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mercredi 27 octobre 2010

LA NOTION DU TEMPS

La mort est un seuil, qui marque une naissance à l’indéterminé et l’inconnu. Penser la mort comme le seuil d’une nouvelle naissance ne nous console pourtant pas de mourir, car ça nous a été un tel traumatisme que de naître que nous en avons refoulé le souvenir. Cette absence pour chacun du souvenir d’être né n’est que le négatif analytique de la conséquence surnaturelle qu’on peut tirer de ce fait en le regardant sur un plan synthétique et panoramique : ne pas se souvenir d’être né, c’est ne pas avoir le sentiment de l’incoatif, c’est se croire sans commencement. De manière innée, l’homme se croit sans commencement. Il n’a donc pas la notion du temps, mais celle de l’éternité. Ne pas se souvenir d’être né, c’est avoir de manière innée la notion de l’éternité, ce qui bat en brèche cette idée reçue que l’homme ne peut penser l’éternité puisqu’il n’a que la notion du temps. Il se peut, soit que la notion du temps ait été refoulée par le traumatisme originaire de la naissance, soit au contraire que la notion de l’éternité soit conforme au « principe d’innatalité », lequel précède peut-être la croyance en l’immortalité de l’âme. L’homme n’a peut-être forgé toutes ses « cartographies de l’au-delà » que parce qu’il ne se souvient jamais que d’avoir été. L’homme est peut-être plus porté à se ressaisir d’un passé qui l’a lâché qu’à éterniser un présent qui reflue de remugles ou à investir dans un avenir incertain. C’est sans doute par nostalgie que l’homme reconstitue sa vie posthume. Or « la nostalgie est une douleur du retour » et la reconstitution implique une reconstruction à partir de données qu’on connaissait déjà. Ce n’est que par conversion que nous plantons nos racines dans le ciel. Vivre de cette condition terrestre nous apporte peut-être l’indication que, puisque l’origine nous est devenue une source d’amnésie traumatisée qui n’a pas supprimé la nostalgie et résiste au puzzle inquisitorial de notre reconstitution, il y a une certaine conversion qui s’impose comme par un état de nécessité.

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