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mercredi 7 décembre 2022

Bruno Retailleau ou la droite bourgeoise

Si j'avais les convictions de la droite républicaine, celle dans laquelle je suis né et que j'ai quittée par populisme viscéral depuis l'enfance (mon père me demandait souvent d'où je tenais mon côté populo), je voterais Bruno Retailleau. 


Pas à cause de ses challengers:  


-Aurélien Pradier, c'est le François Ruffin de la droite. Il a partagé de beaux combats avec le second de la France insoumise, ç'aurait pu être des combats de la droite sociale, mais il les a spectacularisés de manière à jouer toujours à contre-emploi , comme on se demande ce qui motive François Ruffin, depuis son film "Merci Patron": veut-il sauver, réhabiliter ou ridiculiser les Clur? S'intéresse-t-il au sort des femmes de ménage ou les utilise-t-il comme tremplin et comme paillasson pour prendre la France insoumise et être kalif à la place de Jean-Luc Mélenchon? Veut-il faire exploser le système ou lui opposer, en esthète, l'oeil du satiriste? Est-il un camarade de Macron ou un opposant au président de la République? Aurélien Pradier veut repeindre la droite aux couleurs  d'un socialisme philanthropique qui n'a jamais été à son goût.


-Éric Ciotti est la tortue de la fable. Ou pour reprendre les mots de Philippe Bilger, "c'est un faux dur et un homme d'appareil". Personne ne l'avait vu venir quand il décida de porter la voix de sa droite sécuritaire façon Bibi Netanyahou  et pourtant de gouvernement à l'élection présidentielle. Bruno Retailleau aime le tâcler, à présent qu'il promet de rouler pour un autre: "Si j'avais des ambitions présidentielles, je me serais présenté à la primaire come Éric Ciotti." On peut d'ailleurs douter qu'il ne veuille pas se porter candidat à la magistrature suprême après avoir ripoliné son parti, si le lièvre Retailleau parvient à remonter le retard qui le sépare de la tortue Ciotti. La dynamique électorale ne paraît pas être avec lui. Éric Ciotti paraît manquer de subtilité, mais les appréciations qu'il porte sur Emmanuel Macron et que relaye le dernier Davet-Lhomme étonnent sur sa connaissance des hommes. Il gagne sans doute à être connu et il ne faut pas le sous-estimé.


Le parcours de Bruno retailleau n'est pas si exemplaire qu'il me donnerait envie de voter pour lui si j'étais républicain, car il sera passé du villiérisme et du boutinisme à l'incarnation de la droite raisonnable, il a donc l'échine souple. Mais ce qui me fait l'apprécier est qu'il a de la tenue et de l'élégance verbale, quelque belliqueux qu'il se fasse pour les besoins du pugilat électoral. Bruno Retailleau a peut-être le charisme d'une armoire normande, mais dans une armoire normande, on conserve les souvenirs de famille. 


Avec Jacques Chirac, la droite s'est dénaturée à serrer les mains vachardes du franchouillard blanc cassis aux comices agricoles et à mettre la main au panier des vaches. Elle s'est dénaturée d'une autre manière par le côté "énergéticien" (comme le qualifiait Tony Blair) de Nicolas Sarkozy. Elle se dénaturerait si elle mettait son attention sociale au premier plan comme voulait le faire Aurélien Pradier et comme savait le faire Valéry Giscard d'Estaing, le social étant dans son ordre, au second plan. 


La droite est bourgeoise et c'est cet ancrage que Bruno Retailleau veut lui redonner. Je suis gaulliste à la façon tautologique de Paul-Marie-Couteaux: j'aime que les choses soient ce qu'elles sont, que la Russie soit la Russie, que Fécamp soit un port de pêche et entende le rester,  que la bourgeoisie soit de droite et que la droite soit l'appareil de la bourgeoisie, une bourgeoisie philanthropique qui ne s'est pas perdue de vue, comme cet autre rejeton de la bourgeoisie qu'est Emmanuel Macron, lequel incarne, malheureusement pour lui et pour nous et come je l'ai souvent écrit, cette perdition de la bourgeoisie. 


Sur les ruines de mon populisme, je suis attaché aux valeurs dans lesquelles j'ai été élevé. C'est pourquoi, si j'étais républicain, je voterais Bruno Retailleau.  

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