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vendredi 1 novembre 2024

Haro sur Gérard Haraud ou réflexion sur le travail et la patrie?

En écoutant #GérardHaraud sur #FranceCulture qui lui consacre une série en cinq entretiens de son émission "À voix nue",
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/a-voix-nue
il me revient que je fus longtemps à ne pas m'intéresser à ce que disait ce diplomate dont les positions me paraissaient frappées au coin du "politiquement correct" jusqu'au jour où, par hasard, je tombe sur une de ses analyses dans "le Point" où il fait dans la nuance et expose un point de vue que je trouve multipolaire ou multilatéral, le seul qui m'intéresse en matière de géopolitique. En ayant réécouté toute la série, je reviens à mon point de vue initial, #CarolineBrouet qui pourtant n'est pas un monstre de malveillance ayant pris soin de garder pour la fin qu'à sa retraite, l'anti-trumpiste pédagogue de Trump, celui qui se définit avan tout comme un diplomate français soucieux des intérêts de la France et comme objectif sur le Moyen-Orient bien qu'accusé d'avoir négocié un rapprochement avec l'Israël d'Ariel Sharon à la demande de Dominique de Villepin, se défaussse-t-il au regard des positions actuelles de ce diplomate lyrique, équilibré, mais qatarisé, s'avère, paniqué par la retraite, s'excuse-t-il auprès de son intervieweuse qui dénombre ses conflits d'intérêt, accepter de travailler pour #RichardAttia, le grand ordonnateur des conférences de Davos et autres événements internationaux qu'épousa en troisième noce #CéciliaSarkozy, ou de manière plus contestée encore conseiller de l'entreprise israélienne qui avait fourni au Maroc le logiciel d'espionnage #Pegasus, ce qui avait valu à ce pays que vient de visiter Emmanuel Macron avec les succès, mais dans les conditions que l'on sait, d'être accusé d'une grande entreprise de déstabilisation mondiale alors qu'elle n'était rien auprès des menées du Mossad, du réseau Échelon ou de manière plus scandaleuse et plus récente, du pilonage, du bornage et des écoutes de tous leurs gouvernants alliés par les services américains, espionnage diplomatique auprès duquel la sous-traitance de Pegasus parait un enfantillage et qu'on s'étonne d'avoir entendu si rarement dénoncer.

Le cinquième épisode de l'émission s'intitule "Pour réduire le désordre du monde" et me rappelle étrangement la citation de Camus qu'on ressort à tout bout de champ: "Chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse." On présente cette citation comme un grand exemple de sagesse politique, soeur du constat réaliste de Raymond Aarond que "l'histoire est tragique" et qu'on n'en ressort pas indemne quand on croit en sortir comme l'a fait Francis Fukuiama qui croyait le monde arrivé à "la fin de l'histoire" à la chute du mur de Berlin alors qu'un quart de l'humanité subissait encore le joug du communisme chinois et que, deux ans plus tard, s'engageait à travers la premièreGuerre du golfe la lutte entre l'islam et l'Occident que le premier qualifie de néo-croisérisme, d'autant plus sans merci qu'il est purement économique et dépourvu, du côté de l'Occident, de toute espèce de substrat religieux ou civilisationnel, gangréné comme il est par un matérialisme qui n'a rien d'historique.

C'est peut-être parce que je suis fâché avec les limites en général et avec mes propres limites en particulier que le conseil camusien de sagesse présumée m'a toujours paru le paravent d'un manque absolu de vision qui tire du déni de l'utopie un prétexte à laisser persister le monde comme il perdure, sous prétexte que "le rôle du diplomate est d'indiquer le champ des possibles et celui du politique de désigner le champ du souhaitable". À force de éclarer par principe que le souhaitable est impossible, on se condamne à ne rien faire et Gérard Haraud a beau jeu de dresser un bilan complaisant sur son action, où il se reconnaît comme seul caillou dans la chaussure de n'avoir pas fait le maximum pour éviter le génocide rwandais, mais ne regrette globalement ni l'action de la France otanisée en ex-Yougoslavie, ni d'avoir joué les va-t-en-guerre en Syrie, ou sa consoeur américaine l'a recadré en lui disant que "les USA ne voulaient pas s'engager dans cette guerre de merde", ni, pour ne pas voir mettre fin à sa carrière diplomatique et être débarqué de son poste à l'ONU, d'avoir suivi l'aventurisme bernard-henr-lévyste qui a détruit la djmaria du colonel Kadhafi, qui tentait de rendre cohérente et tribale, sans doute sous l'égide d'un esprit dérangé, mais pétri des Lumières françaises qu'il avait lues et digérées à sa manière, une société morcelée et tribale. Aujourd'hui le pays est bousillé et est la plaque tournante des trafics humains organisés par les passeurs et du désordre migratoire qui ensable l'Occident sous des flux tendus inaccueillables autrement que sous le régime de l'anarchie, du système D, de l'économie informelle et du "va comme je te pousse".

Entre autres corps dont il s'est fait l'agent de déréglementation, Emmanuel Macron a démantelé le corps diplomatique. Un "diplomate de carrière" épousait la vision géopolitique de sa patrie. Gérard Haraud s'assure que c'est ce qu'il a fait. Si j'analyse mes tréfonds, je me suis toujours demandé pourquoi il fallait être patriote et préférer l'assignation à une seule patrie pour laquelle il faudrait de surcroît donner sa vie plutôt que l'universalisme de l'oumma catholique à laquelle je continue de donner ma première allégeance. J'ai depuis mieux compris l'intérêt qu'il y avait à tout ce qui nous lie et dans la mesure où la langue, donc le langage et la parole, dans cet ordre, nous relie à tous nos compatriotes et à tous nos concitoyens, là aussi dans cet ordre, je suis devenu, au choix, plutôt patriote ou nationaliste, terme que je préfère, mais dans une acception pacifique, ne voyant aucun fondement logique à affirmer que le patriote aime sa patrie et que le nationaliste déteste celle des autres et veut lui faire une guerre tous azimuts. L'homme a besoin d'appartenir à un corps, ce qui a fait récemment dire à guillaume de Tanouarn que l'Église précède le Christ, non que l'Unique Engendré ne l'ait été avant la Création du monde et querien n'a été fait que par Lui, mais qu'à parler humainement, il fallait que la religion serve d'asile à la foi, et les évangéliques ont grand tort de mépriser l'esprit de religion. Derrière l'affirmation que l'homme est un animal social, il y a que l'homme veut faire corps. Donc je comprends qu'un diplomate épouse les intérêts de son pays et en défende la vision du monde.

Mais même s'il ne s'agit pas de juger les gens, comment le diplomate qu'est Gérard Haraud peut-il se rabattre de cette noble tâche qui lui donne toute légitimité pour expliquer le monde à ses concitoyens, comme un général d'état-major féru de géopolitique, à se faire le consultant de tel fonds de pension ou de telle entreprise, dérive qui semble être promise à tous les dirigeants qui, après avoir gouverné leur pays, s'assurent un complément de rémunération en promenant leur bilan magnifique dans des conférences majestueuses à travers le monde, mais surtout émargent au conseil de surveillance, quand ils ne se font pas les communicants, de fleurons économiques de leurs pays.

Ce qui m'amène, paradoxalement, à l'objet principal de ce post et qui, au-delà du haro sur le Haraud, me donne une occasion assez inattendue de partager une réflexion sur le travail que je me fais depuis quelques temps.

Il y a bien des anomalies dans le monde du travail qu'on nous présente à tort comme le facteur d'émancipation ultime de salariés qui n'y trouvent pas toujours des conditions très dignes, fussent-elles de subsistance. La tertiarisation du travail dans les pays développés s'explique en grande partie par le besoin de rendre le travail intéressant. J'ai une faible expérience du travail salarié, mais chaque fois qu'il m'a été donné de l'approcher, je me suis dit que ce qui lui manquait était la personnalisation qui concilie les valeurs du travailleur avec le métier qu'il exerce, personnalisation tellement dévalorisée que, sans parler du travail comme d'un esclavage moderne, on ne parle plus de métier, mais d'emploi, et l'impératif occupationnel est tel que l'injonction faite par Emmanuel Macron à son horticulteur de rencontre fut celle de "traverser la rue" pour trouver un emploi, quitte à changer de métier, en quoi il s'est montré comme à son habitude, moins original que plus caricaturalement méprisant, puisqu'il ne faisait que se placer dans la ligne vieille comme Alain Juppé de la flexibilité de l'emploi, qui mérite toutes les mobilités, toutes les délocalisations, de la part du salarié comme de l'entreprise.

Pour les côtoyer de plus près aujourd'hui dans le secteur du handicap comme cela m'estarrivé par le passé en me faisant la petite main d'un service d'ingénirie éducative, mais plus encore en constatant de visu l'investissement des professeurs qui remplissent plus que leur quota de travail lorsque je me suis préparé à exercer leur métier avant de démissionner préventivement parce que je n'étais pas un assez bon acteur et manquais de présence de scène, les agents du service public me paraissent soutenir à bout de bras un système qu'en leur for intérieur, ils regrettent certainement de voir se déshumaniser parce que d'autres agents, de catégorie A ceux-là, des sortes d'ingénieurs spécialisés dans la ponte de normes exaspérantes écrites en novlangue ou en langue étrangère, déshumanisent le rapport entre l'État républicain et le citoyen qui en est une partie prenante bien plus qu'un simple administré. Mais au moins ces agents ont-ils la consolation de se dire qu'ils travaillent pour le bien commun, quand les employés d'une entreprise doivent se faire une religion de trouver qu'il n'y a rien de plus intéressant au monde, non pas que la culture ou que les religions comme aurait dit Baudelaire, mais que les boulons que produit l'entreprise pour laquel ils travaillent. Car certes, les vis et les boulons empêchent qu'un objet qui est un petit monde se défasse. Mais il faut dépasser l'intérêt qu'on leur porte en comprenant comment est monté le système, de quoi il se compose et comment il se décompose. Il faut refaire le monde pour empêcher qu'il ne se décompose. 

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