Le CNCPH (comité national consultatif des personnes handicapées) prend la très heureuse initiative de demander aux personnes handicapées -qui sont les principales concernées- de donner leur avis pour élaborer une nouvelle proposition de loi handicap en 2025. Je reproduis ici mes propositions sur le site qu'il a mis à notre disposition:
Une
nouvelle "loi handicap" en 2025 ? Le conseil national consultatif des
personnes handicapées attend vos propositions !
Mes propositions sur
l'accessibilité (des établissements, des services publics, des lieux de
travail, des transports, de la voirie, des services, des sites internet et des
services téléphoniques, de l’audiovisuel, etc.) pour la nouvelle loi :
Tout d'abord, l'accessibilité
doit-elle être le maître mot et le mot ultime de cette nouvelle loi handicap ?
Ne doit-on pas faire un bilan sur l'accessibilité et ce qui a résulté en vingt
ans d'une approche se rapportant à peu de choses près à une "loi
opposable", c'est-à-dire déclarative, sans véritable obligation de
résultat? Doit-on continuer à envisager le handicap du point de vue de la
"situation (de handicap)" et non pas de la déficience, de
l'invalidité ou de l'infirmité, pour employer un vieux mot? L'accessibilité
n'est-elle pas une utopie ou un horizon qu'on ne pourra jamais atteindre ou rattraper? Et ne donne-t-elle
pas de faux espoirs aux personnes handicapées?
L'autonomie existe-t-elle, comme capacité étymologique à se
donner soi-même pour auteur de la loi ontologique qui nous concerne? Ne faut-il
pas opter dans une balance égale pour l'aide humaine et la capacité à se servir
de tout tout seul? Laide humaine ne
favorise-t-elle pas la relation sociale?
Pour les transports:L'accessibilité des trams et des bus ne
devrait-elle pas comporter un sonal systématique, non seulement pour l'annonce
des arrêts, mais en amont de l'arrivée des bus et des trams, pour indiquer à
chaque fois la destination des moyens de transport qui arrivent à quai?
Ne faudrait-il pas imposer à toutes les collectivités
territoriales, à l'échelle du département, de se doter d'un système de
transports pour personnes à mobilité réduite, tel qu'il en existe dans presque
toutes les grandes villes et leurs agglomération, étendu aux personnes âgées
pour ne pas créer un mille-feuilles sur la bse de la discrimination entre
personnes en situation de handicap et personnes âgées plus ou moins
dépendantes?
Mes propositions sur la compensation du handicap et les
ressources (la prestation de compensation, les allocations, les démarches
administratives liées au handicap, etc.) pour la nouvelle loi
-Est-il normal que la compensation du handicap ne soit pas
forfaitaire en fonction du handicap, comme il existe le forfait cécité et le
forfait surdité? Est-il normal que les "guides barèmes" permettant
d'accéder aux critères d'attribution des taux
d'incapacité ou d'invalidité, ne soient pas consultables sur le site de
la CNSA, ne soient pas fléchissables, fléchables ou révisable par les membre de
la CDAPH (Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées)
qui valident les décisions prises par les équipes pluri-disciplinaires de la
MDPH?
-Est-il normal que la douleur ne soit quasiment pas prise en
compte dans ces guides barème et constitutive du handicap , au même titre que
les incapacités sensorielles?
-Est-il équitable et normal qu'une personne déficiente
visuelle soit considérée d'office comme relevant d'un taux de 80 %, ce qui va
moins de soi pour l'administration pour une personne sourde ou malentendante et
encore moins pour une personne paralysée ou souffrant de facteurs physiques
l'invalidant de manière chronique?
-Est-il normal que la capacité à faire son ménage ne soit
pas prise en compte dans les critères
d'attribution de l'allocation de compensation du handicap?
-Est-il normal de subdiviser cette allocation en une telle
quantité d'items que, si on souffre de deux difficultés graves et sérieuses ou
d'une difficulté grave et absolue, on est éligible à la PCH alors qu'on ne
l'est pas si les items qui, encore une fois, ne prennent pas véritablement la
douleur en ligne de compte, relativisent
la souffrance qui devrait être compensée par la PCH (prestation de compensation
du handicap)?
-Est-il normal que la complexité des critères d'attribution
de la prestation de compensation du handicap,
fondée sur l'analyse de la situation et non pas de l'infirmité ou de la
déficience, fasse que cette analyse est laissée à la discrétion subjective de
l'équipe pluri-disciplinaire, quel que soit son désir d'impartialité, et
rendent les délais d'instruction des dossiers très longs?
-Est-il normal que
ces critères se concentrent beaucoup plus sur la capacité des personnes
handicapées à être autonomes dans les activités de la vie quotidienne plutôt
que dans leurs interactions sociales, dans leur vie de loisir et daans leur activité civiques?
-Pourquoi la prestation de compensation du handicap
n'est-elle pas systématiquement corrélée
à l'allocation adultes handicapés comme c'est le cas pour les personnes
handicapées sensorielles? Est-il normal que l'allocation adultes handicapés
soit inférieure au SMIC pour les personnes en incapacité de travailler lors
même que ces personnes doivent bénéficier d'aides qui, dans l'état actuel, ne
sont pas systématiquement couvertes par une allocation de compensation du handicap?
-Pourquoi ne faire bénéficier de l'AAH que des personnes
handicapées qui pourraient justifier d'une restriction substantielle et durable
de l'accès à l'emploi (RSDAE) de la valeur d'un mi-temps de travail? Ce qui suppose deux corrélats:
-La persone
handicapée devrait s'émanciper dans l'emploi, qu'elle soit ou non apte au
travail et quel que soit le retentissement du handicap sur l'aptitude ou
l'adaptation à celui-ci, qui peut relever du parcours du combattant et rend la
personne handicapée corvéable à l'enfer de la preuve tout au long de sa vie.
-L'employabilité
et le salariat sont l'horizon indépassable de la personne handicapée qui doit
correspondre aux critères du "validisme" et non être considérée dans
sa différence comme un témoin irréductible de la dignité de la personne humaine
et de la gratuité conférée par l'existence individuelle d'une personne
vulnérable, empêchée, qui peut être rejointe dans sa fragilité par la
communauté sociale et non ambitionner de rejoindre les standards des personnes
en bonne santé.
-Si toutefois
l'on devait maintenir la RSDAE, ne pourrait-on pas valoriser la vie associative
et les engagements civiques de la personne en situation de handicap?
-Doit-on maintenir la frontière étanche qui sépare le
traitement par l'administration dessituations de dépendance des personnes
handicapées et des personnes âgées? Ne faudrait-il pas fusionner peu ou prou
les branches de la sécurité sociale dédiées au handicap et à l'âge?
Mes propositions sur l’école, l’enseignement
supérieur, la formation pour la nouvelle loi :
-Ne faut-il pas dresser un bilan de l'école inclusive?
Est-elle adaptée à tous les élèves ? Est-elle un bien pour les élèves "en
situation de handicap" et pour leurs camarades, quand les élèves
"inclus" ont un handicap trop lourd qui traumatise leur classe?
L'enfance est-elle l'âge de l'inclusion? N'est-elle pas un âge trop cruel pour ne pas être celui
des préjugés? A-t-on bien fait de fermer la quasi-totalité des instituts
spécialisés ou de ne permettre qu'ils ne viennent en aide aux élèves qu'en roue
de secours, notamment sous la forme de SESSAD qui ont des listes d'attente
décourageantes et qui font perdre du temps à la compensation du handicap?
L'articulation entre école et services "périscolaires" d'aide à
l'inclusion jointe aux transports ne fait-elle pas vivre des doubles et des
triples journées aux élèves en situation de handicap dont la fatigue est encore
accrue par le manque de fluidité des transports et la lutte contre le handicap
lui-même? L'école inclusive n'a-t-elle pas vu une baisse en qualification des
acteurs de l'éducation, depuis enseignants spécialisés dont la spécialité se
réduit quasiment à néant jusqu'aux AESH qui remplacent en pratique les
éducateurs spécialisés, commencent à peine à être CDIsés, donc le sont au
lance-pierre, sont payés là aussi au lance-pierre et même pas au SMIC et
bénéficient de 60h de formation par an contre deux ans de spécialité au minimum
dans les études d'éducateur spécialisé?
-Est-il normal que l'éducation des personnes handicapées
soit depuis si longtemps déléguée au ministère de la santé et aux
établissements médico-sociaux plutôt qu'aux établissements d'éducation
générale, étant entendu que, pour moi, un institut spécialisé devrait relever
de l'éducation nationale et non du secteur médico-social? Cette infantilisation
et cette surveillance courent tout au long de la vie de la personne handicapée,
qui relève par la suite de SAMSAH (service(s) d'accompagnement médico-social
pour adultes handicapées?) plutôt que de services sociaux classiques au sein
desquels seraient intégrées des personnes spécialisées dans la prise en charge
des personnes handicapées?
Mes propositions sur la culture pour la nouvelle loi
:
Les personnes handicapées ne doivent pas être muséographiées
par la culture pour être la dernière réserve de l'accès au musée. Elles ne
doivent plus être empêchées de lire. Un droit à adapter les livres en édition à
partir du fichier matriciel pour les personnes empêchées de lire a été négocié
de haute lutte par des associations militantes en faveur des déficients
visuels, dont la plupart ont entre temps fermé boutique, et les associations
qui ont repris le flambeau ne sont pas intéressées au même degré par ce combat.
On pourrait envisager qu'un fichier PDF de tout livre paru soit
systématiquement mis à la disposition des personnes déficientes visuelles
empêchées de lire sur le site de la Bibliothèque nationale de France, même au
prix d'une adaptation minimale.
Je me limite à ce secteur du livre, persuadé que
l'audiodescription au cinéma connaît un développement continu, qui a eu
l'intelligence de faire le parid'un certain niveau littéraire. Je ne sais
comment me positionner par rapport àl'audiodescription au théâtre et ne crois
pas avoir de compétences particulières sur les autres sujets liés à l'accès à
la culture des personnes handicapées.
Ma présentation
Je suis Julien WEINZAEPFLEN, domicilié à Mulhouse,
organiste, écrivain, membre suppléant de la CDAPH Alsace où je suis heureux du
travail que nous fournissons, mais désolé de ne pouvoir davantage venir en aide
aux gens qui en auraient besoin, garroté par un carcan réglementaireauquel nous
ne pouvons déroger. J'avais pourtant désiré rejoindre cette instance
décisionnaire pour que d'autres n'aient pas à vivre une situation telle que
nous en avions traversée, mon ancienne compagne et moi, au début de sa maladie.
Mais je suis passé de l'autre côté de la barrière, fais désormais partie de
ceux qui disent nonà des gens qui émettent des demandes évidentes et ne m'y
résous pas. J'ai toujours été intimement persuadé que la participation à une
instance comme une CDAPH ne valait que si ses membres proposaient d'élaborer
une nouvelle loi de 2005, sur de meilleures bases. Le CNCPH en prend
l'initiative, je lui en sais gré et je l'en remercie.