Il est difficile de parler de la mort de Dieu, mais nous comprenons d'instinct ce qu'est la mort à soi-même: c'est faire le deuil de sa propre image. Prendre sa croix est encore autre chose, ce n'est pas accepter passivement ce deuil, c'est prendre à bras-le-corps la volonté de briser l'idole, c'est briser l'image, c'est provoquer ce deuil.
Restent les questions posées par la mort de Dieu. Tout d'abord, qui
meurt en Jésus-Christ, de l'homme divin seulement ou de Dieu tout
entier? Si l'homme est seul à mourir, la logique est sauve, mais le
compte n'y est pas. En effet, comment le Créateur de l'univers
pourrait-Il mourir? Mais Dieu pourrait-Il S'incarner sans que toute la
divinité s'engage et en meure? Il en va d'une incarnation au rabais
comme de l'"exception du péché" dans l'Incarnation du Fils. "Il S'est
fait homme à l'exception du péché": c'est comme s'il se faisait homme à
l'exception du principal. Car la nature humaine n'est pas entièrement
pécheresse, entièrement pourrie, elle est semi-pécheresse, semi-déchue, à
moitié foutue. Mais ce qui la caractérise est d'être foutue à ce
point-là, est d'avoir subi la chute, est d'être capable de pécher (et
non de persister simplement dans son être).
"Il s'est fait homme à l'exception du péché", nous n'en serions pas à
un oxymore près si Jésus ne S'était fait péché en mourant sur la
Croix, et c'est en cela que consiste sa "mort pour nos péchés".
Quid alors de l'exception de la "mort de Dieu" dans celle du Christ-Fils? Il fallait bien que quelque chose de Dieu ne meure pas pour qu'ait lieu la victoire sur la mort; il fallait bien que la justice de Dieu ne meure pas. On peut certes s'en tirer en disant que Dieu le père est mort de déréliction en voyant la mort de Son fils. Les "entrailles du Père" ont dû s'émouvoir de compassion en sentant l'angoisse de Jésus-Christ dans la nuit de Gethsémani, mais le Père ne L'a pas consolé pour Le laisser S'ensevelir dans cette angoisse et choisir d'entrer dans Sa mort. Le Père n'a pas consolé, Il n'a pas assisté le Fils dans l'angoisse de son agonie, il ne le fallait pas. Je ne sais pas pourquoi le Fils a tellement tenu à répéter le Père, mais je crois que le Père laisse le Fils faire ses choix. Le fils S'empare du Père pour Le répéter, sans intention de Lui donner la mort, sans intention de Le tuer, mais le Père ne s'empare pas du Fils, au contraire de la mère qui met au monde un "être pour la mort" aussi longtemps qu'elle donne toute latitude à son instinct fusionnel, à son instinct maternel de se l'approprier et de le posséder. Le Père donne la vie pour se déposséder, voudrait-il se prolonger en la donnant; la mère voudrait la donner pour se donner et s'oublier en se donnant, elle en a les aptitudes biologiques et les entrailles du coeur, mais le plus grand danger qu'elle court en se donnant ainsi est de se donner à elle-même.
La Résurrection du Christ est objet de foi et travail d'enfantement
de notre esprit à l'incroyable; la mort du Christ est constatable. Elle
est constatable dans l'évidence qu'on a voulu nier au point d'avancer
que le Christ a été substitué et soustrait à la mort pour ne pas avoir à
ressusciter. Elle l'est encore dans le procès qu'"on" (et d'abord le
christianisme) a voulu intenter à Ses frères en humanité persécutés au
"Golgotha du monde" qu'est la Shoah qui, si elle n'avait pas cette
atroce singularité, serait un génocide comme les autres, un génocide
affreusement banal.
Mais il fallait que Dieu s'engage plus avant dans Sa mort pour que
Ses enfants prétendent constater "la mort de Dieu", en ne se rendant pas
compte que la mort de l'homme suit de près le constat, moins objectif
qu'optatif, de la mort de Dieu.
Je pense que le discours ci-dessus est plus philosophique ou psychologique que théologique...
RépondreSupprimerJe le regrette !
N'est-il pas dit :
Si vous ne devenez comme de petits enfants !?
Ou :
Heureux les simples d'esprit !?