interventions françaises en Centrafrique ou au Mali. 


Emmanuel Macron n'a donc pas emporté l'adhésion de ses partenaires sur l'élargissement de sa coalition internationale qui n'aurait fait que creuser le fossé entre Proche et Moyen-Orient et Occident, entre "croisés" et anti-croisés,ou contre-croisés, pour employer la rhétorique islamiste et non tiers-mondiste du bloc occidental qui, dans une géopolitique bourdieusienne, réduit le monde à être un affrontement de dominateurs à dominés. 


Au moins son voyage est-il réussi pour ce qui est de recréer "l'union nationale"? Pas plus. "On doit constater qu'il a été peu suivi dans ce souhait. Il me semble même que l'intensité belliqueuse sur le plan politique augmentait à proportion de ses désirs d'apaisement." (PB) 


La faute à Mélenchon? "Malheureusement on ne peut que regretter l'obsession de Jean-Luc Mélenchon de faire bande à part dans une sorte de trotskisme échevelé, sa volonté de dissidence à tout prix le mettant sans précaution sous le risque de l'antisémitisme, avec une impérieuse domination sur un petit cercle condamné à d'effarantes arguties pour suivre le "maître"." 

Peut-être bien que Mélenchon a pris de grandes distances avec son désir d'union sacrée depuis les attentats de Charlie dont les morts étaient ses vrais copains. Mais pour aboyeur et violent que soit le langage de Mélenchon, il a raison de ne pas céder au chantage à l'union sacrée que le président de la République fait au pays, plus il gouverne mal, et ce depuis la Covid. "Debout, assis, couché, tous vaccinés, tous protégés, tous confinés, tous déconfinés, il faut "faire bloc" dans le bunker. On dirait que plus absurdes sont les raisons d'une guerre mondiale (et l'escalade de la Grande guerre devrait nous avoir donné des leçons), plus le gouvernement essaie de la résoudre en appelant à l'union sacrée, en réprimant les mutineries et en fusillant pour l'exemple  les nouveaux mutins de 14 que sont, dans la circonstance, les soignants suspendus après avoir été applaudis, suspendus sans jamais être payés, suspendus parce que non vaccinés, alors que l'hôpital est au plus mal. (Cf la chanson "le Bon berger" de Jean Guidoni:


https://www.youtube.com/watch?v=EEg1M6P8B3Q


Alors  le voyage d'Emmanuel Macron serait-il réussi parce que "pour une fois, dans le fond et la forme il a échappé avec une sobriété remarquable à cette légère touche de narcissisme qui souvent a altéré ses propos en France, même les plus émouvants, à la suite des tragédies ayant endeuillé notre pays. Comme s'il s'écoutait pleurer et parler en même temps !"?

L'enjeu du voyage présidentiel aurait donc été une simple bataille contre lui-même et vous  mettez ce que vous considérez comme une victoire psychologique à son crédit international. Si nous en sommes là, c'est que l'équilibre de notre monarque républicain est tombé bien bas.  


Mais cette victoire psychologique a-t-elle eu lieu? Non, si l'on considère que la seule réussite de notre président a consisté comme d'habitude à lui permettre de voir  beaucoup de monde comme il adore le faire en confondant le fait de voir du monde et d'être un grand de ce monde. 


Ah certes, il a sorti Mahmoud Abbas de sa léthargie. Il l'a ressuscité pour pouvoir se montrer et montrer qu'à la différence de Joe Biden qui en est une autre, Macronimo est reçu par "la momie" de Palestine, ainsi que les Algériens surnommaient Bouteflika au crépuscule de son règne. "La démocratie israélienne" favorise jusqu'à plus soif le règne de Mahmoud abbas, qu'elle a d'abord installé à la tête de l'autorité palestinienne en tempêtant partout qu'il n'était pas normal que la Palestine n'organise pas d'élection présidentielle. Puis l'autorité palestinienne a organisé des élections municipales dans la bande de Gaza, le Hamas les a gagnées, Israël a fait de Gaza un ghetto et Mahmoud Abbas a été confiné à Ramallah sans qu'Israël ne songe plus jamais à remettre son mandat en jeu. 


"Le président de la République va rencontrer le roi de Jordanie et le président égyptien", vous voulez dire le putschiste du Caire, "ce que le président Biden n'avait pu faire", la belle affaire! Le narcissisme d'Emmanuel Macron, loin d'avoir faibli, a réussi à lui faire voir du monde pour exercer sa conception très particulière du bilatéralisme ou du multilatéralisme: parler à tout le monde sans aucun résultat, mais pour le plaisir de dire que l'on parle à tout le monde, qu'on doit le faire, qu'on peut le faire, qu'on est cap, qu'on en est capable, car on est capable, on est le plus capable des présidents du monde, donc on devrait être le chef d'État du monde entier, Joe Biden peut craindre pour sa succession, Macron va la briguer, Trump ne fera pas le poids, personne ne résistera et Poutine a beaucoup apprécié de voir ses entretiens divulgués par la diplomatie française. Il aurait mieux fait de rester dans sa salle de sport.


Reste le sujet principal que vous avez de vous réjouir: Emmanuel Macron a réussi à sortir du "en même temps". Encore une victoire sur lui-même qui n'emporte que lui-même et à quel prix? "Une balance subtile et surtout pas égale." "Un soutien inconditionnel" contre "une commisération simplement humaine". Même Yaël Braun-Pivet est sortie de son "soutien inconditionnel à Israël" qu'elle a ramené à un soutien inconditionnel à l'existence d'Israël. Cette "balance subtile mais surtout pas égale" prouve qu'aux yeux de la France qui n'en finit pas de se sentir coupable de sa défaite de 1940 et de s'être livrée au maréchal Pétain qui lui avait fait don de sa personne jusqu'à se laisser condamner à mort et laisser commuer sa peine en exil, une vie israélienne vaudra toujours dix fois plus qu'une vie palestinienne? De même qu'une vie américaine vaut sans comparaison davantage qu'une vie afghane puisque la dérive onze-septembriste est la même que la riposte israélienne et que Joe Biden, dont le pays ne s'est pas mouillé dans la collaboration, peut dénoncer la vigueur de la riposte israélienne. La France, elle, ne le peut plus. Elle dit qu'elle ne le peut plus, car elle refuse de parler de sa voix, de prononcer son message et d'articuler celui-ci selon sa vocation. On tombe toujours du côté où l'on penche et le voyage d'Emmanuel Macron est raté parce que ce président déséquilibré n'a jamais songé à retrouver la position équilibrée de la France dans le conflit israélo-palestinien et à y tenir une balance égale et non subtile entre Palestiniens et Israéliens. 

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