Pour qui, sans prétendre avoir l'expertise de Jérôme Fourquet ni croiser comme lui autant de données statistiques ou sondagières, se contente d'être un observateur, il n'est pas difficile, comme je l'ai déjà écrit, de relever que l'"archipel français", si on intègre les divisions communautaires à notre sociologie politique traditionnelle, se divise aujourd'hui entre bloc centriste ou bourgeois, islamo-gauchisme et israélo-droitisme.
Gérard Miller a moralement raison de rappeler les juifs français à leur "boussole morale", mais ils ne ressemblent pas aux juifs américains qui continuent de peser idéologiquement sur le parti démocrate, tandis que les juifs français se sont likoudisés, en quoi ils ont fait comme les juifs israéliens. Le parti travailliste, berceau de la "démocratie israélienne", s'est réduit comme peau de chagrin et n'est plus qu'un lointain souvenir. Le destin de ce parti ressemble à celui de nos partis de gouvernement, droite et gauche mis dans le même sac. La droite LR et le parti socialiste réduit à ses seules forces ne sont plus que les ombres d'eux-mêmes. Les juifs français n'ont pas viré vers la droite française traditionnelle, ils ont au bas mot viré vers le Likoud et parfois un peu plus à droite, ils ont viré vers la droite israélienne.
Tout à sa stratégie de dédiabolisation, Marine Le Pen ne se ferait plus pincer à danser au bal de Jörg Haider, mais mendierait un carton d'invitation à Bibi Netanyahou. Parallèlement, maintenant que l'extrême droite est arrivée dans le gouvernement israélien pour protéger Netanyahou des poursuites judiciaires qui le menaçaient, la communauté juive à travers le monde n'exerce plus aucune vigilance contre l'extrême droite telle qu'Edwy Plenel rêverait qu'elle se perpétue.
Parmi les "juifs médiatiques" qui ont joué un rôle dans la politique française, l'évolution de Julien Dray est symptomatique et à mon sens affligeante. En 2002, les bras lui en tombaient parce que le restaurateur Joe Goldenberg avait osé dire à propos de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, qu'en tant que Français, il comprenait ce vote. Julien Dray fustigeait "TF1" comme étant "TF haine" pour avoir fait la courte échelle à JMLP. Aujourd'hui, il est un débatteur régulier de "CNews" à côté de qui "TF1" en 2002 était un tout petit joueur en matière de souffler sur les braises, ce que la chaîne de Vincent Bolloré fait toute la journée. Ses dissensions avec Gilles-William Goldnadel sont de pure forme. Il faut que l'antiracisme n'ait pas valu bien cher à ses yeux pour qu'il se soit renié à ce point et l'ait jeté aux orties.
Rien d'étonnant à ce qu'Éric Zemmour ait rencontré un franc succès en se rendant en Israël. Il voudrait palestiniser notre pays en montant les chrétiens contre les musulmans qui sont une minorité trop forte et trop importante pour qu'un dissensus majeur avec cette communauté soit sans conséquence. L'impossibilité d'une opposition de néo-croisés occidentaux et de musulmans fanatisés est claire à mes yeux depuis la première guerre du golfe. Rester sur une position équilibrée est donc autant un gage de sagesse que de prudence.
Mais le devoir d'un Français qui n'a que cette nationalité est de discerner ses vrais amis parmi tous les binationaux, et on peut dire que la ligne de démarcation entre nos vrais amis et nos ennemis déguisés ou de l'intérieur, entre ceux qui utilisent le nom de France et le titre de Français pour parler d'autre chose et ceux qui aiment vraiment la France, entre les loyalistes et ceux qui n'ont pas la France chevillée au coeur comme leur nation prépondérante et de premier choix, est égale dans les communautés juives et musulmanes. La propagande est des deux côtés. Les musulmans ne la distillent pas sur les médias officiels qui les insultent à bas bruit toute la journée. Ils communiquent à coups d'alertes Internet et de vidéos qui véhiculent une lecture paranoïaque (on dit aujourd'hui complotiste) d'à peu près tout ce qui se passe.
Mais la double défense qu'ont prétendu incarner Alain Finkielkraut sur le plan culturel et Éric Zemmour sur le plan politique, double défense de la France et d'Israël comme si leurs intérêts étaient communs ou, osons le jeu de mots, comme s'ils étaient croisés, est une autre imposture qui ne vaut pas mieux.
C'est pourquoi la candidature d'Éric Zemmour était vouée à l'échec, non parce qu'elle divisait ce que cette mouvance appelle le "camp national" comme le fit en son temps Bruno Mégret qui pourtant se rallia au panache belliqueux et souriant de Zemmour, mais parce que, n'étant pas faite au nom de la nation, elle ne représentait ni la droite ni la France. S'il en fallait une confirmation, nous avons ce voyage de Zemmour en Israël, à peine la guerre éclatait-elle sous la forme catastrophique et sans lendemain de cette riposte onze-septembriste aux attaques barbares et treize-novembristes ou bataclanistes du Hamas.
La zemmourisation de la droite française la ciottise en sa sottise: celle de vouloir palestiniser la France et exacerber une tension communautaire en affirmant que la police française doit s'inspirer des méthodes de la police israélienne, ce qui était un des arguments de campagne d'Éric Ciotti. Argument misérable et surtout régressif. Nous vivons des temps alarmants.
Billet écrit sous le prétexte de cet autre billet:
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