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vendredi 4 décembre 2020

Mon tombeau de Giscard

<p> Valéry Giscard d'Estaing : l'héritage maudit - Editorial - Actualité - Liberté Politique (libertepolitique.com)

<p> Quand je lis l'article de Constance Prazelle sur "Liberté politique" en refus d'hommage à Valéry Giscard d'Estaing, je vois tout ce qui me sépare d'une certaine extrême droite. <p>


Non seulement je porte le deuil de Giscard, mais je tiens que son septennat nous a offert les dernières années fastes que la France ait connues. <p>


Giscard a certes remplacé l'universalisme révolutionnaire puis républicain, que l'on a retrouvé après lui et deux septennats de François Mitterrand, par le voltairanisme du siècle de Louis XV, dont Baudelaire disait qu'il était à l'origine de l'ennui français. Je fais confiance à Baudelaire en poésie, mais beaucoup moins en politique, où l'on n'est pas forcé d'être romantique ou décadent.  Car nos vrais ennuis ont commencé le jour où Giscard eut (et nous avec lui) le malheur d'être battu par un vrai démagogue opportuniste, François Mitterrand, homme sans vision et sans fidélité, qui, sous couvert de socialisme, a fait basculer la France dans l'atlantisme le plus reaganien et le moins nuancé, prélude au néoconservatisme de Bush assumé avec retard et sans raison par François Hollande, héritier comme François Mitterrand de la gauche colonialiste et molletiste. Ajoutons que celui qui a aboli la peine de mort en tant que président de la République en a été un ardent défenseur au début des "événements" ou de la guerre d'Algérie. Et dans la France d'aujourd'hui, où ce sont les héritiers de Mitterrand qui gouvernent, très à distance de Giscard, comme l'a montré le discours d'hommage distancié prononcé hier soir par Emmanuel Macron, dans la Desjardins​ la France qui fait la guerre contre le terrorisme, on liquide les terroristes sans autre forme de procès au lieu de les arrêter et de les présenter au tribunal, ce qui est une manière expéditive de leur administrer la peine de mort au lieu de les présenter au tribunal révolutionnaire, en s'attribuant, sous couvert de violence légitime exercée par la société,  le droit de vie et de mort du pater familias romain, alors que la vie que la société n'a pas donnée, elle n'a pas le droit de la reprendre. <p>


Giscard a fait entrer la France dans la modernité, mais il a pris en elle ce qui était bon sans abonder dans ce qui était mauvais.<p>


Dans cet article que j'ai tort de partager (car partagez, partagez, il en restera toujours quelque chose", mais j'en fais le prétexte à mon propre tombeau de Giscard), Constance Prazelle regrette la création du secrétariat d'Etat à la condition féminine attribué à Françoise Giroud, qui était d'une autre carrure intellectuelle que Marlène Sciappa. Notre polémiste aurait sans doute préféré qu'on en restât au temps où la femme devait demander à son mari l'autorisation d'ouvrir un compte ou de détenir un carnet de chèques. <p>


Son problème est que Giscard a inspiré, de manière concertée avec celle qui a porté la loi,et qu'il a promulgué la loi Veil, qui ne faisait que dépénaliser l'avortement et non pas affirmer comme aujourd'hui que c'est un droit fondamental de la République, pour faire un pied de nez révolutionnaire qui ne mange pas de pain à feu "les lois fondamentales du royaume". Il serait néanmoins malhonnête de nier que, dans l'esprit des promoteurs de la loi Veil, celle-ci devait être un premier pas vers la libéralisation de l'avortement. Mais les catholiques de la trempe de Constance Prazelle n'osent pas s'avouer que l'avortement chez les femmes immigrées fraîchement débarquées en France leur est indifférent. Ce qui les contrarie, c'est que ne soient pas nés quelques millions d'enfants français, parce que, comprenez-vous ma bonne dame, à défaut de ces naissances, on est entré dans la société "multiculturaliste" et du "grand remplacement". ON aurait dû forcer les Français qui n'y tenaient plus à faire des enfants. IL y a chez ces pseudo-réalistes barbouillés de thomisme un certain refus du réel. <p>


J'admets que l'on puisse reprocher à Giscard d'avoir préféré une société maternante à une société maternelle. Il n'empêche que sans cette assistance sociale, j'aurais peut-être été davantage forcé à devenir quelque chose, mais si je n'y étais pas arrivé, moi le bénéficiaire de la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées, je serais tout simplement devenu pauvre. Et cette loi ne disait pas, comme celle qui lui a succédé trente ans plus tard, que tout devait, par impossible, être accessible à tous, jusqu'à ce que, pandémie oblige, les "personnes vulnérables" fussent sommées d'être confinées les premières, confinées et abandonnées.  Giscard avait cela de bon qu'il n'était pas un utopiste. <p>


Il était sorti, la paix aidant, de la mythologie gaullienne d'une "France éternelle" condamnée à la vanité en fait de grandeur. On lui en voulut de nous ramener sur terre et aux dimensions de la France, "puissance moyenne". Giscard donna-t-il trop dans l'Europe façon Jean Monnet, où l'union monétaire devait amener à l'union économique et politique? Sans doute, mais comment oublier que le premier véritable activiste du couple franco-allemand et de la réconciliation des deux nations trois fois belligérentes pleura (et ce n'était pas d'émotion), à l'idée que des soldats allemands défilent sur les Champs-Elyséesun 14 juillet? <p>


La chroniqueuse dont je relaye le malencontreux article regrette que Giscard ait indemnisé les chômeurs à 90 %. Selon elle, ne pas le faire aurait évité que la France s'enfonce dans la spirale du chômage. Comme si la cause n'était pas à chercher dans la mondialisation, la désindustrialisation, les délocalisations et l'automatisation. <p>


Constance Prazelle n'aime pas non plus le regroupement familial. Elle oublie que celui-ci découle explicitement de la doctrine sociale de l'Église, comme l'a montré l'abbé Grégoire Célier dans la revue "Fideliter" au grand scandale du milieu traditionaliste dont il était un éminent représentant. Mais surtout, tous ceux qui réitèrent cette critique récurrente oublient que le regroupement familial s'inscrivait, après les années Pompidou qui avaient entièrement ouvert les vannes à la volonté de bas salaires du grand patronat, dans un coup d'arrêt que l'Etat voulait mettre pour trois ans à l'immigration de travail, voulant l'humaniser par le regroupement familial qui était assorti d'une politique d'aide au retour pour ceux qui étaient au chômage ou ne désiraient pas rester en France. Le réel, là encore, a décidé de l'avenir du regroupement familial d'une manière que ceux qui avaient légiféré en sa faveur n'avaient pas prévu. <p>


Giscard ne fut pas aimé de paraître intelligent. Son port aristocratique de bourgeois dont les ancêtres avaient voulu s'anoblir fit tenir à insincérité son désir d'aller vers les Français en toute égalité républicaine, même si sa déformation éducative trahissait un brin de condescendance peu compatible avec son amour de Maupassant. Giscard aimait Louis XV parce que c'était le roi du siècle des Lumières et parce qu'il avait des scrupules de conscience . Il manifesta par deux fois qu'il voulait une Europe démocratique où les traités ne l'emportassent pas sur les alternances ou les référendums.  C'est lui qui décida que le Parlement européen serai élu au suffrage universel, et lui encore qui non seulement insista pour que le traité constitutionnel qu'il rédigeait à la tête de la Convention européenne co-présidée par Giuliano Amato, fût soumis à référendum;  mais je me souviens d'une émission sur "France inter" où il demandait aux Français de lui adresser leurs propositions pour l'Union européenne à ses bureaux du boulevard Saint-Germain. <p>


Giscard n'a pas toujours vu juste. Il soignait son apparence et c'était un dandy, mais ce n'était pas un démagogue. Les héritiers de Mitterrand et de Maurras ne lui ont pas pardonné, même mort, d'avoir été un humaniste pragmatique.  <p>

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