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lundi 16 décembre 2024

Bossuet, la mort, la morale et l'Image

Une discussion sur Facebook avec Mikaël Juszczyk et Gilles Kalafate autour de Jean-Baptiste comme anti-Lénine m'a donné envie de me plonger pour la première fois dans le "Sermonsur la mort" de Bossuet.

https://fr.wikisource.org/wiki/Sermon_sur_la_mort#cite_note-1

J'en dégage quelques belles formules et questions:

« C’est une étrange faiblesse de l’esprit humain que jamais la mort ne lui soit présente, quoiqu’elle se mette en vue de tous côtés et en mille formes diverses.»
L'homme vit volontiers dans l'oublie de la pensée de l'accident. Mon propre apprendre-à-mourir m’y a fait plonger dès ma prime jeunesse par sens de l'observation, compassion et pour conjurer l'échec. Mais vivre dans la pensée de l’accident entretient la morbidité, car il fait "se complaire dans le malheur d'autrui", selon une expression chère à mon père qui en faisait un trait de personnalité d'une parente très protestante, qui appelait la mort sur elle dès qu'elle fut assez vieille pour estimer avoir passé la mesure de ses jours. Elle voulait mourir vieille et en bonne santé et ne pensait certainement pas ce qu'elle disait. Mais elle était portée à pleurer et à rire dans la même minute et croyait la peine mieuxséante, car la morbidité entraîne et désire l'inaptitude au bonheur.

L'homme entre splendeur et misère: "L’homme n’est pas les délices de la nature, puisqu’elle l’outrage en tant de manières ; l’homme ne peut non plus être son rebut, puisqu’il y a quelque chose en lui qui vaut mieux que la nature elle-même, je parle de la nature sensible.

La science et la techniqu: "La science [nous permet de] pénétrer la nature et la technique l'accommode à notre usage." Grâce à elles, "l'homme a presque changé la face du monde." On l'oublie, car l'heure est à la dépréciation de l'homme au profit de la nature, après une période inverse où l'homme était tout et la nature n'était qu'au service de l'homme. Autrefois, l'homme était le but; aujourd'hui, la peur de la fin de la planète démontre que la planète est devenue la fin de l'homme et prépare la fin de l'homme au sens de Michel Foucault. La peur de l'épuisement des ressources naturelles nous fait oublier de lutter contre la faim dans le monde.

"L'homme a presque changé la face du monde." C'est un aspect de sa grandeur. "Il a su dompter par l’esprit les animaux, qui le surmontaient par la force ; il a su discipliner leur humeur brutale et contraindre leur liberté indocile. Il a même fléchi par adresse les créatures inanimées : la terre n’a-t-elle pas été forcée par son industrie à lui donner des aliments plus convenables, les plantes à corriger en sa faveur leur aigreur sauvage, les venins même à se tourner en remèdes pour l’amour de lui ?"

"Car qu’est-ce autre chose que l’art, sinon l’embellissement de la nature ? [L’homme a] quelque portion de l’esprit ouvrier qui a fait le monde. Notre âme, supérieure au monde et à toutes les vertus qui le composent, n’a rien à craindre que de son auteur."
L'Évangile et à sa suite la théologie médiévale se réjouissaient sans orgueil dédaigneux que les anges nous soient soumiset Bossuet entre dans cette émerveillement que l'âme soit suupérieure au monde, mais plus encore aux vertus qui le composent, vertus qui, si elles témoignaient de la qualité de l'âme et devaient être cultivées comme des qualités en devenir auxquelles l'âme était destinée comme elles étaient destinées à l'âme, procédaient avant tout de la hiérarchie angélique, pour les vertus cardinales et à l'exception des vertus théologales qui procédaient directement de Dieu.

Donc le chrétien ne pouvait mépriser les vertus. Pourtant Bossuet fait une remarque très fine sur la nature de la morale: "Mais continuons, chrétiens, une méditation si utile de l’image de Dieu en nous ; et voyons par quelles maximes l’homme, cette créature chérie, destinée à se servir de toutes les autres, se prescrit à [lui]-même ce qu’[il] doit faire. Dans la corruption où nous sommes, je confesse que c’est ici notre faible ; et toutefois je ne puis considérer sans admiration ces règles immuables des mœurs, que la raison a posées."
"Ce que l'homme se prescrit à lui-même" et "les règles immuables des moeurs que la raison lui a posées" désignent à coup sûr la morale. Or Bossuet nous dit que la morale est le point faible de l'homme qui se croit fort. La morale est son point faible, mais elle fait sa force.

La "[méditation] sur l'Image de Dieu que Bossuet a bien raison de décrire comme notre méditation la plus appropriéel'entraîne à dire ceci: "Dieu se connaît et se contemple ; sa vie, c’est de se connaître : et parce que l’homme est son image, il veut aussi qu’il le connaisse."

Ici, mon esprit moderne s'insurge. Pourquoi Bossuet, qui est un esprit classique, n'a-t-il pas écrit: "Le connaisse et se connaisse"? Pourquoi a-t-il entièrement biffé la première partie de l'oracle de Delphes qui forme un tout: "Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l'univers et les dieux", pour ne retenir que la seconde: il faut méditer sur l'homme, Image de Dieu, uniquement en vue de connaître Dieu dont toute l'activité consiste à Se connaître. L'esprit moderne est un esprit psychologique et biffe la seconde partie de l'oracle. Connaître Dieu ne l'intéresse que dans la mesure où cela lui permet de se connaître. Il faut tenir les deux pour tenir l'équilibre et tirer parti du cadeau que Dieu nous fait de Le connaître en nous reflétant, mais sans nous réfléchir en Lui, nous qui avons été créés dans la limite ou sommes devenus limités par nos transgressions, notre désobéissance, rébellion ou refus de la servilité. Connaître Dieu, c'est connaître un "Être éternel, immense, infini, exempt de toute matière, libre de toutes limites, dégagé de toute imperfection." 

dimanche 15 décembre 2024

Le sous-Rocard et le sous-Giscard

Justice au Singulier: Leur dernière chance...


"Tout ce qu'on est en droit de demander, de la part de ses adversaires comme de ses alliés, est qu'on le traite (François Bayrou)  comme il le mérite : gravement, sérieusement, avec respect. Sans les moindres dérision ni abaissement." (Philippe Bilger)

Je ne suis pas sûr de pouvoir y arriver.

"Il avait un passé à faire valoir pour arracher Matignon à la force de son désir..." (PB)

Il aurait voulu gravir la marche élyséenne, mais il ne doit pas être à la hauteur.

Bayrou est-il la dernière chance de Macron ou Matignon est-il pour Bayrou le moyen de faireune fin? Bayrou dont Chirac disait qu'il finirait pétant de vanité. "Je dirai que c'est bien quand c'est bien et que c'est mauvais quand c'est mauvais", résumait-il son rôle dans le champ politique. Rôle de grand parleur plus que de beau parleur. 

On peut comprendre que Macron ait hésité à nommer Bayrou Premier ministre. Il n'oublie jamais les humiliations. IL pouvait, pour la forme, lui demander conseil, on ne sait pas au nom de quelle expertise; il ne devait pas avoir oublié que le conseilleur en chef l'avait d'abord traité d'hologramme avant de se rallier à son panache blanc.  "Un reniement vaut bien un ministère", avait-il pu espérer, avant d'être rattrapé par la patrouille et la cavalerie en voulant moraliser la vie politique  en y perdant son poste de garde des sceaux.


Ministre de l'Éducation nationale, il voulait refonder l'école sur les savoirs et n'est jamais parvenu à refermer le tournant du pédagogisme. La gifle qu'il a donnée à un enfant du Neudorf lui aurait valu un blâme s'il était resté professeur. Mais "ça se nourrit de tout, la gloire." (Serge Lama) 

Ce grand pourfendeur de la dette française voulait nommer Mario Monti président de la Commission européenne, dont même Ernest-Antoine seillère disait qu'il raisonnait comme un notaire. Mais Bayrou s'est tout à coup montré cigale quand le Covid fut venu et voulut qu'on ouvrît les vannes de la dette. On n'a compté à presque rien ses notes comme commissaire au plan, où il ne s'est montré ni Henri Guaino ni Jean Monnet.

Bayrou a fustigé l'égocratie de Nicolas Sarkozy et accepte d'être le Premier ministre du plus égocrate des présidents, auprès duquel Nicolas Sarkozy fait figure de paltoquet. 

Bayrou avancevolontiers un point comun avec François Hollande: le fait de refuser que le pays se fracture. Hollande a prospéré sur le refus du clivage  que Nicolas Sarkozy aurait provoqué. Je crains que le refus de la fracturation française qu'oppose François Bayrou n'accouche d'une souris   qui nous fera ronger notre frein "du pareil au Modem", comme le titrait plaisamment "Libération". 

L'argument de Marine Le Pen selon lequel on n'avait jamais essayé le Rassemblement national commence à faire pschit. Elle a suggéré  la dissolution au président de la République et censurée sans raison Michel Barnier qui avait une autre stature que Bayrou.

Le Béarnais se donnait pour un rénovateur qui voulait chasser Chirac et Giscard. Il a accepté d'être le ministre du premier et a dilapidé l'héritage du second en volant son parti sans le faire fructifier intellectuellement ni électoralement. En 2007, il s'exclamait: "La politique de la France ne sera plus jamais comme avant" parce qu'il avait enregistré 18% des électeurs et été enfin devenu le troisième homme, là où VGE a été élu président dès sa première candidature et   a fait de ses Républicains indépendants un parti présidentiel qui gouvernait la France au centre ès étiquette et qualité. 

Bayrou est un sous-Giscard. Le sous-Rocard qu'est Macron l'a nommé Premier ministre, car qui se ressemble s'assemble. Macron aura usé les fonds de culotte des culotés de l'ancien monde en n'arrivant pas à accoucher du nouveau monde qu'il promettait. 

Mais Macron a quelque chose pour lui qui l'identifie à la France: il est fantasque. Il parvient envers et contre tout à cohabiter avec lui-même en faisant croire, par exemple, qu'il est le vrai restaurateur en chef de Notre-Dame. "Puisque non pas "Madame Bovary", mais Notre-Dame, c'est moi, vous voyez bien que le pays ne peut pas s'écrouler sous mon autorité." Et Macron continue de cohabiter avec lui-même en nommant avec François Bayrou après Michel Barnier, un autre Européen. Ils agiron "en Européens", comme il dit dans un nouveau tic de langage. Les "frexiteurs cachés" du RN en seront pour leurs frais si Bayrou dure plus que Barnier.  

mercredi 11 décembre 2024

Le peuple sous la pluie comme un déchu de Notre-Dame

Écrit à mon ami Alain Heim:


"J'ai écouté la bénédiction de l'orgue de Notre-Dame (et accessoirement le résumé de sa réouverture mis en ligne par l'Élysée) pour pouvoir répondre à ta demande. Un chroniqueur de "Radio courtoisie", Arthur de Watrigan, l'a trouvé très "criard" et la seule fausse note de la cérémonie... Un autre religieux facebookien relayé par  Charles-Éric Hauguel a trouvé que la cérémonie a davantage été tournée vers les froufrous de Jean-Charles de castelbaja et vers l'orgue que vers Jésus et Marie. L'appréciation me semble un peu dure, surtout que mgr Laurent Ulrich a remisouvertement Jésus,  Marie et les pauvres, qui n'avaient guère droit aux entrées de la cathédrale, au centre de la cérémonie. Je l'ai entendu réactiver à Lourdes, lors du Pèlerinage national auquel j'ai participé avec le colonel il y a deux ans, le concept d'"amitié sociale" et sa prédication a démontré qu'il est resté fidèle à cette belle idée. De même, il a chanté la partie qu'il devait dialoguer avec l'orgue et j'ai aimé le timbre de sa voix. Mais je n'ai pratiquement rien aimé des improvisations des organistes, sans discuter de la réussite de la rénovation de l'orgue, je n'en ai pas la compétence. Sans doute, cette restauration est-elle très réussie, le Cavaillé-coll a été rendu à son degré d'agressivitémaximale, sous la maîtrise d'oeuvre de Christian Lutz que nous avons connu à ste-Marie et qu'un documentaire a montré se comportant en inspecteur des travaux en train de se faire, qui n'avait pas la responsabilité de mettre la main à la pâte. Très bien. Mais faire chanter Dieu le Père en un crescendo qui le montrait d'une toute-puissance tonitruante tel un Jupiter tonnant 

comme on la redoutait au XIXème siècle et comme on l'a trop déconstruite au XXème ne me paraissait pas donner très envie de se tourner vers Lui. Ensuite, chanter Jésus en le rendant nasillard ne me paraissait pas non plus en donner une image très avenante. Je ne parle même pas de la vie dans l'Esprit-Saint dont l'organiste a donné l'idée la plus foudroyante et la moins rassérénante. La prière des chrétiens était incarnée par deux voix là où une seule m'aurait paru plus convenir à son unité et à une communion qui se reconstitue du fait de Jésus Lui-même "quand deux ou trois sont réunis en Son Nom". La sortie de la messe était brillantissime et avait de quoi donner des complexes à des organistes dans mon genre, mais qu'apportait-elle en dehors du sentiment de virtuosité de celui qui la jouait, s'adonnant à l'exercice académique et jubilatoire du lâcher des organistes à l'issue desmesses dominicales pour qu'ils s'éclatent à bride abattue? Je n'ai vraiment aimé que l'hommage rendu à Marie et la très brève pièce jouée à l'issue de la courte homélie qui redonnait le sens de la cérémonie. 


Cérémonie dévoyée parce que, quand on récupère Marie pour la discipliner sous les voûtes d'une cathédrale, on la reconduit au désert au lieu de s'ouvrir au merveilleux dont toute sa vie témoigne, même dans ses apparitions les plus catastrophistes et les plus controversées. J'ai le même sentiment de préfabriqué à Lourdes où la lecture conjointe des livres d'Emile Zola et d'Anne Bernet m'a donné l'impression que, pour bien cloisonner la piété populaire, on avait choisi une apparition où la Vierge en demandait le moins possible et dégageait une source dans ce qui n'était que de la boue sans produire un phénomène exagérément surnaturel, mais auquel les évêques continueraient de se montrer tellement attachés qu'ils ne se verraient pas se réunir dans une autre ville après que l'Eglise a commencé par y organiser le pèlerinage national, pour entre autres y former les beaux mariages de la bourgeoisie catholique et contrebalancer les fraternelles par  la mise en réseaux et en faisceaux du botin mondain caritatif. DostoÏevski a toujours mis en garde contre cette logique réticulaire, quand même elle se serait contentée de réunir la Russie par voie de chemins de fer, et Léon Bloy n'a cessé d'affirmer une préférence qu'il ne savait guère fonder en raison pour la Salette et contre Lourdes. L'Eglise institutionnelle s'est toujours méfiée des révélations privées, mais la Conférence des évêques de France seréunit dans une ville d'apparitions pour ne pas avoir à parler de celles dont ils ne savent ou ne veulent rien dire.


Deux questions très intéressantes ont été posées par une amie de M... La première: "Je croyais que l'Eglise était d'abord destinée au peuple. Alors comment expliquer que le peuple était sous la pluie et les chefs d'Etat dans l'église? Sans compter que je croyais aussi qu'il y avait séparation entre les Eglises et l'Etat." 


Pour notre part, l'idée qui a germé en Clément d'organiser la commémoration de la naissance de Claude Balbastre le 8 décembre 1724 en ce 8 décembre 2024 a été un magnifique clin d'oeil à ce premier compositeur de l'"orgue spectacle", qui n'en a pas moins sauvé sa peau et l'orgue de Notre-Dame  en y jouant la Marseillaise pendant la Révolution.


Ne m'en veux pas si je publie la dernière partie de cette réponse, je me suis senti emporté par ma veine pamphlétaire et comme il fauttoujours que je donne mon avis sur tout...


Amitié,


Julien"


 

Le chant de l'irresponsabilité

Justice au Singulier: Marine Le Pen, les citoyens et les analystes...


    "Un sondage (Fiducial-Sud Radio) fait après la motion de censure, place Marine Le Pen au premier tour de la future élection présidentielle, avec 36 % face à Édouard Philippe qui serait à 25 % ; et à 38 % devant un Gabriel Attal à 20 %." (Philippe Bilger)

Peut-être cet écart entre Édouard Philippe et Gabriel Attal est-il le principal enseignement de ce sondage. Édouard Philippe s'est montré un vrai Premier ministre de proximité après avoir été un élu de terrain, certes un peu propulsé par l'appareil de son parti à la mairie du Havre.  Gabriel Attal a été un homme politique en toc qui a gravi trop vite le cursus honorum selon le bon plaisir du prince qui ne l'a engagé que pour des CDD et en a fait le plus brillant des intérimaires. À force d'être rétrogradé sans plus de raison que celles qui l'avaient fait monter avant qu'il ait fait ses preuves, Gabriel Attal   a développé "un sentiment de frustration" assez légitime, qui l'a fait revenir à son tempérament atrabilaire originel et s'enférer dans de la "politicailleri" en démontrant que l'"histoire" qu'il "[avait] à vivre avec les Français" ne le transcenderait pas plus longtemps que les intrigues et les postures qu'il devrait prendre au lieu du recul nécessaire, pour exister à court terme sans avoir d'autre vocation que celle de monter toujours plus haut et plus vite sans voir plus loin que le bout de son nez et au risque de dégringoler avec le macronisme quand cette parenthèse sera refermée et signera ce qu'elle a toujours été: la dévaluation d'une bourgeoisie décadente jouant les transformistes à force de perdre ses valeurs. 


"Même si [le président] a totalement exclu récemment [de démissionner], cela n'avait pas toujours été sa position." (PB) 

Donc il peut se démettre comme il a dissout l'Assemblée. Il peut tout, car son essence est de se transformer toujours et son intelligence ne va pas jusqu'à résoudre les casse-têtes en dehors du tourbillon de mondanité dont témoigne la composition de ses gouvernements successifs, tourbillon qui s'accélère depuis l'impasse de la dissolution et qui fait d'Emmanuel Macron le plus grand pourvoyeur de ministres et de ministricules que la Vème République ait portés. J'aimerais connaître le nombre de ministres et de sous-ministres à qui il a donné un marocain avant de les faire changer de place ou de les jeter aux oubliettes de la politique, mais qui nous coûtent un "pognon de dingue" pour le restant de leurs jours, car il faut bien les dédommager d'avoir servi la République.


"Ce sondage semble démontrer qu'il faut davantage faire confiance aux personnalités publiques en lice pour demain qu'aux analystes et aux politologues." (PB) Il faudrait surtout en trouver de nouvelles. 


"Il est clair qu'avec son intuition, MLP a mieux perçu les humeurs et les désirs de son électorat que tous ceux qui, en chambre, bâtissaient des théories et concluaient péremptoirement que le vote de la motion de censure par le Rassemblement national allait lui faire perdre sa respectabilité durement conquise et décourager une part de ses militants." (PB)

Un sondage est un instantané.  Certes, la dérive de la démocratie française en pouvoir personnel donne des chances à l'opinion de ne pas se déterminer le jour J avec plus de conséquence qu'elle n'a répondu aux questions de ses sondeurs. On peut néanmoins parier que l'électorat lepéniste, qui avait longtemps nié que Marine Le Pen avait été défaite par ses deux débats un peu moins calamiteux l'un que l'autre avec Emmanuel Macron qui n'avait qu'à ramasser les morceaux de ses brisées, ne saura pas longtemps gré à sa cheffe de file, si le gouvernement des juges ne la cornérise pas, d'avoir censuré l'exécutif en toute irresponsabilité. 

Car Emmanuel Macron a beau jeu de la coiffer au poteau, avec les autres censeurs, sur l'air de "j'assume toutes mes responsabilités" (on se demande comment il concrétise cette nouvelle déclaration d'intention), "mais je refuse d'assumer l'irresponsabilité des autres." Après tout, s'il a dissout, c'est à la demande du rN et si Michel Barnier est tombé sans espoir qu'un Premier ministre à l'ancrage plus solide ne le remplace, ce sera encore parce que le RN jouera l'arbitre des élégances en le soutenant d'abord pour le précipiter ensuite du haut de la roche tarpéienne où il se fracassera le crâne après avoir consacré beaucoup de jus de crâne à contenter l'héritière de Montretout et ses affidés qui, le doigt sur la couture du pantalon, sont suspendus aux humeurs de la duègne comme "l'intuition" de celle-ci devrait la faire gouverner au gré des "humeurs" de son électorat qu'elle a respectées en censurant sans lendemain le gouvernement Barnier, de quoi nous inspirer confiance pour la suite. 

Et l'on aura beau protester que, si Marine Le Pen veut jouer les arbitres des élégances, Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise sont eux toujours inélégants  et ne veulent qu'abroger, empêcher, forcer la main et destituer à grand renfort de hurlements. Jean-Luc Mélenchon a prétendu voler la victoire du "front républicain" qu'il n'a jamais lésiné d'animer quand il s'agissait de faire barrage ou faire tomber des têtes, mais il n'a jamais prodigué un vrai discours de la méthode, contrairement aux autres partis de gauche, qui se sont certes laissés emporter dans son application de "tout le programe du NFP et rien que le programme" et dans son exigence absurde qu'Emmanuel Macron ne nomme un Premier ministre de gauche (à quel titre puisque la gauche est minoritaire), mais ils se sont néanmoins tous mis d'accord pour sortir de cet imbroglio parlementaire en décidant, comme Marine Tondelier ou Lucie Castets l'ont toujours dit,  qu'il fallait gouverner texte par texte, laisser le Parlement avoir le dernier mot et ne jamais s'imposer à coups de 49.3, au risque que la politique dont on accouche soit frappée d'incohérence, la faute à celui qui a fait couler sur son pays les eaux du déluge et qui continue de ne pas trouver où amerrir parce qu'il prétend exclure de son gouvernement des composantes du Parlement qui a de son fait adopté cette forme cahotique, comme si les uns n'avaient qu'à se contenter d'un soutien sans participation en remerciant de leur relégation quand les autres auraient si peu démérité qu'ils seraient de plein droit estampillés partis de gouvernement. 

La République inclusive s'emploie à exclure ceux qui pourraient y prendre des responsabilités sous prétexte qu'ils seraient plus irresponsables que les autres, mais la France insoumise et le Rassemblement national  n'ont pas grand-chose à envier en la matière au président de la République, qui préfère le soutien sans participation de quelques-uns à un gouvernement d'union nationale, la seule issue de ce casse-tête qui ne porte pas tant sur le nom du Premier ministre que sur la manière de faire coexister toutes les forces politiques dans son gouvernement en remettant les compteurs à zéro. 

jeudi 5 décembre 2024

Macron au cerceau

Au lendemain du #Barnierxit, Macron a certes parlé pour ne rien dire, mais surtout pour se soulager (il ne sait pas se retenir, ni garder ses matières comme un polisson*, sinon ses urines se dissoudraient) :

 

« - D’accord, j’aurais pas dû dissoudre, mais c’est vous qui avez voté de la merde. Cacapoum, cacapoum, cacaboomers, cacaboomers !

 

Je vous ai nommé un type oldscool qui n’était pas un cacamou et pouvait cohabiter avec moi, car il portait la cravate pour qu’on ne me taille pas un costar et voulait faire de l’Ancien Monde, « notre Europe », un Nouveau Monde comme un homard à l’armoricaine,  et vous l’avez laissé tomber comme un mauvais négociateur ! Pourtant, c’était pas un cacaboudin comme Élisabeth Borne, la vapoteuse. Je pardonne à Gabriel Attal, car c’est mon petit frère et il a de l’avenir.

 

J’assume toutes mes responsabilités, mais je n’assume pas l’irresponsabilité des autres et je n’ai que des irresponsables autour de moi. »

« En fait, lui glisse son surmoi, quelle est la responsabilité que tu assumes ? D’avoir creusé une dette inédite alors que tu te présentais comme le Mozart de la finance ? D’avoir détruit les institutions ou d’avoir toujours tardé à assurer la continuité de l’État en nommant tes gouvernements le plus tard possible alors que tu es institutionnellement le garant de cette continuté ? D’avoir maté les Gilets jaunes et d’entraîner l’Europe vers la guerre ?»

« Les partis que les Français ont précipités à la tête de la vulgaire Assemblée nationale ont censuré le Premier ministre que j’avais nommé comme garant de la stabilité. Moi, j’ai rebâti Notre-Dame en cinq ans. »

« Tu l’as rebâtie de tes propres mains ? »

« Ne sois pas, tel un oiseau moqueur,  mesquin avec moi, surmoi persifleur. Trump a dit que j’avait réussi l’impossible, je suis le plus franc des maçons et l’architecte de l’univers. Je partage ce succès avec les Français, mes compagnons. Je le partage et je recevrai en leur nom tous les responsables de l’univers, comme au grand jour de « Charlie hebdo » où il y avait Netanyahou que j’aurais bien invité, mais il a un mandat d’arrêt international aux trousses.   Je recevrai les maîtres du monde au nom des Français, mais eux ne seront pas là, moi j’y s’rai, nananère.

 

Et j’ai parlé dans la nef de Notre-Dame qui sera rendue « aux Parisiens, aux Français, aux catholiques du monde entier et au culte » à ma personne. J’ai parlé dans la nef, car je suis le capitaine. J’assume toutes mes responsabilités et je n’ai que des irresponsables autour de moi.»

 

Le surmoi macronien sussurre à Macron qui ne l’entendplus :  »Tu es responsable d’avoir transformé la Vème en IVème République en la livrant à l’arbitrage du Rassemblement national que tu bêtifies en l’excluant de l’arc républicain et de l’arbre décisionnel ? Il n’y a pas de soutien sans participation. »

Pendant ce temps-là, Macron joue au cerceau et à : « Ma grand-mère Manette a dit que dans le gouvernement, tu ne seras pas. »

 

LFI voit rouge de s’être désistée pour les lieutenants du macronisme et de se faire accuser de faire parti du « front anti-républicain » après s’être posée en représentants de Robespierre malgré la corruption de Sophia Chikirou.

 

Les socialistes sont élastiques comme le plastique est fantastique. Ils ont proposé un « pacte de non censure » conforme à la logorrhéemacronienne sur le « gouvrnement d’intérêt général » (on aurait cru Jean-Pierre Raffarin parlant de « gouvernement civique » en 2002 en commentant sa nominationcomme Premier ministre) : « Pourront participer au prochain gouvernement ceux qui s’engageront à ne pas le censurer », dit Macron. Hier soir, Olivier Faure parlait de pacte de non censure, mais ce n’est pas arrivé jusqu’aux oreilles du président de la République. Pourtant le PS est le seul qui fait une proposition tactique : gouverner texte par texte en n’utilisant jamais le 49-3 pour prouver qu’à défaut de pratiquer le respect des personnes, la démocratie peut être consensuelle et ne pas légiférer à gogo sous peine que la classe politique se voie bridée par un gouvernement technique.

 

Mais Macron ne se tournera pas vers le parti socialiste. Il préfère Lecornu ou Bayrou.Bayrou, le roi nu qui a traité son futur cornard d’hologramme avant de se déclarer son plus fidèle soutien. Quant à Lecornichon, il a dîné avec le diable avec une très grande fourchette chez  le Solère questeur Thierry Honnête… Aussi honnête que son colicier qui a prôné une loi sur la moralisation de la vie politique avant de devoir démissionner de son poste d’éphémère garde des sceaux pour une affaire similaire à celle qui menace Marine Le Pen d’inéligibilité pour détournement de fonds publics européens au profit de son parti nationaliste.

 

*L’enfant qui garde ses matières fécales en se retenant au risque de se constiper est un polisson, a dit en substance (sic) Sigmund Freud dans « les Trois essais sur la théorie de la sexualité ». 

samedi 30 novembre 2024

Dialogue avec Lodi

Lodi est un commentateur du blog de Philippe Bilger de tendance plutôt transhumaniste pessimiste. Je reproduis ici cet extrait de notre dialogue qu'on trouvera en totalité sur le blog de notre hôte à cette adresse:



Justice au Singulier: Plutôt les coulisses que la scène...


@Lodi | 30 novembre 2024 à 07:44

"Je ne comprends cependant pas pourquoi vous êtes revenu au christianisme. Avez-vous lu autre chose, senti une communion avec ce qui vous a semblé être Dieu, préféré vous accorder avec votre milieu?", 

Je n'avais rien lu. Mon athéisme partait de moi, j'y étais libre et heureux. J'ai peut-être voulu m'accorder avec mon milieu ou faire la part du conditionnement: mon athéisme perçait le coeur de ma grand-mère et sans doute inconsciemment, voulais-je arrêter de l'en faire souffrir. Mais avant tout, j'ai "senti quelque chose", j'ai vécu un transport, de ceux dont on ne revient pas et qui vous interdisent de vous détacher de Dieu, au-delà du fait que le détachement est un anti-douleur.


"Les dieux ont soif", résumait Anatole France ou pour vous citer, "je soutiens que le crime de masse du Déluge ou que la fin du monde, gigantesque boucherie assortie d'un jugement de l'assassin sur ses victimes" est le pire des châtiments qu'on puisse imaginer, avec l'enfer chrétien, cette éternité de combustion sans consomption, une imagination qui ne serait pas même venue dans la pensée d'Hitler. Oui, mais si la religion n'assouvit pas la soif qu'elle creuse ou met en évidence, le contact qu'elle fait prendre avec dieu ne relève pas des histoires qu'on raconte à son sujet, histoires violentes, vous avez raison, histoires qui parfois comme dans l'islam, mettent des noms de personnages sur le dieu des philosophes avec plus d'efficacité que dans le monde chrétien. Non, le contact que la religion nous fait prendre avec Dieu est d'abord personnel, même si, par la suite, j'ai été heurté qu'on m'oblige à ne pas m'interroger sur l'idée de Dieu, mais sur Sa Personne, moi qui avais noué beaucoup plus une relation avec l'Esprit-Saint qu'avec Jésus-Christ, Fils de Dieu.  Mais oui, la conversion qui fut la mienne fut une rencontre avec l'Esprit-Saint, et peu m'importe encore aujourd'hui de savoir si Jésus a existé historiquement ou si c'est notre soif de Lui et nos attentes à Son égard qui lui confèrent l'existence. Ce que Michel Onfray dit de "Jésus, personnage conceptuel" avec qui vivre une relation allégorique ne me choque pas et je tiens Feuerbach pour le plus grand théologien apophatique, sinon le seul, de l'Occident chrétien. 


"Si puissant que soit un abuseur, il n'est jamais qu'un abuseur."

Quand je vous disais que la rémission des péchés n'est pas très "tendance", dans cette prise de conscience où nous sommes de l'impact des abus sexuels ou de conscience, je pense que cela s'aggrave sous l'effet d'un dogme tel que la rémission des péchés qui revient à suggérer à ceux à qui on ne fait de la vie morale qu'un impératif de second ordre: "Abusons-nous, folle ville, puisque tout sera pardonné."


"Participer au salut du monde?" "Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre", se promettait la petite Thérèse.


"Dieu est trois dans le christianisme, une de ses personnes meurt et ressuscite, tout cela sauvant bien des gens. "

Si le Fils meurt, quelque chose dans le Père meurt aussi. Et cette mort ne peut Le satisfaire, si je prends ce mot dans son sens usuel, qui me fait converger globalement avec votre résumé : "Dieu lui-même s'astreint à une dépersonnalisation quand il agit comme dieu fractionné, un abandon exprimé par le fameux "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?". 




Il y a une dimension orphique de la création divine. Dimension que je qualifie ainsi parce que je "joue avec les mythes". Mais il ne faut pas avoir peur de jouer le jeu de la relation spirituelle.


"Je vais tenter une autre approche. Si Dieu avait créé le monde par trop-plein de créativité, d'amour, l'univers serait une fête, un paradis, une perfection dont le moindre recoin vaudrait la totalité de ce qui existe en vérité."

Je retiens votre hypothèse parce que je l'ai souvent émise par-devers moi sans la formuler aussi bien que vous: Dieu a créé le monde par trop plein de créativité. Sans obligation de résultat du fait de son "sentiment d'incomplétude". Variante: Dieu a mis des millions d'années à éprouver le besoin d'un vis-à-vis dans Sa Création. J'avais énoncé cette idée en rencontrant le Père Martelet qui ne m'a pas envoyé sur les roses en m'opposant la relativité générale qui fait que mille ans sont comme un jour.


"Dieu a créé le monde parce qu'il est tombé."

Je vous reconnais bien là. La gnose n'est jamais loin de vos investigations métaphysiques.  

"Pas le diable, un sous-fifre, lui..."

Le diable n'est qu'un manque-à-être.

"[Dieu] est tombé dans le sentiment d'incomplétude, un mécontentement de ne pouvoir se satisfaire de soi, et il s'en est voulu comme il en a voulu au monde, et nous en payons les conséquences."

Cela pourrait être, ou bien c'est une histoire que vous faites dériver  de ce qui se veut être la Révélation chrétienne. Histoire à laquelle je serais sans souscrire? 

Mon analyste, athée, mais atomiste, me dit un jour: "Vous (sous-entendu vous au moins) avez conscience, en étant croyant de participer à la paranoïa collective."  Et quand bien même? Il n'y a pas d'homme sans histoire, sans édification, sans monument. Si "le Fils de l'homme n'a pas une pierre où reposer sa tête", l'Église catholique lui offre une triple pyramide:


-Elle lui raconte l'histoire depuis la Création du monde jusqu'à la dévastatrice Apocalypse;


-elle le situe à la base d'une hiérarchie qui va du simple fidèle jusqu'au pape;


-hiérarchie qui elle-même est le miroir et met l'homme en communion avec tous les vivants et les morts. C'est déjà pas mal et peut-on lui en demander davantage?


"Le salut, plutôt brutal, que nous offre Dieu, est l'ombre du salut qu'il se fait à lui-même, bon sang, j'écrirais peut-être une fiction sur ça, ou du moins en partie me dis-je avec enthousiasme."

Neal-Donald Walsh écrit que "Dieu crée pour faire l'expérience de Lui-même." 


"Dans ce cas" (si vous écriviez une fiction là-dessus), vous m'auriez inspiré, merci, grand merci, vraiment !"

J'en serais honoré."Dans ma version des mythes de salut, en nous sauvant, Dieu se sauve, en participant à son salut, l'homme participe au salut de Dieu."

Variante personnelle: le récit de la ligature d'Isaac se termine heureusement par le fait que Dieuintime à Abraham d'abaisser le couteau qu'il allait lever sur son fils comme une preuve ultime de son amour incommensurable d'un Dieu, lui aurait-Il été infidèle et pris le fils de sa promesse. Je me dis que, jusqu'au dernier moment, non pas Jésus qui accepta de boire le calice jusqu'à la lie, mais Dieu le Père a cherché un homme qui L'aurait supplié de ne pas laisser se lever le bras séculier de l'autorité civile satisfaisant la foule versatile et irritée sur Son Fils  en rémission des péchés du monde. Mais Dieu n'a pas trouvé ce suppliant, qui vient à contre-temps dans l'islam estimer que Dieu n'avait pu laisser Jésus au pouvoir de la mort pour vaincre la mort. 


Moi aussi, je voussouhaite le meilleur et ce n'est pas la première fois que nous nous le souhaitons dans ces colonnes à nous ouvertes par notre hôte et sa tendre moitié.

mardi 12 novembre 2024

La victoire de trump analysée par deux journalistes démocrates

Le lien ci-dessous

https://www.google.fr/search?q=Claire+Meynial&sca_esv=2082a285961d999d&source=hp&ei=jCgzZ6uFKriKkdUPkYi8oQY&iflsig=AL9hbdgAAAAAZzM2nLapLW3uMKbyWWFXZKDBLn7uD1fq&ved=0ahUKEwir-_LrxdaJAxU4RaQEHREEL2QQ4dUDCBw&oq=Claire+Meynial&gs_lp=Egdnd3Mtd2l6Ig5DbGFpcmUgTWV5bmlhbDIIEC4YgAQYsQMyBRAAGIAEMgUQABiABDIFEC4YgAQyCBAAGIAEGKIEMggQABiABBiiBDIIEAAYgAQYogQyCBAAGIAEGKIESLg5UABY3hBwAHgAkAEBmAGzBaAB4CaqAQkyLTIuMi4zLjS4AQzIAQD4AQGYAgqgAvoiwgIREC4YgAQYsQMY0QMYgwEYxwHCAhAQABiABBixAxiDARiKBRgKwgIREC4YgAQYsQMYgwEY1AIYigXCAgsQABiABBixAxiDAcICCBAAGIAEGLEDwgIOEC4YgAQYsQMYgwEYigXCAgsQLhiABBixAxiDAcICCxAuGIAEGMcBGK8BwgIREC4YgAQYsQMY0QMYxwEYigXCAg4QABiABBixAxiDARiKBcICBBAAGAPCAhEQLhiABBixAxiDARjHARivAcICBhAAGBYYHpgDAJIHCTItMi4xLjUuMqAHjZEB&sclient=gws-wiz

analyse la victoire de Trump vue par une journaliste française, #ClaireMeynial, plus près du parti démocrate que du parti républicain bien qu'elle travaille pour "le Point" si je puis dire, encore qu'il n'existe pas à proprement parler de journalistes de sensibilité républicaine à l'américaine dans la grande presse française. Claire Meynial est interviewée par #WilliamReymond qui, après s'être intéressé à pas mal de sujets sulfureux liés aux Etats-Unis, comme l'assassinat de John Kennedy, y a fait souche, y vit à Las Vegas, doit y jouer un peu au poker tout en restant un "junky de la politique" dévasté par la victoire de Trump qu'il n'avait pas vu venir, n'ayant pas eu, me semble-t-il, assez de distance avec "la campagne de Kamala Harris", contrairement à sa collègue, que ses affinités n'ont jamais empêché d'être objective. Leur conversation est très riche d'enseignements.

D'abord sur l'apparente inconstance des électeurs: tel électeur démocrate vote pour Kamala Harris tout en approuvant que son État expulse manu militari des immigrants clandestins. Telle autre estime que "l'avortement fait partie de ses valeurs", mais vote quand même pour Trump à cause de l'économie. Si l'on devait comparer cette inconséquence des électeurs américains à celle des électeurs français, on pourrait se demander comment des marcheurs de "la Manif pour tous" ont pu constituer la base électorale la plus solide d'Emmanuel Macron plébiscité par la bourgeoisie catholique bien qu'il inverse toutes leurs valeurs. Ou encore on peut se demander comment des électeurs de l'ancien Front national pouvaient à ce point se dire nostalgériques et cultiver la nostalgie de l'Algérie qu'ils n'auraient jamais dû quitter tout en professant le plus grand mépris pour les immigrés qui en provenaient, eux-mêmes faisant bien peu de cas de l'indépendance qu'ils avaient chèrement payée.

L'avortement peut-il être considéré comme une valeur? Claire Meynial avoue que c'était le thème dominant et quasiment unique de la campagne de Kamala Harris. Elle a donc élaboré un programme au moins offrant, car à supposer que l'avortement soit une valeur, idée qui me choque, c'est a minima une valeur par défaut. Kamala Harris ajoutait bien qu'elle voulait être la candidate des classes moyennes, mais en cela elle faisait du Joe Biden en 2020, c'est-à-dire qu'elle collait au train de Trump qui les avait comprises et ses chalengers ne pouvaient que l'imiter dans leur empathie affichée, qui se heurtait à l'incapacité de Kamala Harris de détailler précisément les plans qu'elle assurait avoir pour redresser l'économie américaine, excipant des "bidenomics" qui étaient censés avoir limité l'impact de l'inflation sur les Américains, ce que contredisaient les électeurs que Claire Meynial interrogeait, un peu comme on a vu, à l'arrivée de l'euro, qu'on nous affichait une inflation à 2 ou 3 %, quand l'"inflation ressentie" pour employer une métaphore appartenant à la température et au climat, était d'au moins 20 %. Ce qui était sûr était que les salaires n'avaient pas augmenté au niveau de l'inflation. Un peu comme ici, où le refus d'encadrer les loyers a fait que le logement est le premier poste budgétaire des ménages, largement au-dessus des 35 % qui doivent lui être consacrés pour qu'une banque accorde un crédit dans le cadre de l'accession à la propriété, et où les tarifs de l'énergie ont augmenté depuis que les USA ont fait un Pealharbour sur Nordstreame et ont obligé les Européens à acheter du gaz américain en se privant du gaz russe, tout en ne renouvelant pas leur parc nucléaire.

Le pouvoir personel est par essence charismatique. Si l'homme ou la femme de pouvoir ajoute la compétence à son charisme, c'est très bien. Sinon, c'est dangereux, mais c'est la loi du pouvoir personnel appliqué à la démocratie. Sous ce rapport, Kamala Harris n'a jamais "imprimé", car elle n'arrivait pas à sortir de son speech, y compris sur CNN face aux électeurs, accuse Claire Meynial, au contraire de Donald Trump, dont ses électeurs se moquent bien des détails de ses prises de parole, car ils viennent l'écouter et le voir comme les fans desRooling Stones allaient voir et écouter Mick Jagger. La comparaison est d'autant plus appropriée que, dans ses discours, Trump parle "un peu de tout et de rien", au gré de ce qui lui passe par la tête.

On a accusé les électeurs de Trump de quitter ses rallyesune heure avant la fin, dénonce encore la journaliste qui s'est immergée au coeur du Trumpland. Mais ils attendaient quinze ou seize heures avant le début du meeting et dès qu'ils avaient vu leur idole aparaître, ils avaient leur compte et étaient murs pour refaire la queue encore deux heures sur le parking.

William Reymond note que l'Altright a su s'emparer comme chez nous les acteurs de la "réinfosphère" des médias alternatifs, souvent au long de longs formats vidéos, des médias alternatifs qui font vraiment de la télé "l'ancêtre d'Internet", comme auraient dit les Guignoles. La complicité qu'ils instalent avec leuraudience ou leur public se fonde sur une communauté de valeurs. Et Reymond de noter que Trump ne s'est jamais posé en adversaire acharné de la communauté LGBTQ+, mais s'est mis à dire en fin de campagne, non plus que les immigrants mangeaient des chiens et des chats, mais que des parents confiaient à l'école un petit garçon qui s'appelait Jimmy le matin et quileur revenait le soir en s'appelant Janny, non pas qu'il ait subi une transition de genre en une journée, précise Claire Meynial, mais il est vrai que des professeurs peuvent leur avoir mis dans le crâne qu'"ils sont nés dans le mauvais corps, surtout aux petites filles. J'ai 48 ans, ajoute-t-elle. À mon époque, presque toutes les jeunes filles étaient anorexiques. Aujourd'hui, la plupart des jeunes filles voudraient devenir des jeunes hommes" et intériorisent le "défaut de pennis" par lequel se définitla femme selon Freud, "la femme qui n'existe pas" selon Lacan..."Qu'il y ait eu de tout temps un certain pourcentage de gens qui ne se sentent pas bien dans leur identité biologique et doivent en changer est un invariant anthropologique, mais pas à cette échel, alertent les médecins dans des études alarmées", ajout-t-elle. "Et rien ne dit que la transition de genre faite sans enquête ni thérapie préalable apporte du mieux-être au trop grand nombre d'adolescents qui la demandent, c'est plutôt le contraire qui paraît être vrai".

En un mot, ces démocrates de bonne foi ne donnent pas raison sur tout aux analyses de Trump et encore moins à soncomportement transgressif, mais malgré eux, ils en viennent à déplorer que le bon sens non dégénératif ait manqué aux démocrates pour emporter cette élection, de l'inflation à la théorie du genre qui était censée ne pas exister, nous assurait-on en France en 2013. La politique du moment semble vouloir mettre nos perceptions à l'envers et le faire à tout bersingue, et non avec la lenteur des "habitus" que l'on change avec parcimonie, expliquait en son temps Pierre Bourdieu, à supposer qu'il n'existe pas de nature humaine. 

Le "fight" de Trump

Le "Fight" de Trump m'a beaucoup fait réfléchir. 

Lorsque le pape Jean-Paul II a été victime d'un attentat, luiou son staff se sont ingéniés à écrire que la Providence avait détourné la balle  pour réaliser le troisième secret de Fatima. Cette lecture un peu convenue ne convaincra que les providentialistes les plus défraîchis. 

Jean-Paul II s'est ligué avec Ronald Reagan pour désarmer la Russie soviétique. Son successeur préfère les ponts qu'empruntent les passeurs pour se livrer au trafics humain aux murs trumpiens. Moi qui ai applaudi à la chute du mur de Berlin (je m'en souvenais encore ce matin avec un ami organiste), je ne juge pas, j'expose, et je constate que le Vatican de François ne s'alliera jamais aux États-Unis de Trump. 

Dont l'angoisse identitaire lui paraît méprisable, comme est anti-évangélique la réaction instinctive -et tellement plus vraie qu'une promesse électorale- par laquelle Trump accueillait sa mortqui pouvait le faucher d'une seconde à l'autre en ne disant pas tant aux autres: "Vengez-moi" que "luttez pour qu'il ne vous en arrive pas autant". Rien de plus contraire au "tendez l'autre joue" qui devrait être la boussole des électeurs évangéliques de Trump. Y aurait-il une dissonance cognitive entre l'Évangile et les évangéliques? Ce ne serait pas la première fois que des chrétiens seraient pris en flagrant délit de ne pas pratiquer l'Évangile. 

Nulle référence évangélique dans ce sursaut dont Raphaël Glucksmann concédait que Trump opposait à la résignation générale une "incroyable puissance de vie" qui avait convaincu ses électeurs. Ce sursaut n'a pas davantage le providentialisme rétrospectif d'un Jean-Paul II se félicitant d'avoir pu régner quelques vingt-cinq ans de plus. Mais il fait écho àla manière dont le P. Jacques Hamel avoulu résister à son agresseur: "Retire-toi, Satan", cri dans lequel (les ecclésiastiques ne l'ont jamais relevé) un terroriste devenait le diable en personne. 

lundi 11 novembre 2024

Il était une fois l'Europe

Il était une fois l'Europe. Une Europe qui, avec Maastricht, rêva d'êtr une puissance autonome, indépendante de l'axe transatlantique, à l'autre pôle de l'Occident; dont la Russie rêva si fort qu'elle demanda à la rejoindre et François Mitterrand ne fut pas insensible à son appel; puis qui fut rattrapée par la réalité, parce que l'économie dominante du pays dominant de la confédération européenne, l'Allemagne pour laquelle canaliser il fallait confédérer l'Europe, dixit  Robert Schumann dans le chapitre central de son "Pour l'Europe", voulait appuyer son hégémonie sur le pays dont la monnaie dominait le monde en croyant réparer, par son alliance avec un autre pays protestant, millénariste et messianique, les abominations du régime nazi qui lui avait fait perdre le droit moral à  son influence philosophique et spirituelle idéaliste. 
Il était une fois une Europe surprise par la première élection de Donald Trump au point que le pays sus-cité avoua son écoeurement par la bouche d'Angela Merkel; qui se refit la cerise quand Joe Biden l'emporta sur Trump et réintégra la communauté climatique des Accords de Paris en poussant l'Ukraine dans une riposte ingagnablecontre son envahisseur, une Ukraine où le fils du président américain qui semblait un peu dépassé pour faire de l'escalade avait nourri de juteux et douteux conflits d'intérêt; une Europe qui s'était fondée sur l'idée d'une "paix perpétuelle" à la Kant et qui croyait se refaire sur la guerre parce qu'un pays de l'ère russe venait de se faire envahir pour avoir voulu devenir occidental contre sa destinée manifeste; et pour finir une Europe qui se retrouve toute seule et se voit dans l'obligation de devenir une puissance ou de se dissoudre et d'abdiquer son rêve confédéral sous la pression conjuguée d'une Amérique qui ne veut plus faire alliance avec elle et d'une Russie qui veut faire alliance avec la nouvelle Amérique.

vendredi 8 novembre 2024

Emmanuel Todd et le cléricalisme

S'il est un débat qui agite l'Église de François Gambetta, oh pardon, je voulais dire du pape François (j'ai commis cet impair parce que Gambetta fut le premier à s'écrier: "Le cléricalisme, voilà l'ennemi"), c'est celui qui fustige à contre-temps, me semble-t-il, la relation de sujétion qui jetterait les clercs sous le joug des laïcs alors que ceux-ci ont depuis longtemps cessé d'être des notables, ne sont pas respectés au-dessus de la moyenne, administrent leurs paroisses avec leurs conseils pastoraux, au moins dans une Europe où les laïcs veulent s'émanciper (en Afrique il n'y a pas ou peu de diacres), le désir de reconnaissance n'ayant pas été traité par le Christ, pourtant réputé Maître du désir, quand Il a parlé du "serviteur inutile qui n'a fait que son devoir", ce désir non traité retombant sur l'Eglise qui "précède le Christ" au plan anthropologique, car la nature humaine a besoin de faire corps.

Le cléricalisme, débat anachronique, me disais-je, d'autant que le christianisme sociologique a à peu près disparu, ce que je ne croyais pas voir de mon vivant, et que les communautés chrétiennes sont plutôt devenues de belles réalités humaines.

Mais ce matin, je tombe sur ce passage du livre d'Emmanuel Todd, "la Défaite de l'Occident" (Emmanuel Todd, dans son anti-charlisme que pourtant je partageais, avait en son temps traité les catholiques de zombies), qui à la fois me conforte et me désharçonne dans ma conviction que le cléricalisme est un débat anachronique:

« Si je vois dans la capacité de lire et d’écrire le fondement de la démocratie, ce n’est pas seulement parce que l’alphabétisation permet de déchiffrer les journaux et de choisir son bulletin de vote, mais parce qu’elle nourrit un sentiment d’égalité, pour ainsi dire métaphysique, entre tous les citoyens. Lire et écrire, ce qui était l’exclusivité du prêtre, estdésormais le propre de tous les hommes.
Or, ce sentiment d’une égalité démocratique de base semble, en ce début du troisième millénaire, tarie.
L’élitisme et le populisme [se font face]. Les élites dénoncent une dérive des peuples vers la droite xénophobe et les peuples soupçonnent les élites de sombrer dans un globalisme délirant. Si le peuple et l’élite ne sont plus d’accord pour fonctionner ensemble, la notion de démocratie représentative n’a plus de sens. On aboutit à une élite qui ne veut plus représenter le peuple et à un peuple qui n’est plus représenté."

Ce débat interne à la société démocratique où l'alphabétisation fait que le cléricalisme est dépassé est-il transposable à l'Église? Je dirais qu'il se pose en d'autres termes.

-A priori, le pape est populiste. Le pape veut transférer son infaillibilité au "peuple de Dieu", expression conciliaire inconcevablement présomptueuse et dont je ne comprends pas qu'elle continue de faire florès. Il est populiste au point que c'est du sommet de la pyramide que s'élève (ou que s'abaisse) la dénonciation du cléricalisme. Le sommet de la pyramide cléricale est anticlérical.

-Et c'est également aussi l'élite des clercs et des laïcs qui converge dans cet anticléricalisme synodalisant. La moyenne des fidèles et du clergé s'en fiche. Il n'a pas besoin devoir désigner par la réalité synodale une vie paroissiale qu'il vit déjà. Il n'a pas besoin de réfléchir sur ses structures, mais à sa vie spirituelle. Il n'a pas besoin d'autoréférentialité, mais de décentrement transcendental.

-Tout se passe comme si on assistait dans l'Église à une inversion du sentiment de déshérence démocratique qui a lieu dans la société. Ce sont les élites qui sont anticléricales et populistes et le peuple fidèle qui est clérical et attaché à ses institutions. Est-ce à dire qu'il a besoin de l'aiguilon d'un enfer xénophobe si le propre de l'institution est de produire du sacré, que le peuple a besoin de sacré et le sacré sépare? La démocratie représentative qui met tout le monde à l'unisson repose sur l'illusion d'une égalité des conditions, mais se révèle plus séparatiste en bout de course démocratique, quand les inégalités se creusent au point de ne plus faire tendre l'un vers l'autre le prolétariat et la bourgeoisie, mais de creuser les écarts entre des gens très éduqués et d'autres qui en sont encore à décliner "les besoins fondamentaux de la nature humaine" tels que nomenclautrés par Simone Weil dans "l'Enracinement".

L'art de la conversation est devenu très difficile en démocratie où pour peu qu'on soit non seulement raciste et négationniste comme c'était le cas hier, mais désormais climatosceptique, covidosceptique et moyennement favorable à la neutralisation des genres, les opinions sont criminalisées et on est exfiltré du monde commun, au milieu du déboulonnage talibanesque des statues de feu nos commandeurs qu'on croyait pouvoir déclarer "santo subito".

Et c'est à ce contre-momentum d'incompréhension paroxystique que l'Église voudrait engager une "conversation synodale" tout en restant sur un trépied où il y aurait d'une part les clercs, d'autre part les laïcs et d'un troisième côté le pouvoir qu'ils voudraient bien se partager, dans une Trinité bizarre où il ne resterait plus que du pouvoir à partager parce que, dans cette société humano-divine, le désir de reconnaissance n'a jamais été pris en compte par son divin Maître qui l'a magistralement ignoré. L'Esprit est aussi le membre entièrement relationnel de la Trinité divine, tout comme dans le mariage, il est censé y avoir l'homme, la femme et l'amour. Mais dans le trépied créé par le non aboutissement du synodeà une fusion totale du sacerdoce ordonné dans le sacerdoce commun des baptisés, le sommet de la pyramide répugnant à faire le saut qualitatif par peur des schismes et de crainte que "le peuple de Dieu ne soit pas prêt" (il ne sera jamais prêt), dans ce trépied le pouvoir a pris la place de l'amour et en cela consiste à mes yeux l'erreur de perspective de parler de cléricalisme, concept flou qui semble faire ressurgir des querelles médiévales. 

jeudi 7 novembre 2024

Le monde a-t-il quelque chose à gagner à la victoire de Trump?

Quel avenir présage la victoire de Trump? Cette question me paraît plus intéressante que celle de savoir de quoi Trump est-il le nom en Amérique ou de quoi la victoire de Trump est-elle le nom au plan mondial et américain (pardon, en posant ces questions, d'inverser le sujet dans des propositions interrogatives indirectes). Il ne faut cependant pas éluder ces questions premières. Aux États-Unis, Donald Trump est le nom dun milliardaire qui ne s'est pas fait tout seul et qui a envoyé au peuple américain deux messages contradictoires: celui du producteur de téléréalité qui disait "vous êtes virés" aux gens des classes moyennes et celui qui, sans avoir réalisé le rêve américain ni être monté par son ascenseur méritocratique, finit par l'incarner aux yeux de certaines gens d'en bas; autrement dit celui de l'escroc un peu failli qui refuse l'échec et renaît de ses cendres selon une conception très américaine de la résurrection de la chair;ou encore celui de l'homme d'affaires qui se prend à son propre jeu et épouse l'intérêt des classes moyennes ignorées et en perdition qu'il avait méprisées par tempérament, mais auxquelles il avait donné un spectacle qui a fini par le griser lui-même. Donald Trump est le nom d'un jetseteur et d'un nigt-clubeur évangélique.

Comme le disait Didier de Plaige, le fondateur de "Radio ici et maintenant", au lendemain du 21 avril 2002 (je n'ai jamais oublié cette réaction qui m'a immédiatement paru beaucoup plus salubre que toutes les élucubrations que j'émettais alors dans un journal politique que je n'ai jamais publié jusqu'à ce jour), la victoire de Trump est le nom d'un corps social qui est tellement malade qu'il n'a plus d'autre ressource que de s'en remettre à un homme pénalement condamné, accusé de viol, misogyne, insultant, instable, mais à qui il fait crédit de restaurer la paix mondiale. Réaction insalubre, car c'est s'abandonner aux méandres d'un homme imprévisible plutôt qu'aux courbes apparemment sécurisées d'une histoire par essence sinueuse et inconnue. C'est, comme pour les Russes avec Poutine, s'abandonnerà un destin pour ne pas perdre sa destinée ou à défaut l'espoir de conserver une destinée. En ce sens, la réaction est salubre, qui se confie à n'importe qui plutôt que de s'en remettre à des forces qui ont maintes fois prouvé qu'elles se retournaient contre les buts qu'elles affichaient.

Mais pour répondre à la question initiale de ce petit billet, la victoire de Trump est le nom d'un espoir de paix mondiale et de guerre économique contre un fait accompli de guerre mondiale en devenir et de paix économique relative où la loi de la jungle était tempérée par ce qui restait de l'OMC. Cet espoir peut se réaliser si Donald Trump, non pas règle le conflit en Ukraine en vingt-quatre heures après s'être vu rouvertes les portes de la Maison blanche, mais s'il préside à la désescalade et à la négociation entre Russes et Ukrainiens. Mais il y a un caillou dans la chaussure de cet espoir de paix paradoxale: jusqu'où ira le soutien de Trump à Israël? Car deux guerres d'une même barbarie secouent l'Eurasie:l'agression de l'Ukraine par un Vladimir Poutine ivre de sa sécurité et l'invasion multifrontale d'Israël à tous les pays environnants ou qui soutiennent les milices qui la menacent ou qui l'agressent. Si Donald Trump prend unilatéralement le parti de Netanyahou comme celui de Poutine, le monde n'aura rien à gagner à la victoire de Trump. Heureusement, sa dernière fille a épousé un Libanais et lenépotisme trumpien prend souvent le parti de ses gendres, ce qui a fait récemment dire à Donald Trump qu'il voulait mettre fin aux souffrances au Liban comme il a fait signer ce pis aller qu'étaient les accords d'Abraham sous l'influence de Jared Kuschner, mari d'Ivanka. 

vendredi 1 novembre 2024

Haro sur Gérard Haraud ou réflexion sur le travail et la patrie?

En écoutant #GérardHaraud sur #FranceCulture qui lui consacre une série en cinq entretiens de son émission "À voix nue",
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/a-voix-nue
il me revient que je fus longtemps à ne pas m'intéresser à ce que disait ce diplomate dont les positions me paraissaient frappées au coin du "politiquement correct" jusqu'au jour où, par hasard, je tombe sur une de ses analyses dans "le Point" où il fait dans la nuance et expose un point de vue que je trouve multipolaire ou multilatéral, le seul qui m'intéresse en matière de géopolitique. En ayant réécouté toute la série, je reviens à mon point de vue initial, #CarolineBrouet qui pourtant n'est pas un monstre de malveillance ayant pris soin de garder pour la fin qu'à sa retraite, l'anti-trumpiste pédagogue de Trump, celui qui se définit avan tout comme un diplomate français soucieux des intérêts de la France et comme objectif sur le Moyen-Orient bien qu'accusé d'avoir négocié un rapprochement avec l'Israël d'Ariel Sharon à la demande de Dominique de Villepin, se défaussse-t-il au regard des positions actuelles de ce diplomate lyrique, équilibré, mais qatarisé, s'avère, paniqué par la retraite, s'excuse-t-il auprès de son intervieweuse qui dénombre ses conflits d'intérêt, accepter de travailler pour #RichardAttia, le grand ordonnateur des conférences de Davos et autres événements internationaux qu'épousa en troisième noce #CéciliaSarkozy, ou de manière plus contestée encore conseiller de l'entreprise israélienne qui avait fourni au Maroc le logiciel d'espionnage #Pegasus, ce qui avait valu à ce pays que vient de visiter Emmanuel Macron avec les succès, mais dans les conditions que l'on sait, d'être accusé d'une grande entreprise de déstabilisation mondiale alors qu'elle n'était rien auprès des menées du Mossad, du réseau Échelon ou de manière plus scandaleuse et plus récente, du pilonage, du bornage et des écoutes de tous leurs gouvernants alliés par les services américains, espionnage diplomatique auprès duquel la sous-traitance de Pegasus parait un enfantillage et qu'on s'étonne d'avoir entendu si rarement dénoncer.

Le cinquième épisode de l'émission s'intitule "Pour réduire le désordre du monde" et me rappelle étrangement la citation de Camus qu'on ressort à tout bout de champ: "Chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse." On présente cette citation comme un grand exemple de sagesse politique, soeur du constat réaliste de Raymond Aarond que "l'histoire est tragique" et qu'on n'en ressort pas indemne quand on croit en sortir comme l'a fait Francis Fukuiama qui croyait le monde arrivé à "la fin de l'histoire" à la chute du mur de Berlin alors qu'un quart de l'humanité subissait encore le joug du communisme chinois et que, deux ans plus tard, s'engageait à travers la premièreGuerre du golfe la lutte entre l'islam et l'Occident que le premier qualifie de néo-croisérisme, d'autant plus sans merci qu'il est purement économique et dépourvu, du côté de l'Occident, de toute espèce de substrat religieux ou civilisationnel, gangréné comme il est par un matérialisme qui n'a rien d'historique.

C'est peut-être parce que je suis fâché avec les limites en général et avec mes propres limites en particulier que le conseil camusien de sagesse présumée m'a toujours paru le paravent d'un manque absolu de vision qui tire du déni de l'utopie un prétexte à laisser persister le monde comme il perdure, sous prétexte que "le rôle du diplomate est d'indiquer le champ des possibles et celui du politique de désigner le champ du souhaitable". À force de éclarer par principe que le souhaitable est impossible, on se condamne à ne rien faire et Gérard Haraud a beau jeu de dresser un bilan complaisant sur son action, où il se reconnaît comme seul caillou dans la chaussure de n'avoir pas fait le maximum pour éviter le génocide rwandais, mais ne regrette globalement ni l'action de la France otanisée en ex-Yougoslavie, ni d'avoir joué les va-t-en-guerre en Syrie, ou sa consoeur américaine l'a recadré en lui disant que "les USA ne voulaient pas s'engager dans cette guerre de merde", ni, pour ne pas voir mettre fin à sa carrière diplomatique et être débarqué de son poste à l'ONU, d'avoir suivi l'aventurisme bernard-henr-lévyste qui a détruit la djmaria du colonel Kadhafi, qui tentait de rendre cohérente et tribale, sans doute sous l'égide d'un esprit dérangé, mais pétri des Lumières françaises qu'il avait lues et digérées à sa manière, une société morcelée et tribale. Aujourd'hui le pays est bousillé et est la plaque tournante des trafics humains organisés par les passeurs et du désordre migratoire qui ensable l'Occident sous des flux tendus inaccueillables autrement que sous le régime de l'anarchie, du système D, de l'économie informelle et du "va comme je te pousse".

Entre autres corps dont il s'est fait l'agent de déréglementation, Emmanuel Macron a démantelé le corps diplomatique. Un "diplomate de carrière" épousait la vision géopolitique de sa patrie. Gérard Haraud s'assure que c'est ce qu'il a fait. Si j'analyse mes tréfonds, je me suis toujours demandé pourquoi il fallait être patriote et préférer l'assignation à une seule patrie pour laquelle il faudrait de surcroît donner sa vie plutôt que l'universalisme de l'oumma catholique à laquelle je continue de donner ma première allégeance. J'ai depuis mieux compris l'intérêt qu'il y avait à tout ce qui nous lie et dans la mesure où la langue, donc le langage et la parole, dans cet ordre, nous relie à tous nos compatriotes et à tous nos concitoyens, là aussi dans cet ordre, je suis devenu, au choix, plutôt patriote ou nationaliste, terme que je préfère, mais dans une acception pacifique, ne voyant aucun fondement logique à affirmer que le patriote aime sa patrie et que le nationaliste déteste celle des autres et veut lui faire une guerre tous azimuts. L'homme a besoin d'appartenir à un corps, ce qui a fait récemment dire à guillaume de Tanouarn que l'Église précède le Christ, non que l'Unique Engendré ne l'ait été avant la Création du monde et querien n'a été fait que par Lui, mais qu'à parler humainement, il fallait que la religion serve d'asile à la foi, et les évangéliques ont grand tort de mépriser l'esprit de religion. Derrière l'affirmation que l'homme est un animal social, il y a que l'homme veut faire corps. Donc je comprends qu'un diplomate épouse les intérêts de son pays et en défende la vision du monde.

Mais même s'il ne s'agit pas de juger les gens, comment le diplomate qu'est Gérard Haraud peut-il se rabattre de cette noble tâche qui lui donne toute légitimité pour expliquer le monde à ses concitoyens, comme un général d'état-major féru de géopolitique, à se faire le consultant de tel fonds de pension ou de telle entreprise, dérive qui semble être promise à tous les dirigeants qui, après avoir gouverné leur pays, s'assurent un complément de rémunération en promenant leur bilan magnifique dans des conférences majestueuses à travers le monde, mais surtout émargent au conseil de surveillance, quand ils ne se font pas les communicants, de fleurons économiques de leurs pays.

Ce qui m'amène, paradoxalement, à l'objet principal de ce post et qui, au-delà du haro sur le Haraud, me donne une occasion assez inattendue de partager une réflexion sur le travail que je me fais depuis quelques temps.

Il y a bien des anomalies dans le monde du travail qu'on nous présente à tort comme le facteur d'émancipation ultime de salariés qui n'y trouvent pas toujours des conditions très dignes, fussent-elles de subsistance. La tertiarisation du travail dans les pays développés s'explique en grande partie par le besoin de rendre le travail intéressant. J'ai une faible expérience du travail salarié, mais chaque fois qu'il m'a été donné de l'approcher, je me suis dit que ce qui lui manquait était la personnalisation qui concilie les valeurs du travailleur avec le métier qu'il exerce, personnalisation tellement dévalorisée que, sans parler du travail comme d'un esclavage moderne, on ne parle plus de métier, mais d'emploi, et l'impératif occupationnel est tel que l'injonction faite par Emmanuel Macron à son horticulteur de rencontre fut celle de "traverser la rue" pour trouver un emploi, quitte à changer de métier, en quoi il s'est montré comme à son habitude, moins original que plus caricaturalement méprisant, puisqu'il ne faisait que se placer dans la ligne vieille comme Alain Juppé de la flexibilité de l'emploi, qui mérite toutes les mobilités, toutes les délocalisations, de la part du salarié comme de l'entreprise.

Pour les côtoyer de plus près aujourd'hui dans le secteur du handicap comme cela m'estarrivé par le passé en me faisant la petite main d'un service d'ingénirie éducative, mais plus encore en constatant de visu l'investissement des professeurs qui remplissent plus que leur quota de travail lorsque je me suis préparé à exercer leur métier avant de démissionner préventivement parce que je n'étais pas un assez bon acteur et manquais de présence de scène, les agents du service public me paraissent soutenir à bout de bras un système qu'en leur for intérieur, ils regrettent certainement de voir se déshumaniser parce que d'autres agents, de catégorie A ceux-là, des sortes d'ingénieurs spécialisés dans la ponte de normes exaspérantes écrites en novlangue ou en langue étrangère, déshumanisent le rapport entre l'État républicain et le citoyen qui en est une partie prenante bien plus qu'un simple administré. Mais au moins ces agents ont-ils la consolation de se dire qu'ils travaillent pour le bien commun, quand les employés d'une entreprise doivent se faire une religion de trouver qu'il n'y a rien de plus intéressant au monde, non pas que la culture ou que les religions comme aurait dit Baudelaire, mais que les boulons que produit l'entreprise pour laquel ils travaillent. Car certes, les vis et les boulons empêchent qu'un objet qui est un petit monde se défasse. Mais il faut dépasser l'intérêt qu'on leur porte en comprenant comment est monté le système, de quoi il se compose et comment il se décompose. Il faut refaire le monde pour empêcher qu'il ne se décompose. 

mardi 29 octobre 2024

Mes propositions pour une nouvelle loi handicap

Le CNCPH (comité national consultatif des personnes handicapées)  prend la très heureuse initiative de demander aux personnes handicapées -qui sont les principales concernées- de donner leur avis pour élaborer une nouvelle proposition de loi handicap en 2025. Je reproduis ici mes propositions sur le site qu'il a mis à notre disposition: 


Une nouvelle "loi handicap" en 2025 ? Le conseil national consultatif des personnes handicapées attend vos propositions !

 

Mes propositions sur l'accessibilité (des établissements, des services publics, des lieux de travail, des transports, de la voirie, des services, des sites internet et des services téléphoniques, de l’audiovisuel, etc.) pour la nouvelle loi :

Tout d'abord, l'accessibilité doit-elle être le maître mot et le mot ultime de cette nouvelle loi handicap ? Ne doit-on pas faire un bilan sur l'accessibilité et ce qui a résulté en vingt ans d'une approche se rapportant à peu de choses près à une "loi opposable", c'est-à-dire déclarative, sans véritable obligation de résultat? Doit-on continuer à envisager le handicap du point de vue de la "situation (de handicap)" et non pas de la déficience, de l'invalidité ou de l'infirmité, pour employer un vieux mot? L'accessibilité n'est-elle pas une utopie ou un horizon qu'on ne pourra jamais  atteindre ou rattraper? Et ne donne-t-elle pas de faux espoirs aux personnes handicapées?

 

L'autonomie existe-t-elle, comme capacité étymologique à se donner soi-même pour auteur de la loi ontologique qui nous concerne? Ne faut-il pas opter dans une balance égale pour l'aide humaine et la capacité à se servir de tout tout seul? Laide humaine  ne favorise-t-elle pas la relation sociale?

Pour les transports:L'accessibilité des trams et des bus ne devrait-elle pas comporter un sonal systématique, non seulement pour l'annonce des arrêts, mais en amont de l'arrivée des bus et des trams, pour indiquer à chaque fois la destination des moyens de transport qui arrivent à quai?

 

Ne faudrait-il pas imposer à toutes les collectivités territoriales, à l'échelle du département, de se doter d'un système de transports pour personnes à mobilité réduite, tel qu'il en existe dans presque toutes les grandes villes et leurs agglomération, étendu aux personnes âgées pour ne pas créer un mille-feuilles sur la bse de la discrimination entre personnes en situation de handicap et personnes âgées plus ou moins dépendantes?

 

Mes propositions sur la compensation du handicap et les ressources (la prestation de compensation, les allocations, les démarches administratives liées au handicap, etc.) pour la nouvelle loi

 

-Est-il normal que la compensation du handicap ne soit pas forfaitaire en fonction du handicap, comme il existe le forfait cécité et le forfait surdité? Est-il normal que les "guides barèmes" permettant d'accéder aux critères d'attribution des taux  d'incapacité ou d'invalidité, ne soient pas consultables sur le site de la CNSA, ne soient pas fléchissables, fléchables ou révisable par les membre de la CDAPH (Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) qui valident les décisions prises par les équipes pluri-disciplinaires de la MDPH? 

 

-Est-il normal que la douleur ne soit quasiment pas prise en compte dans ces guides barème et constitutive du handicap , au même titre que les incapacités sensorielles?

-Est-il équitable et normal qu'une personne déficiente visuelle soit considérée d'office comme relevant d'un taux de 80 %, ce qui va moins de soi pour l'administration pour une personne sourde ou malentendante et encore moins pour une personne paralysée ou souffrant de facteurs physiques l'invalidant de manière chronique?

 

-Est-il normal que la capacité à faire son ménage ne soit pas prise en compte dans  les critères d'attribution de l'allocation de compensation du handicap?

 

-Est-il normal de subdiviser cette allocation en une telle quantité d'items que, si on souffre de deux difficultés graves et sérieuses ou d'une difficulté grave et absolue, on est éligible à la PCH alors qu'on ne l'est pas si les items qui, encore une fois, ne prennent pas véritablement la douleur en ligne de compte,  relativisent la souffrance qui devrait être compensée par la PCH (prestation de compensation du handicap)?

 

-Est-il normal que la complexité des critères d'attribution de la prestation de compensation du handicap,  fondée sur l'analyse de la situation et non pas de l'infirmité ou de la déficience, fasse que cette analyse est laissée à la discrétion subjective de l'équipe pluri-disciplinaire, quel que soit son désir d'impartialité, et rendent les délais d'instruction des dossiers très longs?

 

-Est-il normal  que ces critères se concentrent beaucoup plus sur la capacité des personnes handicapées à être autonomes dans les activités de la vie quotidienne plutôt que dans leurs interactions sociales, dans leur vie de loisir  et daans leur activité civiques?

 

-Pourquoi la prestation de compensation du handicap n'est-elle pas systématiquement corrélée  à l'allocation adultes handicapés comme c'est le cas pour les personnes handicapées sensorielles? Est-il normal que l'allocation adultes handicapés soit inférieure au SMIC pour les personnes en incapacité de travailler lors même que ces personnes doivent bénéficier d'aides qui, dans l'état actuel, ne sont pas systématiquement couvertes par une allocation de compensation du handicap?

 

-Pourquoi ne faire bénéficier de l'AAH que des personnes handicapées qui pourraient justifier d'une restriction substantielle et durable de l'accès à l'emploi (RSDAE) de la valeur d'un mi-temps de travail?  Ce qui suppose deux corrélats:

    -La persone handicapée devrait s'émanciper dans l'emploi, qu'elle soit ou non apte au travail et quel que soit le retentissement du handicap sur l'aptitude ou l'adaptation à celui-ci, qui peut relever du parcours du combattant et rend la personne handicapée corvéable à l'enfer de la preuve tout au long de sa vie.

    -L'employabilité et le salariat sont l'horizon indépassable de la personne handicapée qui doit correspondre aux critères du "validisme" et non être considérée dans sa différence comme un témoin irréductible de la dignité de la personne humaine et de la gratuité conférée par l'existence individuelle d'une personne vulnérable, empêchée, qui peut être rejointe dans sa fragilité par la communauté sociale et non ambitionner de rejoindre les standards des personnes en bonne santé.

     -Si toutefois l'on devait maintenir la RSDAE, ne pourrait-on pas valoriser la vie associative et les engagements civiques de la personne en situation de handicap?

 

-Doit-on maintenir la frontière étanche qui sépare le traitement par l'administration dessituations de dépendance des personnes handicapées et des personnes âgées? Ne faudrait-il pas fusionner peu ou prou les branches de la sécurité sociale dédiées au handicap et à l'âge? 

 

Mes propositions sur l’école, l’enseignement supérieur, la formation pour la nouvelle loi :

 

-Ne faut-il pas dresser un bilan de l'école inclusive? Est-elle adaptée à tous les élèves ? Est-elle un bien pour les élèves "en situation de handicap" et pour leurs camarades, quand les élèves "inclus" ont un handicap trop lourd qui traumatise leur classe? L'enfance est-elle l'âge de l'inclusion? N'est-elle  pas un âge trop cruel pour ne pas être celui des préjugés? A-t-on bien fait de fermer la quasi-totalité des instituts spécialisés ou de ne permettre qu'ils ne viennent en aide aux élèves qu'en roue de secours, notamment sous la forme de SESSAD qui ont des listes d'attente décourageantes et qui font perdre du temps à la compensation du handicap? L'articulation entre école et services "périscolaires" d'aide à l'inclusion jointe aux transports ne fait-elle pas vivre des doubles et des triples journées aux élèves en situation de handicap dont la fatigue est encore accrue par le manque de fluidité des transports et la lutte contre le handicap lui-même? L'école inclusive n'a-t-elle pas vu une baisse en qualification des acteurs de l'éducation, depuis enseignants spécialisés dont la spécialité se réduit quasiment à néant jusqu'aux AESH qui remplacent en pratique les éducateurs spécialisés, commencent à peine à être CDIsés, donc le sont au lance-pierre, sont payés là aussi au lance-pierre et même pas au SMIC et bénéficient de 60h de formation par an contre deux ans de spécialité au minimum dans les études d'éducateur spécialisé?

 

-Est-il normal que l'éducation des personnes handicapées soit depuis si longtemps déléguée au ministère de la santé et aux établissements médico-sociaux plutôt qu'aux établissements d'éducation générale, étant entendu que, pour moi, un institut spécialisé devrait relever de l'éducation nationale et non du secteur médico-social? Cette infantilisation et cette surveillance courent tout au long de la vie de la personne handicapée, qui relève par la suite de SAMSAH (service(s) d'accompagnement médico-social pour adultes handicapées?) plutôt que de services sociaux classiques au sein desquels seraient intégrées des personnes spécialisées dans la prise en charge des personnes handicapées?

 

 

 

Mes propositions sur la culture pour la nouvelle loi : 

 

Les personnes handicapées ne doivent pas être muséographiées par la culture pour être la dernière réserve de l'accès au musée. Elles ne doivent plus être empêchées de lire. Un droit à adapter les livres en édition à partir du fichier matriciel pour les personnes empêchées de lire a été négocié de haute lutte par des associations militantes en faveur des déficients visuels, dont la plupart ont entre temps fermé boutique, et les associations qui ont repris le flambeau ne sont pas intéressées au même degré par ce combat. On pourrait envisager qu'un fichier PDF de tout livre paru soit systématiquement mis à la disposition des personnes déficientes visuelles empêchées de lire sur le site de la Bibliothèque nationale de France, même au prix d'une adaptation minimale.

 

Je me limite à ce secteur du livre, persuadé que l'audiodescription au cinéma connaît un développement continu, qui a eu l'intelligence de faire le parid'un certain niveau littéraire. Je ne sais comment me positionner par rapport àl'audiodescription au théâtre et ne crois pas avoir de compétences particulières sur les autres sujets liés à l'accès à la culture des personnes handicapées.

 

 

Ma présentation

 

Je suis Julien WEINZAEPFLEN, domicilié à Mulhouse, organiste, écrivain, membre suppléant de la CDAPH Alsace où je suis heureux du travail que nous fournissons, mais désolé de ne pouvoir davantage venir en aide aux gens qui en auraient besoin, garroté par un carcan réglementaireauquel nous ne pouvons déroger. J'avais pourtant désiré rejoindre cette instance décisionnaire pour que d'autres n'aient pas à vivre une situation telle que nous en avions traversée, mon ancienne compagne et moi, au début de sa maladie. Mais je suis passé de l'autre côté de la barrière, fais désormais partie de ceux qui disent nonà des gens qui émettent des demandes évidentes et ne m'y résous pas. J'ai toujours été intimement persuadé que la participation à une instance comme une CDAPH ne valait que si ses membres proposaient d'élaborer une nouvelle loi de 2005, sur de meilleures bases. Le CNCPH en prend l'initiative, je lui en sais gré et je l'en remercie.


lundi 28 octobre 2024

Réflexions sur une victoire de Trump

Que vont donner les élections américaines dont l'échéance a lieu dans quelques jours et sous quel angle envisager une possible victoire de Trump?

Est-il opportun de le faire comme Kamala Haris qui, dans la foulée de John Kelly qui fut le conseiller militaire de ce président dangereusement imprévisible, prétend qu'il est fasciste et que même il ne cachait pas ses sympathies pour Hitler, comme bon nombre de suprématistes blancs, qui ne savent pas combien leur univers mental et géographique est éloigné de celui de l'ancienchancelier allemand devenu Fuhrer, même si l'ascendance germanique de Trump et son attirance exclusive pour des femmes issues de laMitteleuropa peuvent interroger sur ce curieux atavisme. Tous les experts s'accordent à nier l'argument d'opportunité, mais si l'on examine le critère de vérité, on est bien forcé de penser que John Kelly doit savoir ce qu'il dit quand il a entendu Trump lui dire qu'Hitler n'avait pas fait que de mauvaises choses, ce que j'ai entendu dire à des Alsaciens de la génération qui me précède, s'applaudissant que, sous le régime nazi, le chômage avait disparu et qu'on avait construit les autoroutes allemandes.

Certains opposent le fascisme supposé de Trump à un "populisme autoritaire". Le premier serait hiérarchique et descendant, le second serait ascendant avec des penchants dictatoriaux. La distinction ne meparaît pas beaucoup féconder la réflexion ni enrichir le discernement.

Lorsque Trump a été élu en 2016, j'avais écrit qu'il embrassait les intérêts des déclassés sudistes américains tels que Falkner avait aimé les décrire. Ça me paraît beaucoup moins vrai aujourd'hui et je rejoins un analyste qui estime que Trump avait perdu le peu de culture qui le ratachait encore à la démocratie américaine, sans parler du respect de la constitution. Son discours s'est radicalisé, il est devenu de plus en plus bas de plafond et insultant pour son adversaire. Le ressort de ce discours eqt qu'en tout état de cause il ne peut pas perdre et que, sur tous les sujets, il a été, est et sera le meilleur et a fait, fait ou fera les choses les plus spectaculaires et les plus extraordinaires alors que son adversaire est incompétente, dangereuse, ou encore, comme il l'a dit l'autre soir à New York, "un accident industriel de l'histoire américaine" issue de ces communautés qui "gâtent le sang américain" comme les latinos, "mangent les chiens et les chats" comme les haïtiens, ou proviennent d'une " île flottante de déchets" comme les Portoricains. Les uns et les autres apprécieront.

Mais si on s'interroge du point de vue de la paix mondiale qui devrait être celui des Européens qui se sont dévoyés dans un soutien inconditionnel à l'Ukraine sans jamais mettre en parallèle l'agression commise par Vladimir Poutine et les crimes perpétrés par Benyamin Netanyahou, ne doit-on pas conclure que l'autoritarisme verbalement violentiste de Trump sera plus pacifique que le bienveillantisme avortif et progressiste de son adversaire?
J'écoutais avant de rédiger ces réflexions l'émissions "Affaires étrangères" de christine Ockrent qui expliquait qu'en ce qui concerne l'Ukraine, deux camps se font face, qui jouent aussi de bien des paradoxes: d'un côté l'Allemagne et les États-Unis qui, tout en étant les premiers contributeurs en armes et en subsides dans lepuits sans fond de l'aide à l'Ukraine, redoutent l'escalade, font preuve de prudence et veulent certes qu'à la fin du conflit, l'Ukraine, tout en ayant cédé des territoires aux Russes, rejoignent le camp occidental comme les Ukrainiens le souhaitent en contradiction totale avec leur destinée manifeste, sauf si l'on se réfère au caractère agricole de ces anciens koulaks qui, à cause de cela, ont été matés par l'olodomore qui est une prolongation de la NEP par d'autres moyens. Et de l'autre côté, il y a les Français d'Emmanuel Macron ("il ne faut pas humilier la Russie") et les Britanniques post-brexit qui pensent qu'il faut absolument que l'Ukraine entre dans l'OTan qui serait "en état de mort cérébrale" si Trump revenait au pouvoir, selon le diagnostic d'Emmanuel Macron lors du premier mandat de Trump et rétrospectivement, il aparaît que si elle l'avait été, elle aurait obligé les deux parties russe et ukrainienne à négocier au lieu de perdre deux ans de massacre et d'épuisement d'une Ukraine gavée d'aide malgré sa propension à la corruption et surarmée, tout en se montrant incapable de la moindre offensive militaire de poids contre l'ours russe.

Dans la même émission, ici mise en lien:
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaires-etrangeres
j'entendais François Heisbourg, auteur d'un "Monde sans l'Amérique" aux éditions Odile Jacob, dire que si on ne veut pas que l'Ukraine entre dans l'OTAN, on ne fait rien pour elle. Je ne peux pas m'empêcher de penser au contraire que cette perspective est très dangereuse, comme celle qu'elle intègre une Union européenne qui vit les derniers soubresauts d'une longue agonie et qui, si elle nemeurt pas de sa bureaucratie libérale, sera emportée comme la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf, de trop vouloir s'élargir.

Reste la question israélienne où les démocrates sont, sur le papier et en paroles, plus équilibrés que le républicain d'extrême droite qu'est devenu Donald Trump, car l'extrême droite occidentale est devenue ultrasioniste et c'est peut-être le prix qu'elle a dû payer pour occuper aujourd'hui le haut du panier de la politique internationale. Est-ce que les accords dits d'Abraham que Trump a fait signer à Israël, l'Égypte et l'Arabie sahoudite ont réellement représenté un progrès de la politique pragmatique? Le soutien sans frein à Israël n'est-il pas un acommodement moral totalement disproportionné face à la gravité de la situation qui sévit au Moyen-Orient où soixante-quinze ans de l'existence d'Israël riment avec soixante-quinze ans de guerre et de déstabilisation de la région, c'est un bilan qu'on peut et qu'on doit faire aujourd'hui. Mais les États-Unis ne conduisent-ils pas toujours la même politique dite atlantiste quels que soient les présidents? Je sais gré à Joe Biden d'avoir essayé de prévenir Israël contre les dangers d'une riposte onze-septembriste. Mais ce discours s'est révélé impuissant puisqu'on peut observer le même paradoxe que dans sa position ukrainienne: l'analyse politique était solide, mais elle n'a pas été suivie d'effet, parce que l'Amérique n'a rien fait concrètement pour retenir le bras d'Israël.

Il est triste de voir que Trump se pose en héraut de la morale évangélique en paraissant si loin des préoccupations chrétiennes et triste encore de constater que son pacifisme a beaucoup de rapports avec ce qu'a toujours été le pacifisme européen d'extrême droite: il cache beaucoup de lâcheté et de violence à l'intérieur du pays qui ne veut pas se battre. Je crois néanmoins que la paix mondiale mérite mieux que la tradition va-t-en-guerre qui a ét initiée par Bil Clinton dans sa désignation d'Oussama Ben Laden comme ennemi public mondial n° 1, si elle a été incarnée par George Bush et donc par le camp républicain dans son absurde "guerre (mondiale) contre le terrorisme" disséminé et qui est une guérilla.

 

vendredi 25 octobre 2024

La corruption qui nous blesse

De tout temps il y a eu Mazarinpour qu'il y ait les mazarinades et que la France soit bien gouvernée par un homme à qui on ne peut pas reprocher d'avoir fait des facilités à ceux qui le mandaient, ayant la main si près de la caisse. Il y a eu la corruption qui nous blesse pour queBalzac écrive les "Illusions perdues" et nous fasse rêver de Coralie et de Lucien de Rubempré, tandis que Vidocq alias Vautrin deviendrait chef de la police et se damnerait pour sa danseuse qui finirait par revenir sécher chez son ami David Séchard et finir en probe prote.  De tout temps il y a eu les fraternelles pour que certains frères le soient plus que les autres et les sociétés secrètes  pour cacher ceux de la démocratie. Il y a eu les nuits folles passés entre happy few avec "ceux qui ont du bol" et ceux qui n'en ont pas. Il y a eu les tragédies comme celle de Pierre Palmade qui a fauché ou gâché des vies et doivent passer tout le reste de la leur à le regretter. Il y a des rumeurs autour de fêtes charnelles dans l'entourage de ministres qui ne sont pas pris la main dans le sac, auxquelles celles que donnait le Régent n'avaient rien à envier. Il y a les scandales du monde du cinéma  pour que s'en indignent  les honnêtes gens voyeurs en conservant leur vertu. Et puis il y a Louis Boyard qui s'est vanté d'avoir dealé, Adrien Quattenens qui n'aurait pas dû jouer les monstres frappeurs et Andy Kerbrat dont on se demande s'il peut légiférer sous drogue de synthèse alors que la synthèse de LFI est la droguerie des mécontentements des damnés de la terre, pourvu qu'ils appartiennent plus au Lumpen proletariat des "racailles" oisives (comme aurait dit Friedrich Engels) qu'au peuple laborieux de la "gauche du travail" et de "la France qui se lève tôt" à qui le monde n'appartient pas, qui ne profite d'aucun subside, ne peut pas défalquer  ses frais de bouche hormis les tickets restaurants ni se prévaloir de quelconques dépenses somptuaires, quelle injustice! "Et puis il y a Frida/Qu'est belle comme un soleil/Et qui m'aime pareil/Que moi, j'aime Frida."


https://www.youtube.com/watch?v=H9fa9aWFbLM 

vendredi 18 octobre 2024

Le 11 septembre, la petite Thérèse et moi

Où il me revient en écoutant "France inter" évoquer cette date que, le 11 septembre 2001, quand est tombée la nouvelle de la chute des tours jumelles où mon frère Gilles qui s'est toujours retrouvé aux premières loges des attentats, aurait dû se rendre le lendemain, je me préparais à visiter les Buissonnets, la maison où a grandila petite Thérèse, sur qui j'ai donné, sous la conduite de Véronique Rousseau, mon ancienne condisciple à l'école Jeanne d'Arc, un spectacle aux Apprentis d'Auteuil, sainte qui me parlait à l'époque à cause de son apologie de l'enfance et de la voie d'enfance, puis qui ne m'a plus du tout parlé quand j'ai cru, sans y parvenir, nécessaire de devenir adulte, comme, crois-je en redoutant de commettre un contresens, Bernanos déplorait dans "les Cimetières sous la lune" que l'essentiel de la morale mièvre et ordinaire fût contenu dans les Fables de La Fontaine et que les poilus aient pris la petite Thérèse comme maraine de guerre.

Je me souviens de la joie mauvaise qui m'a saisi à l'idée que le pays phare de l'empire occidental qui s'était longtemps cru invincible se voyait ramené à la condition générale où tout être humain est soumis à la loterie des victoires et des défaites.

Je logeais à l'hôtel Terrasse où je lisais sur mon balcon "le Partage de midi" avant de retrouver sept ans plus tard mon premier amour adolescent et sensuel qui mettait en concurrence Julie Charles et Julie de Wolmar, très inclusive dans ses amoures et avec qui j'ai failli "refaire ma vie" avant de me rendre compte à tort ou à raison que je ne pouvais pas aimer quelqu'un que je n'estimais pas, mais l'estime serait peut-être venue après l'amour et l'estime et l'amour ne sont pas nécessairement liées.

Avoir visité les Buissonnets en éprouvant une joie mauvaise après la chute des tours jumelles fait de moi une drôle de personne qui semble s'être donné un malin plaisir de vivre comme un poète maudit en ayant peur de la malédiction. 

J'écris cela, dans le regret de ne pouvoir assister au concert "les Anges de Thérèse" qui se donne à l'église Ste-Marie, juste à côté de chez moi, mais j'ai vécu aujourd'hui une de mes journées invisibles, comme si la malédiction continuait.