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lundi 14 février 2022

La mort de Dieu

Il est difficile de parler de la mort de Dieu, mais nous comprenons d'instinct ce qu'est la mort à soi-même: c'est faire le deuil de sa propre image. Prendre sa croix est encore autre chose, ce n'est pas accepter passivement ce deuil, c'est prendre à bras-le-corps la volonté de briser l'idole, c'est briser l'image, c'est provoquer ce deuil.


Restent les questions posées par la mort de Dieu. Tout d'abord, qui meurt en Jésus-Christ, de l'homme divin seulement ou de Dieu tout entier? Si l'homme est seul à mourir, la logique est sauve, mais le compte n'y est pas. En effet, comment le Créateur de l'univers pourrait-Il mourir? Mais Dieu pourrait-Il S'incarner sans que toute la divinité s'engage et en meure? Il en va d'une incarnation au rabais comme de l'"exception du péché" dans l'Incarnation du Fils. "Il S'est fait homme à l'exception du péché": c'est comme s'il se faisait homme à l'exception du principal. Car la nature humaine n'est pas entièrement pécheresse, entièrement pourrie, elle est semi-pécheresse, semi-déchue, à moitié foutue. Mais ce qui la caractérise est d'être foutue à ce point-là, est d'avoir subi la chute, est d'être capable de pécher (et non de persister simplement dans son être).


"Il s'est fait homme à l'exception du péché", nous n'en serions pas à un oxymore près si Jésus ne S'était  fait péché en mourant sur la Croix, et c'est en cela que consiste sa "mort pour nos péchés".


Quid alors de l'exception de la "mort de Dieu" dans celle du Christ-Fils? Il fallait bien que quelque chose de Dieu ne meure pas pour qu'ait lieu la victoire sur la mort; il fallait bien que la justice de Dieu ne meure pas. On peut certes s'en tirer en disant que Dieu le père est mort de déréliction en voyant la mort de Son fils. Les "entrailles du Père" ont dû s'émouvoir de compassion en sentant l'angoisse de Jésus-Christ dans la nuit de Gethsémani, mais le Père ne L'a pas consolé pour Le laisser S'ensevelir dans cette angoisse et choisir d'entrer dans Sa mort. Le Père n'a pas consolé, Il n'a pas assisté le Fils dans l'angoisse de son agonie, il ne le fallait pas. Je ne sais pas pourquoi le Fils a tellement tenu à répéter le Père, mais je crois que le Père laisse le Fils faire ses choix. Le fils S'empare du Père pour Le répéter, sans intention de Lui donner la mort, sans intention de Le tuer, mais le Père ne s'empare pas du Fils, au contraire de la mère qui met au monde un "être pour la mort" aussi longtemps qu'elle donne toute latitude à son instinct fusionnel, à son instinct maternel de se l'approprier et de le posséder. Le Père donne la vie pour se déposséder, voudrait-il se prolonger en la donnant; la mère voudrait la donner pour se donner et s'oublier en se donnant, elle en a les aptitudes biologiques et les entrailles du coeur, mais le plus grand danger qu'elle court en se donnant ainsi est de se donner à elle-même.


La Résurrection du Christ est objet de foi et travail d'enfantement de notre esprit à l'incroyable; la mort du Christ est constatable. Elle est constatable dans l'évidence qu'on a voulu nier au point d'avancer  que le Christ a été substitué et soustrait à la mort pour ne pas avoir à ressusciter. Elle l'est encore dans le procès qu'"on" (et d'abord le christianisme) a voulu intenter à Ses frères en humanité persécutés au "Golgotha  du monde" qu'est la Shoah qui, si elle n'avait pas cette atroce singularité, serait un génocide comme les autres, un génocide affreusement banal.


Mais il fallait que Dieu s'engage plus avant dans Sa mort pour que Ses enfants prétendent constater "la mort de Dieu", en ne se rendant pas compte que la mort de l'homme suit de près le constat, moins objectif qu'optatif, de la mort de Dieu.


Pourquoi Jésus fixe-t-il les bornes du plus grand amour à donner Sa vie pour ses amis? Le plus grand amour n'est-il pas, par impossible,  de la donner à ceux que l'on aime pas? Là encore, la limite paraît logique: je n'aime que ceux que j'aime, et je ne peux pas donner une preuve d'amour à ceux que je n'aime pas. Mais la Parole de Dieu ne passe-t-elle pas la simple logique? Une réponse consolante est de penser que Dieu ne peut pas ne pas aimer. Mais cela est un peu trop cousu de fil blanc.

 

1 commentaire:

  1. Je pense que le discours ci-dessus est plus philosophique ou psychologique que théologique...

    Je le regrette !

    N'est-il pas dit :
    Si vous ne devenez comme de petits enfants !?

    Ou :

    Heureux les simples d'esprit !?

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