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jeudi 8 mai 2025

Les papes et moi

A la mort de Paul VI, j'étais en CP et ne savais même pas ce qu'était un pape. Jean-Paul Ier était élu et je trouvais qu'il mourait un peu trop vite pour qu'il faille à nouveau suspendre le temps dans l'attente d'une autorité nouvelle dont j'ignorais à quel point et dans quelle mesure elle devrait m'inspirer. Car en même temps que mademoiselle Berthe nous expliquait ce qu'était un pape, elle nous apprenait l'existence de l'âme et nous donnait à entendre ce qu'il fallait entendre par là. Puis vint Jean-Paul II, sa voix grave et assurée, sa façon inimitable de dire "l'hôme" en disant que l'homme était la route de l'Eglise, idée que je n'ai comprise que bien plus tard tout en n'étant pas convaincu que l'anthropologie soit le fort de l'Eglise. Jean-Paul II m'a touché les cheveux et a touché le visage de Franck qui restera à jamais mon meilleur ami bien que nous nous soyons perdus de vue. L'empreinte de sa main restera à jamais gravée sur ma tête et sur son visage. Nous étions à Rome en 1988 en étant contents d'être là, mais sans vraiment savoir ce que nous y faisions. Je me souviens d'y avoir entendu le frère François-Xavier, de la Communauté des béatitudes, nous débiter d'après la Bible que "ceux qui rêvent sont des fous", mais surtout d'avoir prié dans la grotte d'Assise avec le P. Jacques Philippe, qui devait écrire quelques années plus tard un livre sur la "Liberté intérieure", elle suintait de sa prière calme et tranquille, tant il en était rempli et animé. Plus tard, Jean-Paul II fit un voyage à Strasbourg et s'arrêta même dans l'école où nous avions été élevés Franck et moi. D'où vient que je boudai ce voyage?

En 1993, nous participions aux Journées mondiales de la jeunesse à Denver Collorado. Pastoralement, l'Eglise de France avait déjà pris le pli de rendre son annonce aux jeunes beaucoup plus détendue, même si Jean-Paul II n'en continuait pas moins de mettre la barre très haut, sans que là encore, je comprisse ce que signifiait son message nous disant que l'homme devait être fiidèle à sa conscience. Je ne me sentais pas l'être et, empétré dans une adolescence dont je ne suis jamais sorti jusqu'à ce jour, n'en voyais pas la nécessité, ce qui fut la plus grande erreur de ma vie, ni qu'hors de la compréhension que c'était là la fine pointe du message de ce grand pape, on passait à côté de tout ce qu'il disait. Il mourut le 2 avril 2005. Le lendemain, Nathalie et moi devions nous rendre à Montligeon pour retrouver le même Franck, que son intérêt pour la vie après la mortavait fait comme enterrer civilement dans ce sanctuaire dédié aux âmes du purgatoire. La mort de Jean-Paul II nous avait dévastés.
Puis vint le conclave devant aboutir à l'élection de benoît XVI. Sous l'influence de Louis Daufresne qui chroniquait lévénement sur "Radio Notre-Dame", je pris la liberté d'être critique à l'égard du prochain pape et je découvrai avec une sorte de stupeur qu'il n'était pas nécessaire d'être stalinien quand on était catholique et de penser que le pape était nécessairement conforme à nos affinités électives. Rétrospectivement, je trouve que mal m'en a pris d'acquérir cette liberté et cette distance critique. J'en vins rapidement à considérer que Benoît XVI avait l'avantage de la douceur catéchétique, mais ne trouverait jamais ses marques par rapport à son prédécesseur. Lorsqu'il fut élu, je revenais de visiter le château de Versailles avec mon filleul Simon. Nathalie nous avait préparé un gratin de pâtes et c'est quelqu'un qui travaillait chez nous, Dieudonné, que par jeu j'appelais "excellence" et qui m'appelait "éminence", qui m'apprit sans surprise sur qui le choix des cardinaux s'était porté.
Benoit XVI renonça et laissa la place à françois. Pour la première fois, je me laissai aller à jouer les book-makers. J'avais repéré le cardinal Sarah que je signalais sur "le forum catholique" et qui n'était pas encore la figure de proue des traditionalistes. Je n'étais pas en très bon état le jour de son élection. Je devais accompagner une conférence de carême de mgr Grallet dansl'église que je continue toujours de desservirpuisqu'elle est à côté de chez moi. Le hasard a voulu que nous avions prévu de chanter "la prière de François" en clôture de cette conférence de carême. C'était la première fois que j'entendais ce chant. François me désharçonna par son horizontalisation de la fonction pontificale comme s'il refusait de l'endosser. Je letrouvais à la fois mondain et plein d'Evangile en me demandant à sa mort s'il n'avait pas tellement affaibli la fonction pontificale que le monde n'aurait plus besoin de pape vu la façon dont il l'avait exercée en la banalisant tout en en conservant les oripeaux autoritaires. François est mort en conversation synodale avec l'Eglise qu'il a voulu rendre plus fraternelle tout en s'amputant du "camp" traditionaliste qui m'intéresse par besoin d'une discipline que je ne saurais pas pratiquer et detrouver où me raccrocher dans ce monde déboussolé.

Je ne me suis d'abord pas senti concerné par ce conclave et me dis à présent qu'il ne va pas s'agir de juger le pape qu'il va élire, mais de le recevoir, quel qu'il soit. Et cela me rassérène. 

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