Mon oncle Claude disait qu'on avait tort d'aimer la littérature du XIXème siècle, car les auteurs y déclinaient un sentiment unique, qui DEVENAIT la monomanie de leurs œuvres, bien qu'ils l'affriolassent des descriptions les plus barriolées et des circonstances les plus foisonnantes.
Revenant depuis quelques jours à balzac, je m'aperçois que, si Maupassant a illustré la solitude dominant le frémissement de la présence sensitive, Balzac peint l'égoïsme.
Je croyais qu'il en affublait les seuls célibataires comme le curé de Tours ou comme le cousin Pons, ce musicien, cet artiste. Mais l'égoïsme est aussi la passion qui étreint les filles du père Goriot, ce "Christ de la paternité". C'est surtout la passion qui domine le chercheur de l'Absolu, le savant, cet artiste.
Les héros esthétiques ou moraux de Balzac étaient le savant et l'artiste, ceux de Bergson furent l'artiste et le saint, dominés par "l'élan vital".
Balzac a eu des excuses à être égoïste: il ne fut pas visionnaire, mais il créa un monde.
Je dis qu'il ne fut pas visionnaire en corrélation avec une réflexion que je me suis faite sur le manque de capacité visionnaire de l'aveugle, qui a certes une intuition du monde, mais trop enclose dans le réel et comme un décalque du monde tel qu'il existe.
L'aveugle et Balzac ont peu d'imagination. Ils ont certes une imagination débordante, mais elle n'est pas fantastique.
Leur tête est peuplée de personnages. Plus on met de noms sur des visages, et moins on pénètre l'âme de quelqu'un. Plus on se prothèse de monde et moins on trouve de frères. Par où l'on est ramené à l'égoïsme des célibataires.
Mais peut-on échapper à l'égoïsme de Balzac et à la solitude de Maupassant? Lequel est la conséquence de l'autre?
La solitude pourrait pousser l'égoïsme au solipsisme et l'égoïsme entraîner la solitude dans l'amertume. Mais le solitaire égoïste sait qu'il partage ces deux conditions avec ses semblables. Il peut être le moins mysanthrope des hommes, s'il choisit d'écouter ou de refléter ce que les autres sont sans le savoir. Aimer peut commencer par ne pas se faire d'illusions.
Croire en la solidarité naturelle, en la télépathie générale ou à la communion des saints est peut-être plus superficiel que de donner quelque chose à qui ne nous est rien avant même de ne rien nous avoir demandé.
mardi 3 mai 2016
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