samedi 17 novembre 2018
Catholicisme, transport et attachement
Posté sur le blog de Philippe Bilger, en commentaire de son article:
https://www.philippebilger.com/blog/2018/11/le-catholicisme-ne-re%C3%A7oit-pas-que-des-crachats-.html
- La citation d'Olivier de Kersauson me plaît comme lui plaît la religion: "La religion consiste quand même à considérer au quotidien qu'on traverse un monde qui nous dépasse."
Né au début des années 70, j'ai grandi dans un monde qui avait tourné et une Eglise qui avait "changé la religion" comme disent à raison, objectivement, les catholiques traditionalistes. Le Dieu de mon enfance ne me révélait pas un monde qui me dépassait, mais me révélait au monde et était intérieur à moi-même. L'immanence est individualiste. La religion de mon enfance refaisait le monde à partir de moi. Elle m'apprenait à aimer le monde sans donner de moi-même. Aimer, ce n'était rien donner et surtout pas sa vie pour des causes, des persistances qui pouvaient la dépasser. Ma vie, mais toute vie individuelle était indépassable.
Dieu nous a créés par amour et pour Lui, nous dit-on, ce qui est une contradiction dans l'intention. Mais il est tout aussi contradictoire de l'aimer en partant de soi et pour soi. On n'aime jamais pour se faire du bien, mais en voulant le bien de ce qu'on aime et en se retirant, au besoin, pour qu'il existe, puisqu'on ne peut lui donner que ce qu'on n'a pas.
- Ce grand farceur de Kersauson n'a jamais fait, de sa vie, de plaisanterie contre une religion, "pour ne pas faire de la peine à des gens qui ne peuvent pas se défendre, qui ont un attachement fort." Où l'on comprend l'ineptie du droit au blasphème. Le blasphème ne respecte pas le sacré des autres et on ne devrait avoir aucun besoin de blasphémer ce en quoi on ne croit pas. Les caricaturistes de "Charlie" sont morts de ne l'avoir pas compris. Car en dernière analyse, et si l'on sort une seconde de la condamnation sans réserve du terrorisme considéré à raison comme une barbarie, les auteurs de l'attentat contre Charlie ne pouvaient pas se défendre quand on ne respectait pas leur prophète. Ils ne pouvaient pas se défendre et ils ont fait preuve de violence, par incapacité à élever une protestation et parce que la religion dont ils sont les adeptes est violente. Comment peut-on les aider à sortir de cette violence, nous qui ne comprenons pas l'islam de l'intérieur ? Je ne sais pas. Mais ce n'est certainement pas en insultant les musulmans, même ceux, nos persécuteurs, les "seconds couteaux de notre persécution" (Philippe Signez), le premier étant l'"envie du malin par laquelle la mort est entrée dans le monde" (Siracide), qui vivent leur religion de façon primitive.
L'islam a engendré des sociétés très harmonieuses, mais que le moindre caillou dans la chaussure, la moindre transgression, qui est à tous les étages chez l'être humain, fait vaciller, imploser, car l'homme n'est pas longtemps capable d'harmonie. C'est peut-être ce que lui rappelle la musique contemporaine. La tolérance est un moins-disant, car elle est une solidarité sinon dans le mal, dans la condition de pécheur, mais elle rend capable d'humanité. La tolérance nous fait fraterniser. Elle n'est pas dans l'ADN de l'islam qui est un légalisme tendu par la peur de la transcendance dans des pays arides. Je respecte les musulmans, mais pense que l'islam est une arriération religieuse, et suis peut-être en pleine contradiction avec moi-même en émettant un jugement aussi hâtif et péremptoire, à moins qu'on ait le droit de critiquer une religion, mais pas celui d'en plaisanter.
- "Un souffle" "nous a fait un signe". Puis "fugitifs, ces instants s'évanouissent." A moins de consentir à nommer ce qui nous a fait signe. Alors, celui que Dieu par son Esprit a transporté ne pourra plus jamais se détacher de lui. Il pourra vivre, malheureusement, en croyant inconverti. Une petite voix lui dira qu'à sa mort, il sera admis au "festin des pardonnés". Mon ami l'abbé Guillaume de Tanoüarn écrit magnifiquement que la brebis qui a choisi la bergerie du Christ a acquis le droit d'entrer et de sortir du Christ. Même s'il sort, même s'il quitte le Christ, le Christ ne le quittera jamais, en sorte qu'il pourra toujours, ou qu'il devra malgré lui, rentrer dans l'enclos qu'il a choisi, en disciple indocile, qui apprivoise mal la condition de suiveur. Le transporté est un éternel attaché. Je n'ai jamais compris que la religion prône le détachement qui, s'il est difficile, n'est qu'un antidouleur, un antidote à la douleur. L'attachement est douloureux.
- En lisant votre billet, je pensais à Jean d'Ormesson. Il se disait un "catholique agnostique", ce dont sa formule "J'espère en Dieu", que je l'ai entendu prononcer, était un développement. Jean d'Ormesson se rattachait à la vertu théologale qu'il possédait le mieux. Il avait, comme vous l'avez peut-être, la vertu d'espérance. J'ai la foi. Il faut s'encorder à la vertu théologale dont on est le mieux doté comme, dans la connaissance de soi, m'a appris mon meilleur ami, il faut discerner sa plus grande qualité, aimer cette qualité et se rattacher à cette qualité pour développer sa personnalité. Une vertu théologale est une vertu donnée par Dieu Lui-même.
Pourquoi le catholicisme favorise-t-il l'agnosticisme ? Parce qu'il a une anthropologie optimiste. Pour un catholique, le péché est grave, mais il n'est pas mortel, si je puis dire. Parce que Dieu passe infiniment l'homme et que sa Miséricorde ne noie pas, mais brûlera tous les péchés du monde.
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