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samedi 21 juin 2025

Ce cardinal HOllerich que je ne connaissais pas

Cardinal Hollerich : un homme clé dans la stratégie du pape François | René Poujol


Il pourrait sembler que je partage à contre-temps cet ancien billet de René Poujol à propos du cal Holleriche que je connais peu et mal alors que j'avais rencontré mgr Hypolite Simon, l’un de ses prédécesseurs à la tête de la COMECE (conférence épiscopale des évêques européens), homme contrasté et complexe, aux obsèques de notre ami commun M. Paul Petit, ancien bibliothécaire du séminaire st-Sulpice où mgr Simon avait fait ses études et où je fus hébergé pendant neuf mois après que ce séminaire se fut transformé en foyer d'étudiants qui recevait en outre prêtres et évêques du monde entier. Hypolite Simon aété entre temps lui aussi et prématurément rappelé à Dieu.

Ce partage à contre-temps du billet de René Poujol est dû au fait que je suis engagé dans la lecture de son  livre le Synode, c'est maintenant qui vient de paraître aux éditions Salvator. Je formaliserai mieux ce que j'en ai pensé dans des billets ultérieurs et quand j'en aurai achevé l'étude autant qu'il est en mon pouvoir d'achever quelque chose, étant poursuivi par le démon de l'inachèvement.

Mais je voudrais partager ici les quelques réflexions qui me sont venues sur la personne et l'intention du calHollerich telles qu'elles me sont données à appréhender par ce portrait de l'homme et cette recension de son livre d'entretiens sur ce billet de blog déjà ancien de René Poujol à côté duquel j’étais passé en son temps et dont il recopie l’introduction en annexe de son ouvrage.

Le cardinal Holleriche vient de plusieurs traditions à la fois. Missionnaire, il s'est inculturé à la tradition shintoîste et ultrasécularisée du Japon. Comme président de la COMECE issu d'un pays riche parfois accusé d'être un paradis fiscal, il était prédisposé à user de la novlangue plus souvent qu'à son tour. Mais il parle cette novlangue avec des fulgurances comme ce qu'il dit sur les Égyptiens qui mettaient le passé devant eux et l'avenir derrière eux, car on voit le passé que l'on connaît, mais on ne voit pas l'avenir que l'on ne connaît pas et l’Église ne doit pas être l’Égypte ni faire comme les Égyptiens.

Dans son livre "Trouver Dieu en toute chose", le cal HOllerich envisage un "synode sur l'Europe". Les deux continents de chrétienté active, observée, donc mise malgré tout sur le boisseau, à ne pas avoir fait l’objet (ni s’être fait les objets) d’un synode sont l’Europe et l’Afrique, celle-ci parce qu’elle ne voit pas la nécessité de discuter de ce qui doit avant tout se transmettre sacramentellement, animiquement ou shamaniquement si ce terme est applicable à l’ancestralité du "continent" comme s'appelle l'Afrique, consciente qu'elle contient tout ou partie de l'avenir du monde comme elle serait le berceau de l’humanité, celle-là (le vieux continent ou la vieille Europe) parce que, confortée par le centralisme romain, elle s’est prise pour l’objectivité même, pour l’aboutissement de la civilisation concentrant en elle-même tous les universaux, pour le centre du monde et le parangon de la chrétienté, dont cette région occidentale s'est arrogée le monopole normatif de cet orientalisme qu’est l’Évangile à l’origine, et qui a « des origine » à l’Est d’Éden.

René Poujol nous dit que le cal HOlleriche fait preuve dans son livre d'une "audace tempérée". « Audace lorsqu’il invite à « intégrer une nouvelle façon de penser la foi au sein de la réalité vécue des hommes d’aujourd’hui » ; audace lorsqu’il nous appelle à accompagner les hommes et les femmes, nos contemporains, dans le quotidien de leur vie, sans les juger, plutôt que de s’user à vouloir infléchir les lois de la cité ;.
"Enfin!",voudrais-je m’exclamer dans un « ouf ! «  de soulagement. Inflexion exempte de volonté d'infléchir tenant notamment à ce changement de perspective par lequel l'Église a longtemps considéré le monde comme une "structure de péché »,jusqu'à ce que la crise des abus sexuels la mette devant l'évidence qu'elle était elle-même une structure de péché.

J'aurais tendance à souhaiter qu'on s'abstienne aussi de la correction fraternelle par laquelle on s'autorise à vouloir changer et convertirles autres. On ne doit pas leur faire la violence de vouloir les convertir en réveillant l'amour avant qu'il ne le veuille, pour reprendre l'expression qui m'est si chère de sainte Thérèse d'Avila. On ne doit pas pour autant cesser de les appeler à la conversion ni de les assurer que la conversion qui transforme la conversion de désir en conversion d'état et d'action et de mode de vie est la plus belle aventure qu'il soit donné à un être humain de vivre. Mais cela, on le prêche par l'exemple, quand on cesse de se vautrer dans l'incohérence du "faites ce que je dis, pas ce que je fais."
"audace, poursuit René dans sa recension, lorsqu’il [le cal Hollerich] conseille, concernant la foi, de « réfléchir avec les jeunes et chercher avec eux des réponses, plutôt que de leur rappeler sans cesse celles que donne le catéchisme classique. »
Cela, j’ai compris que l’Église l’avait compris sans le dire ou en le disant, le jour où le très conservateur cal Vingt-trois avait organisé la première réunion des amoureux pour la saint-Valentin en y conviant tout le monde et indistinctement les fiancés et les concubins, ceux-là mêmes que les familles bien-pensantes n’invitaient pas à leur table ou à qui elles ne permettaient pas de dormir ensemble de crainte qu’ils ne couchent ensemble, attitude condescendante, discriminatoire et de rejet qui ne serait plus possible à notre époque, impossibilité dont même le clergé conservateur, sans saveur, sans couleur et sans odeur de l'archidiocèse de Paris a pris acte, ce qui en soi est plus qu’une révolution de palais, mais constitue une vraie révolution pastorale qui n’a pas dit son nom, bien loin des polémiques qui s’élèvent indéfiniment à propos de la communion à donner ou non aux divorcés remariés ou de l’intégration des homosexuels dans la communion ecclésiale.
"
Les réformes structurelles ne doivent pas être les seules au centre des discussions", mais "nous avons une théologie que plus personne ne comprendra dans vingt ou trente ans. Cette civilisation aura passé. C’est pourquoi il nous faut un nouveau langage qui doit être fondé sur l’Évangile. Or, toute l’Église doit participer à la mise au point de ce nouveau langage : c’est le sens du synode. »
Autant le synode est légitime s’il s’emploie à inventer un nouveau langage qui revient à penser la foi à frais nouveaux, urgence pour une Église qui ne veut pas mourir et se laisser ensevelir sous les drapeaux et les fanions de son folklore multiséculaire, autant le synode se plante s’il se conçoit comme une réforme structurelle se perdant dans l’apocalypse structurelle qui pond des normes plutôt que des rêves ou des utopies. Le communisme et bientôt non seulement l'utopie européenne autrefois tournée vers "la paix perpétuelle" et désormais à nouveau vers la guerre mondiale, mais aussi l’Eglise qui n’a codifié sa législation dans un droit canon aux allures de code pénal que depuis 1917, ai-je appris dans le livre de René, s’effondreront soue le poids de leur bureaucratie, autant l’urgence est à inventer un langage nouveau sans rapiécer nos vieux vêtements ni gâter le vin nouveau de l’Evangile dans les vieilles outres du folklore ecclésiastique. Il ne faut pas être formaliste, mais puisque « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface », la forme a son importance.

Le synode court le risque d’être une inflation langagière masturbatoire s’il fait comme la littérature qui, à force de s’étudier elle-même en faisant de la critique littéraire un genre littéraire où l’art littéraire est bien plus malaisé, s’est gonflée en nous gonflant au risque de crever de sa mise en abyme palempséstique hypertextuelle. Le synode est menacé par cette autoréférentialité onaniste au moment même où il demande à l’Église de cesser d’être autoréférentielle. Mais il peut aussi se saisir du langage pour inventer un langage nouveau qui ne soit pas de la novlangue. Et en tant que »conversation dans l’Esprit », c’est-à-dire en tant que parole partagée qui s’empare du langage comme d’une base de travail, le synode est une bonne méthode pour inventer un langage nouveau.
Je me suis longtemps méfié de ce mot de « conversation » qui ne me paraissait pas à la hauteur du dialogue philosophique ou talmudique dont provient notre civilisation judéo-chrétienne et helléno-chrétienne, quand »l’esprit de la conversation » a trop fait le bonheur et le lustre des salons à la française, comme l’a illustré La Rochefoucauld en sublimant cet "esprit de la conversation". J’ai révisé ma position en me rappelant que le dialogue philosophique, bien qu’il s’oppose théoriquement à la rhétorique comme art de persuasion, s’est souvent assigné pour mission de convaincre, si on observe la pratique de Socrate. La conversation a peut-être fait les beaux jours de l’esprit salonard, mais le contrepoint de la musique baroque est une conversation de la même époque classique du Grand siècle français entre des voix qui se confondent ou se superposent de façon plus subtile que la mélodie accompagnée, or le synode voudrait trouver un consensus entre des voix (et des voies) multiples. Là où le synode peut réussir dans l’invention d’un langage nouveau, il risque d’échouer, aussi bien s’il vise une révolution structurelle que s’il borne sa réflexion à s’interroger sur les voies délibératives comme notre « Grand débat » national qui a noyé la crise des Gilets jaunes ou, plus loin de nous, comme le référendum sur le référendum, par lequel le Florentin Mitterrand a mis fin à la guerre scolaire en faisant diversion par cette proposition improbable et qui n'a jamais vu le jour.
Le synode échouera s’il ne fait que réfléchir aux méthodes de la décision dans l’Eglise. Peut-être dis-je cela parce que je ne sais pas décider et que la décision reste mon point faible. Mais nous ne passons pas notre vie à prendre des décisions et la décision est nécessairement tendue entre le discernement de saint Ignaceet l'"aussitot"de l’Évangile. Fondé dans le langage pour trouver un langage nouveau, le synode doit ne s’assigner rien de moins que de rendre le peuple de Dieu responsable du « développement interne » de la doctrine qui ne doit plus être énoncée au terme de négociations machiavéliques entre le pape et l’empereur comme s’est formé le credo au concile de Nicée que nous fêtons en cette année jubilaire après le premier concile césaro-papiste de l’ère chrétienne. À rien de moins qu’à la formulation de la doctrine dans un savant mélange d’intuitions et de révélation doit aboutir le transfert de l’infaillibilité pontificale à l’infaillibilité supposée in tempore du peuple de Dieu annoncée par le pape François comme l’ambition de son pontificat dans son premier entretien à la Civilita catholica. La doctrine est ce discernement dans l’Esprit, bien plus que les décisions à prendre. Elle est le terme et la fin du langage qui n’est une structure qu’à cette fin. Le langage a faim de la doctrine beaucoup plus que l’ »inconscient [n’]est structuré comme un langage ».  Le langage est « une structure en équilibre » précaire qu’en vue de trouver cette colonne vertébrale que forme une doctrine qui doit être sans cesse consolidée et mise à jour comme elle doit être remise au goût du jour dans les mots du moment.

 

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