On attend que l'Eglise -et les catholiques se taisent sur la bioéthique.
Il y a d'abord une raison d'opportunité qui dépasse l'attente de la société. La parole de l'Eglise ne modifie pas une situation de fait depuis 1986, où la PMA (qu'on appelait jadis l'"insémination artificielle") est autorisée, est fonctionnelle et donne le jour, ô surprise!, à des enfants viables et souvent heureux, enfants de l'amour au moins autant que ceux issus d'une relation sexuelle classique, pas toujours amoureuse, tant s'en faut.
Enfants de l'amour ou du désir, tempérerais-je, car pourquoi vouloir à tout prix un enfant issu pour tout ou partie des gamètes du couple, plutôt que d'encourager (et de s'engager dans) la difficile et oblative aventure de l'adoption?
Cette contradiction entre un enfant issu d'une démarche procréative encadrée ou médicalement assistée et l'adoption est mal perçue en général. Il est plus facile de dire que la PMA favorise la logique consumériste plutôt que de dénoncer que le désintérêt pour l'adoption accuse une logique égoïste de la part des couples ambitionnant l'accès à la parentalité biologique hors des voies communes de la fécondation.
Mon expression brutale passe sans doute à côté, car je n'ai pas d'enfant, de l'appel de la chair, même si les voies et moyens d'avoir un enfant qui soit charnellement rattaché au couple parental via une FIVE, ne sont pas très biologiques.
La parole de l'Eglise touchant l'extension de la PMA aux couples de femmes est inutile parce que c'est la PMA qui fait problème en soi, or celle-ci est déjà inscrite dans la loi, et elle donne le jour à des enfants viables. La refuser à des couples de femmes et, en effet, plus tard, à des couples homosexuels masculins via la GPA faute d'une autre solution dans notre cadre législatif (comme par exemple l'autorisation de donneuses d'ovocytes anonymes), est une discrimination qui sera bientôt déclarée illégale.
-Mais la parole de l'Eglise est irrecevable pour au moins trois autres raisons:
-Elle prend trop de biais rhétoriques pour masquer que l'Eglise est obsédée par les limites antérieures et postérieures de la vie humaine, le refus de la PMA et de l'euthanasie masquant une peur de ces deux seuils que sont la naissance et la mort.
La parole marquée par la peur passe pour névrotique et notre société d'émancipation récuse une parole qu'elle présume inspirée par la névrose.
-La PMA est un détournement de la relation sexuelle qui jusqu'ici était liée au processus de la reproduction humaine. Or la société ne supporte plus d'entendre l'Eglise parler de sexualité. Il faudrait pour qu'elle soit audible que sa parole soit purifiée par une véritable intention de lutter contre la "culture de l'abus" jusqu'à la racine de ses pratiques et au-delà de la dénonciation des scandales et des scandales du passé. Or l'Eglise n'est qu'au début de cette lutte. Sa parole ne retrouvera une légitimité en la matière que vérifiée et purifiée par une longue pratique et pas seulement par le traditionnel et incantatoire "plus jamais ça, plus jamais la guerre, plus jamais l'avalanche".
-Enfin et surtout, on n'attend pas l'Eglise, qui s'est trop longtemps révélée incapable de se comporter normalement, sur une parole normative. On l'attend sur une tentative de répondre à la question du "pourquoi" lorsque survient le malheur qui n'a été causé par aucun désordre ou choix de la liberté humaine. Pourquoi l'enfant surhandicapé ou victime de toutes les injustices de la vie? Pourquoi l'enfant sur lequel le sort s'acharne? L'Eglise ne peut pas se contenter de dire: "Je ne sais pas, mais je compatis." Elle doit déployer un effort intellectuel tout aussi généreux que l'énergie qu'elle gaspille à s'exprimer sur des sujets sur lesquels la société qui est gavée de ses leçons de morale ne lui demande plus son avis.
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