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vendredi 18 février 2022

L'index de Bolloré

On aurait souhaité que le pluralisme s'impose de lui-même aux journalistes comme un devoir d'honneur lié à la liberté de la presse et de l'information. Les journalistes l'ont négligé, donnant à la gauche dont ils étaient majoritairement issus, le monopole de la culture et du choix (donc de la représentation), comme de l'interprétation de l'information (ou du présent sélectionné de l'actualité), et entretenant l'illusion d'un progressisme monolithique avec ses effets cliquet et ses mouvements irréversibles vers une société en voie d'émancipation et de libéralisation des moeurs qui avait pour corollaire (mais cela, les journalistes de gauche ne s'en sont pas aperçus), une soumission de plus en plus insensible au néo-libéralisme économique bon teint, formant la vulgate de l'opinion, à la manière dont Céline Pigale , dans la citation que vous reproduisez, ne fait que réciter l'adage qui justifia Chirac dans sa volonté de ne rien faire de ses deux mandats présidentiels, et qui peut se résumer ainsi: "Il ne faut pas bouleverser les équilibres sociaux. La société est tellement fracturée qu'il vaut mieux ne pas toucher le malade pour étouffer ses cris." 

Aussi a-t-on préféré pratiquer la rétention d'information ou ne pas faire de journalisme dissensuel dans les chaînes info d'avant "Cnews", qui sait jusqu'où ne pas aller trop loin dans le déchaînement du clivage.


Les journalistes de gauche, malgré leur sociétés de rédaction et leurs assauts de déontologie, n'ont pas su s'imposer la discipline de la liberté de la presse. Il aura fallu qu'un Vincent Bolloré leur morde les mollets pour que le conservatisme rentre dans la presse par la bulle économique, détruisant jusqu'à la dérision de "l'esprit Canal", avec un grand patron certes caricatural, dont Eric Zemmour avoue dans "la France n'a pas dit son dernier mot" qu'il est sa créature, un "deal", qu'il décrit à demi-mots dans cet ouvrage, ayant été passé pour le faire émerger sous la houlette d'un prêtre, directeur de foyer d'étudiants financé par Vincent bolloré, et de conscience de son ouaille impétueuse contre les excès de son affairisme. 


Les journalistes progressistes se retrouvent pris dans la nasse du pluralisme autoritaire d'un commanditaire décomplexé, qui n'a pas hésité, quand il prit la tête de "Canal plus", à tourner des pilotes de sketchs qu'il voulait voir désormais mis à l'antenne. "Cnews" pas plus qu'aucun des titres de Vincent bolloré n'a le droit de se moquer du patron ni de commenter son actualité ou ses affaires françaises ou africaines, car il n'a pas un grand sens de l'humour. Vincent Bolloré assume sans complexe l'adage: "Qui commande paye."


L'index de Bolloré est montré du doigt par celui de médias traditionnels, qui se trouvent tout désappointés, car c'est depuis la bulle néo-libérale qu'ils n'ont jamais dénoncée, tout acquis à la pensée du "Cercle des économistes" ou de "Terra nova", que Vincent Bolloré a acquis son magistère moral et monté le piédestal de sa domination, comme un pied-de-nez à la bien-pensance généreuse sur fonds publics, subventions à la presse et contrôle volontairement léger de milliardaires qui n'étaient pas fâchés de faire croire que leur argent ne les empêchait pas d'être philanthropes. 


Les médias sont désappointés, mais ne manquent pas de culot.  

En marge du journalisme (puisque tel est désormais la place des livres), Achille Brettin (alias Antoine Gallimard pour les non céliniens), qui a immédiatement cédé à la mode du néo-puritanisme en déséditant Gabriel Matzneff aussitôt qu'il fut accusé par Vanessa Springora, avertit contre un monopole tant "économique qu'idéologique" que pourrait s'arroger Bolloré s'il prenait le contrôle du groupe Lagardère et d'Hachette.


Les journalistes progressistes n'auraient pu imaginer que le dernier avatar de celui-ci et de "la société ouverte" (s'il faut absolument faire allusion à George Soros dans ce bref développement), serait le machinisme algorithmique d'un Emmanuel Macron tellement déshumanisé que François Bayrou l'avait qualifié d'hologramme avant de se rallier à son panache blanc-cassé, et que notre président soi-disant progressiste pourrait passer pour transhumaniste, tant il déconsidère ses concitoyens. 


Quant à l'idéologie de Bolloré, c'est celle de "Baba"-Hanouna (qui ne fait pas que de la mauvaise télé), d'Elisabeth Lévy et du catholicisme conservateur le moins vertébré et le moins cortiqué, il ne faudrait pas prendre les enfants du bon Dieu pour des cygnes...


Ce qui suit n'intéresse que votre serviteur, mais j'ai terriblement manqué de jugeote. Au lendemain de l'escapade sarkozyste sur le yaght de Bolloré, j'intervenais sur "Radio ici et maintenant" et trouvais qu'on en faisait beaucoup à propos du prétendu empire médiatique de Vincent bolloré qui, n'ayant pas grand-presse, ne pouvait influencer fortement le nouveau président. "qui lit Direct matin" et "Direct soir"?, demandai-je, me rappelant sans doute la phrase de Ségolène Royal: "qui connaît Eric Besson?".  Depuis lors , le petit empire Bolloré est devenu grand, Eric Besson est tombé dans l'oubli et Patrick Buisson est passé de Martin bouygues à Vincent bolloré pour faire réussir l'aventure d'Eric Zemmour. Quant à Jean-Yves Le Gallou, son émission E-médias sur "TVlibertés" ne dénonce pas avec la même acrimonie l'influence que VincentBolloré a sur son poulain Eric Zemmour qu'il n'éreintait  celle de Patrick drahy sur Emmanuel Macron, mais ceci est une autre histoire. 

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