La semaine dernière, lors d’un enterrement que j’accompagnais et qui était celui du meilleur ami (une amitié de quatre vingts ans) d’un prêtre qu’il m’arrive d’accompagner ailleurs et qui se caractérise par son mysticisme, il était proposé un texte de saint Paul, extrait de l’épître aux Corinthiens (II Corinthiens 12 :2-4), texte dont l’importance ne m’était jamais apparue et que j’avais même oublié bien que j’ai lu, comme on dit « crayon en main » toutes les épîtres de Paul, et dont il découle (je l’écris en ce soir où Jésus est également venu chercher Paul dans la matrice de ses enfers personnels) qu’il avait vécu ce qu’aujourd’hui, on appellerait une EFM (expérience aux frontières de la mort) : » Je connais un [jeune] homme dans le Christ… voici quatorze ans – était-ce dans son corps ? je ne sais pas ; était-ce hors de son corps ? je ne sais pas, Dieu le sait – un tel homme fut enlevé jusqu'au troisième ciel. Et je sais qu'un tel homme – était-ce dans son corps ou sans son corps ? je ne sais pas, Dieu le sait – fut enlevé au paradis et qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à un homme d'énoncer. »
Ce texte relate certainement la formation desaint Paul sur le chemin de damas. saint Paul qui me fait paradoxalement l’impression, dans toutes les autres occurrences où il se modélise (« Prenez-moi pour modèle. Moi, mon modèle, c’est le Christ. »), au jeune homme riche qui aurait appliqué et suivi le conseil de Jésus, serait allé, aurait vendu tout ce qu’il possédait, puis serait venu etaurait suivi Jésus, mais avec une sorte d’amertume de ne pas se voir rendre « le centuple dès cette vie »ni « [délivrer] par surcroît » ce qui est promis à « ceux qui cherchent d’abord le Royaume de Dieu et sa justice », jouissant déjà de l’avant-goût de sa vie éternelle via son EFM, mais étant obigé de se signifier à lui-même qu’il avait remporté la course faute de se voir suffisamment reconnaître par le Collège des apôtres, ni même confirmer par ses propres disciples auprès de qui il doit constamment « se justifier » ou »s’enorgueillir », comme si son tempérament de zélote ne lui faisait pas manifester un amour dans la foi suffisamment contagieux pour qu’on ait envie de le suivre comme disciple, quelque mérite qu’on accorde au dogmaticien.
Saint Paul n’est pas le jeune homme riche de l’Évangile, mais il lui ressemble. Il a connu un transport dont lui vienttoute son énergie. Mais il écume d’en être revenuet de ne pas sentir l’orgueil de la récompense qui l’aurait distingué des autres. Car saint Paul a un tempérament d’athlète qui veut remporter la course. Il veut bien tout sacrifier à l’annonce de l’Évangile et se laisser tomber de cheval pour être emporté au paradis, mais il ne veut pas connaître ce renversement ultime que les derniers seront les premiers et que cela est inséparable, par impossible, d’une disparition complète de l’ego.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire