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mercredi 27 octobre 2010

UNE RENCONTRE AVEC MGR GAILLOT

C’EST un peu court, monseigneur gaillot …


Ce soir, nous fut lancée à Mulhouse l’invitation de PRENDRE PART à une conférence de Mgr gaillot promotionnant son livre : « CARNETS DE VIE ». L’occasion pour l’ancien évêque d’Evreux de commencer par exposer les quatre points qui fondent sa spiritualité :

1. Priorité à l’humain. « Cherchez-vous le sacré ? Il est moins dans les reliquaires que partout où vous trouverez des hommes. Un espace ne devient sacré qu’en raison de ce qui s’y vit d’humain,au sens où cet adjectif qualificatif désigne une qualité de cœur. » Jean-Paul II, déjà, avait dit lors de son premier voyage en France :« l’homme est la route de l’Eglise », on ne peut pas dire que cette voie ait été beaucoup suivie, y compris par le magistère de ce pontificat. Il est vrai que l’Eglise est gênée aux entournures par cette Parole du Christ :»JE SUIS LE CHEMIN, la verite ET LA VIE », Parole qu’aggrave encore, si j’ose dire, cette affirmation inscrite dans l’apocalypse de saint-Jean que le Christ Est l’alpha et l’Oméga. Comment l’homme peut-il se frayer un chemin et, mieux, devenir la route de l’Incarnation, si la condition de disciple consiste en celle de suiveur ? Ces problèmes de théologie ne hantent pas Mgr Gaillot. Il est plus concret :2. « Il faut promouvoir une spiritualité sans frontière, « nous sommes des citoyens du monde ». Son ami le professeur Albert Jacquart, coprésident avec lui de l’association « DROIT DEVANT » fondée dans la foulée de l’occupation de la rue du dragon pour les sans-papiers, abonde dans son sens, nous confie-t-il, mais ne peut s’empêcher de lui faire observer que l’homme semble avoir une tendance naturelle à se diviser entre « dominants et dominés », « clercs et laïques », « autochtones et étrangers », « hommes et femmes », idoles et fans, cette dernière division étant rajoutée par l’auteur de ces lignes, qui veut montrer par là que l’homme est comme mené malgré lui par un besoin pyramidal, par un désir de hiérarchie, par un instinct aristocratique qu’il doit chercher àdépasser, mais la liberté est plus facile à acquérir que l’égalité. L’invocation sans-frontiériste ne suffit pas à supprimer les frontières, y compris intérieures. Mgr gaillot est-il conscient qu’ayant été destitué de son ministère d’évêque de plein exercice pour être nommé évêque in partibus, destitution qu’il avoue lui-même avoir vécue comme une blessure, a certes rebondi, mais, non seulement n’a pas quitté l’eglise parce qu’il avait besoin d’attaches (il est resté danssa famille), mais a troqué un mode de relations d’autorité contre une forme d’activisme mmilitant ? Le fait de privilégier le militantisme aux relations duelles, aux rencontres en « face à face », même si son livre et sa conférence sont truffés d’anecdotes, mais dans lesquelles il a toujours le dernier mot, le mot édifiant, ne constitue-t-il pas la frontière intérieure cachée de Mgr gaillot ? Au cours des questions qui suivront son exposé, on lui demandera comment faire le pont entre la rue et l’Eglise et s’il ne faudrait pas commencer par manifester quelqu’intérêt pour le clochard qui se trouve à la sortie de l’Eglise, ce paroissien invisible qu’on ne fait jamais entrer et à qui on donne encore moins la parole tout en priant, à l’intérieur du sanctuaire, pour que nos cœurs s’élargissent aux plus démunis et surtout en remerciant Dieu pour le dévouement de ceux qui leur viennent en aide. Il n’est pas essentiel, aux yeux de Mgr Gaillot, de faire entrer le clochard à l’intérieurdu temple, mais d’établir un vrai contact à l’extérieur de l’église avec les étrangers. Voilà réintroduite par la fenêtre la frontière que Mgr Gaillot avait chassée par la porte : l’étranger acquiert une dignité intrinsèque du seul fait qu’il est étranger. Le prochain de Mgr gaillot, c’est l’étranger, cet hôte lointain. Il doit exhaler ce parfum d’exotisme pour intéresser le prélat. Il doit être son « autre » pour que Jacques gaillot puisse se dire son « monseigneur » (en référence à son livre : « JACQUES GAILLOT, MONSEIGNEUR DES AUTRES ». Or le prochain, ce n’est pas celui qu’on choisit parce qu’il dégage le maximum d’altérité. Il y a comme une gradation entre « aimer son prochain », « nous aimer les uns les autres » et aimer le TOUT AUTRE. Mgr Gaillot cherche l’Altérité de Dieu dans son lointain humain qu’il veut se rendre proche. Mais c’est à Dieu d’opérer ce rapprochement qu’on pourrait, par amour des mots, appeler une approximation. Elle ne vaut que si celui qui la vit de l’intérieur accepte que, certes, que les critères du Jugement Dernier nous soient donnés ; mais, dans ces critères, il y a aussi celui de ne pas être conscient de l’Identification que Dieu opère de qui il veut à Lui. Tout se passe comme si Mgr gaillot choisissait ses prochains par goût de l’exotisme. Or l’amour du prochain ne doit pas résulter d’un goût personnel. Aimer son prochain par goût personnel, c’est une antinomie, une antithèse, une attitude paradoxale.
2.
3. On pourra objecter que, la seule fois où le Christ donne un exemple concret d’ »amour du prochain », Il le fait à travers la parabole du bon samaritain, où le prochain secouru l’est par un étranger et est donc un étranger lui-même : il est secouru par un samaritain ; mais, plus étonnant, il est secouru par procuration : le bon samaritain confie à l’aubergiste d’en prendre soin. Il viendra seulement s’acquitter de tous les frais supplémentaires engagés par l’aubergiste. En somme, le bon samaritain est le généreux donateur d’une association humanitaire et l’aubergiste un membre de cette ONG. Mgr Gaillot, que la perspective de voir des clochards envahir des églises ne soulève pas d’enthousiasme, déclare en revanche que « les étrangers nous honorent lorsqu’ils les investissent ». Une chose est sûre : c’est que, lorsque, sous le gouvernement Juppé et l’autorité de Jean-Louis debré, alors ministre de l’intérieur, les « occupants de saint-bernard » ont été délogés à coups de hache, l’etat s’est déshonoré et fait savoir avec force que la laïcité était consommée, que nous étions dans une société définitivement post-chrétienne parce qu’il exerçait son droit de propriété sur ce bâtiment dont l’évêque qui, en l’occurrence, n’était pas fâché de son action, n’était que l’affectataire ; et peu importait à l’etat que les églises aient depuis la plus haute Antiquité été considérées comme des lieux où s’exerçait « le droit d’asile » où quiconque venait s’y réfugier ne pouvait être inquiété (Saint-augustin en avait même fait un argument en faveur de l’Eglise au moment où les « vieux romains » reprochaient au christianisme devenu religion d’etat d’avoir dénaturé l’Empire et la République. Jusqu’à ce coup de force du gouvernement Juppé, l’Etat moderne et laïque avait respecté l’inviolabilité des églises au point qu’il était interdit à un policier d’entrer armé dans un édifice religieux.
3. « C’est dans l’homme que vous trouverez Dieu. » Ici, il se précise que Mathieu XXV pris au pied de la lettre est, non seulement la charte qui guide l’action de Mgr Gaillot, mais semble contenir la totalité des articles de foi de son « credo ». . Et de raconter comment un militant athée se plaisait à décrire la supériorité morale des incroyants sur les croyants, la charité d’un croyant étant intéressée, quand l’entraide de l’incroyant ne regarde qu’aux gens eux-mêmes et aux problèmes qu’ils ont. Mgr Gaillot ne peut s’empêcher de reconnaître que le raisonnement de son interlocuteur et camarade de combat est juste, mais on sent que la pilule a du mal à passer… Nous ne pouvons nous libérer des traces anciennes qu’a laissées en nous un catéchisme qui nous apprenait que l’autre sur lequel nous penchions notre sollicitude avait comme reçu une délégation de servitude de dieu, devant Lequel sa personnalité d’être unique s’effaçait, ne lui étant conservé que son statut de « pauvre ».

4. « Il faut élargir son cœur et son action à l’accroissement du bien-être de l’humanité. »
« Quelle est la fonction de l’Eglise » ? me hasardé-je à demander.
« L’Eglise doit œuvrer à faire entendre un message de libération qui humanise la société. »
Après tout, c’est déjà pas mal. Devrait-on bouder un tel appel à la liberté ? Il n’est pas si fréquent dans le logiciel d’un chrétien engagé et encore plus d’un clerc. Dans sa mise en œuvre, on peut reconnaîtreà Mgr Gaillot beaucoup de cohérence et de fidélité. Ne s’est-il pas employé à la rédaction collective, en fonction des questions qui lui étaient posées, d’ »UN CATECHISME AU GOUT DE LIBERTE » ? Grâce à lui, l’eglise n’est pas cet organe qui dit toujours « non », cette institution arc-boutée davantage sur la défense patrimoniale d’une politique familiale que sur la considération des humains, pris dans la réalité de leur condition (Sans préjudice des Vérités divines, si l’home est la route de l’Incarnation, les vérités humaines interrogent la Vérité d’En Haut).

Comme le Christ, cet évêque que sa hiérarchie a mis en rupture de ban, à qui certains diocèses (comme celui de cologne) interdisent même de venir donner des conférences, s’est fait l’apôtre des « sans voix », des « sans famille », des « sans abri », des « sans papier. » Le fait que Rome, tout en le destituant, n’ait pu lui enlever la dignité épiscopale dont l’avait revêtu son sacre comme successeur des apôtres, lui permet de concentrer dans sa personne les dignités d’évêque et de prophète dont quelqu’un dans la salle doutait qu’elles soient compatibles. Mgr gaillot se pose comme un prophète de la liberté. Je l’entendrai toujours, dans une circonstance antérieure, prononcer cette phrase qui a fait se dresser mes poils de la joie des affranchis :
« Quand on a peur, on n’est pas libre et quand on est libre, ça fait peur » !

Mais je reviens à la charge :
« N’assignez-vous pas à l’eglise une mission trop exclusivement temporelle ? Que faites-vous de l’aspiration de l’homme à l’immortalité ? C’est déjà pas mal de faire de l’Eglise une Société humaniste ; mais ne pouvez-vous pousser jusqu’à la reconnaître comme une passeuse d’âme ? »
Je sais qu’en posant cette question qui déploie tout à coup le langage animiste, je vais perdre Mgr Gaillot :
« C’est maintenant qu’il faut agir, c’est maintenant que dieu nous attend au tournant et au charbon. Personne ne sait ce qui se passera de l’autre côté. La vie éternelle, c’est maintenant qu’elle se scelle. »
Mgr gaillot se cantonne dans l’agir. Et c’est peut-être ici que son catholicisme rejaillit pour le meilleur et pour le pire : il ne croit tellement pas qu’il ne peut y avoir la foi sans les œuvres que les œuvres lui tiennent lieu de foi. « La foi est une force qui va ». Mais qui va sans transcendance, qui rapetice Dieu aux dimensions des seuls combats humains, qui est éprise de Justice sans ressentir que vaine est la justice humaine si elle n’a pour assise profonde un cœur justifié. C’est peut-être pourquoi la vie de Mgr Gaillot s’est caractérisée par une telle agitation. Mais c’est une agitation qui a assumé un devoir de provocation, qui a provoqué à agir (l’action n’est loin d’être inutile), et qui a fait retentir une parole de bienveillance qui était la bienvenue, parce qu’on était peu habitué à ressentir de la bienveillance de la part de l’Eglise, parce qu’à vrai dire, on n’en attendait plus.


Julien WEINZAEPFLEN

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