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mardi 30 mai 2023

La décivilisation macronienne

Philippe Bilger écrit dans son billet intitulé "Emmanuel Macron, la valse des mots":

"En réalité ce "processus de décivilisation" est typique de cette manière - qu'il doit juger noble et qu'on a le droit de juger pompeuse - conduisant trop souvent le président de la République à essayer de recouvrir la saleté du réel par la beauté des mots ; à masquer l'absence d'une politique efficace sous la somptuosité, voire l'enflure du vocabulaire." (PB)


Si j'aime (quand même) quelque chose dans les discours d'Emmanuel Macron, c'est la manière dont il essaie d'y introduire en les surjouant des silences qui se voudraient pénétrés de la charge traumatique des événements qu'il "célèbre". Ce rôle du silence dans le discours macronien est inversement proportionnel au caractère prolixe de ce mandat qui nous promettait pourtant une "parole rare" et jupitérienne en relation avec la verticalité régalienne de l'exercice du pouvoir.


C'est peu dire qu'Emmanuel Macron aime les mots. Tout son premier quinquennat, de son premier discours au Congrès aux intarissables périodes du Grand débat, longues comme des allocutions de Fidel Castro, ont présenté des discours-programmes fleuves où tellement était promis que bien peu pouvait être appliqué. Il a récidivé au début de son second quinquennat en se moquant du Conseil national de la Résistance pour le singer avec son Conseil national de la refondation, condamné d'avance à l'impuissance puisque le secrétariat général en était confié à François Bayrou, notre inénarrable commissaire au plan, CNR dont "l'Opinion" dresse ce matin un bilan sans concession:


https://www.lopinion.fr/politique/le-grand-gachis-du-cnr


On pouvait croire qu'Emanuel Macron accordait à sa parole la vertu illocutoire du "dire, c'est faire". Mais non. La parole macronienne existe pour elle-même dans une sorte de "dire au lieu de faire".


"Il est aussi arrivé à Emmanuel Macron d'user de cet euphémisme indécent : incivilités." (PB)

Je crois que c'est encore et seulement pour regretter les incivilités qu'il parle pompeusement de "processus de décivilisation". Il faudrait que tout soit déconstruit pourvu qu'on reste civil. Mais vous-même, cher hôte, me semblez confondre civilité et civilisation quand vous écrivez:"si la civilisation est précisément dialogue, courtoisie, écoute, urbanité, démocratie paisible et refus absolu et sans nuance de toute malfaisance."La civilisation me semble avoir partie liée avec l'accumulation d'un capital à la fois matériel et culturel.


Sur "Mediapart", Edwy Plenel a perdu ses nerfs en entendant Emmanuel Macron parler de "décivilisation".


https://www.mediapart.fr/journal/politique/260523/decivilisation-la-diversion-extremement-droitiere-de-macron


J'y ai posté ce commentaire qu'on a estimé être au mieux un "fatras" et au pire un courrier des lecteurs de "Valeurs actuelles". Que l'on en juge! 


"Le PIJF (paysage intellectuel et journalistique français) a le secret d'hystériser les débats et cette énième sortie en-mêm-tempsiste présidentielle ne mérite pas la charge d'Edwy Plenel écrite comme un manifeste outrancier. Nous sommes depuis Nicolas Sarkozy dans le "fourre-tout fait-diversier". Faut-il voir dans cette sortie de Conseil des ministre le remugle d'agapes avec Jérôme Fourquet, l'homme très segmentant de "l'Archipel français" qui voit des tribus partout et des "tensions dans tous les segments"? À l'autre pôle, faut-il sortir comme le fait l'auteur de ce billet de très mauvaise humeur toute l'artillerie décoloniale, car le concept de "décivilisation" serait dirigé contre les boucs émissaires qui seraient seuls à concentrer toute la haine française et  [que] seraient les migrants? Les xénophobes les haïssent et les xénophiles leur déversent plutôt qu'à leurs prochains toute la philanthropie de leur altérophilie. Macron, l'homme de l'antithèse comme son prédécesseur était celui de la synthèse, ne fait qu'une diversion dont il a le secret. Il frappe un coup à droite pour que ceux qui ne discernent pas que le goût d'un homme est dans son fond de sauce croient qu'il est [de droite]. Macron emploie ce mot provocateur de "décivilisation" au sens restreint où elle serait la perte de la "civilité française" dont parlait Claude Guéant... La décivilisation macronienne n'est que le regret feint qu'il y ait des incivilités qui ne datent certes pas de ce président, même s'il radicalise tout ce qu'il touche et si sous son règne, la décivilisation qu'il brocarde comme un innocent aux mains pleines est, bien plus qu'une perte de la "common decency" chère à Jean-Claude Michéa, le prolongement dans un faisceau de violence physique de la violence psychologique, verbale et symbolique que porte sa politique. Mais qu'a à faire Macron de la vraie civilisation, celle qui donne un tant soit peu d'assise à un être humain, lui dont le sociétalisme a remplacé le socialisme pour que la société se tienne tranquille; lui pour qui il devrait y avoir équivalence des identités; lui qui dégénère les individus dégenrés comme personne, lui, le baptisé renégat, qui est plein d'idées chrétiennes devenues folles comme "il n'y a plus ni hommes ni femmes"; lui dont le personnalisme s'est évanoui sous les algorithmes; lui qui prétend détester l'assignation à résidence native et vouloir promouvoir l'égalité des chances comme un Michel Rocard, mais qui s'entoura d'un Jean-Michel Blanquer lequel rédigea la proposition de loi portée par Valérie Pécresse et Patrick Bloche d'un repérage des élèves dès l'école maternelle déterminés parce que défavorisés à devenir délinquants (la République n'a jamais imaginé déterminisme social plus écoeurant); lui qui fit défendre son service national universel par "le jeune Gabriel Attal", un ancien de l'Ecole alsacienne (j'ai pour ce ministre anti-gréviculteur la même [aversion] qu'il inspire à Juan Branco); lui qui n'est jamais tellement dans son jus que lorsqu'il fréquente l'auteur de "la Révolte des premiers de la classe"? Ces gens-là ne craignent pas de mépriser les classes moyennes qu'ils ont infériorisées tout en caressant les minorités. Mais jamais nul n'aura le droit de faire preuve de violence, non contre les fonctionnaires ou les forces de l'ordre, mais contre l'un des leurs, par exemple ce malheureux chocolatier trentenaire dont notre freluquet quadragénaire se pose en [grand]-oncle attentionné, j'ai nommé Jean-Baptiste Trogneu? "Pas touche à ma parentelle, j'ai de la branche.""

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