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samedi 28 mai 2016

Charismatisme et pentecôtisme, oecuménisme et charité

J'aime le pentecôtisme tel que je le vois pratiqué par les évangélistes, je n'aime pas le charismatisme. Le peu d'expériences que j'ai faites de ce milieu m'a montré un panier à crabes où toujours, se développaient des situations malsaines, proches de l'abus sexuel. Dans la communauté des béatitudes du frère EphraÏm avec laquelle j'ai fait un voyage à Rome lorsque j'avais quinze ans et qu'elle s'appelait encore "le lion de Juda", on nous disait de ne pas nous tenir la main et de ne pas flirter. Or, aussi bien Ephraïm (l'ancien pasteur Gérard Croissant)que son beau-frère Philippe Madre, médecin psychiatre, quand ils avaient fini de prononcer leurs magnifiques conférences sur la "purification passive des sens" ou de faire des écoles d'oraison où Ephraïm me révéla en audio (je lui dois ça et c'est une grande dette), la phrase de sainte Thérèse d'Avila ou du cantique, je ne sais plus : "Ne réveillez pas l'amour avant qu'il le veuille", bien qu'ils fussent mariés et pères de famille, se livraient à des turpitudes avec quelques-unes de celles qui leur étaient toutes dévouées, et confiaient leur cœur à leur guidance spirituelle. Il y a dans le charismatisme un vice de fond, dont j'ai senti le malaise à la lecture du livre de MoniqueHébrard, LES NOUVEAUX DISCIPLES : c'est que le pentecôtisme catholique introduit en son sein une double hiérarchie, celle des prêtres et celles des leaders (charismatiques, ça va de soi). Traditionnellement, dans l'Eglise, le pouvoir des prêtres est tempéré par celui des prophètes ou des mystiques. Il peut même s'opérer de cette manière une reconfiguration naturelle des rôles masculin et féminin. Mais si le prêtre et le leader représentent deux pouvoirs, le conflit d'autorité deviendra très vite un conflit de loyautés. Le prêtre mettra sa personne et les Sacrements qu'elle dispense au service du leader, auquel on ne demandera pas d'être inspiré, mais de savoir mener sa barque, exalter et transporter. Dans le pentecôtisme protestant plus couramment désigné sous le nom d'évangélisme, ce conflit disparaît puisqu'il n'y a plus de prêtres. Les leaders font face aux prophètes, et les pouvoirs se retrouvent finalement redistribués selon la configuration naturelle à toutes les sociétés sacrées, dont Jean-Claude Carton disait qu'elles sont "fortement hiérarchisées", et où la division du travail s'opère entre le mage et celui qui fait tourner la boutique, en prodiguant les enseignements classiques et en réglant les affaires courantes. Je vis à Mulhouse où rayonne la plus grande mega church de France, sans parvenir à convaincre les prêtres à qui j'ai affaire de prendre langue avec ses leaders qui ne sont pas de leur chapelle, et que le nouvel œcuménisme, même dans cette zone sismique où nous vivons, et où le fossé s'est creusé entre le catholicisme et la réforme, ne consiste pas à se fréquenter entre personnes de confession différente ayant la même sensibilité spirituelle, c'est-à-dire habitant dans la même demeure spirituelle même si la chaire des Églises est autre, mais à prendre la mesure que le renouveau chrétien sera assuré par les évangélistes, qui sont devenus théologiquement beaucoup plus créatifs que nous, qui se sont inculturés la Bible et l'exégèse, et qui rendent désuet notre folklore religieux, même l'orgue que j'aime pourtant si mal servir... Ce qui néanmoins me gêne lorsque j'écoute un évangéliste, quelle que soit la puissance et l'ardeur du feu qui l'anime, ardeur qui a fait dire au journaliste Joseph Confavreux, après avoir fait un reportage sur les animateurs de "la mission du plein évangile" de Mulhouse, que jamais, il n'avait interviewé personne de si intense, c'est certes qu'ils sont habités, mais ils sont dépossédés d'eux-mêmes. Leur personnalité s'épanouit, mais seulement dans la mesure où ils l'ont abdiquée. C'est du reste exactement ce que dit l'Evangile, quand il affirme que "celui qui veut sauver sa vie la perdra". Mais comment puis-je avoir été créé pour me perdre ? Ce qui plus globalement me gêne de plus en plus dans l'Eglise, c'est que finalement, on ne s'y aime pas, ou on n'y aime pas. Dans les communautés classiques, on demande à Dieu de "briser notre indifférence" et on Le prie pour que d'autres aient la force de s'occuper des démunis ; mais quand la messe est finie, on s'en contente. On ne trouve pas scandaleux que quelqu'un puisse se sentir seul dans une église. Et on a la dent dure : on ne dirait jamais en chaire qu'il y a des gens que l'on n'aime pas; mais quand on parle en privé, il y a des tas de gens qu'on traite allègrement d'imbéciles alors que l'Evangile l'interdit formellement. Certes, l'Evangile n'est pas de la guimauve, mais il devrait nous faire penser que "tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil", si le fruit de l'Esprit est "la bienveillance" et "la confiance dans les autres". Ça ne veut pas dire qu'on trouve que tout le monde agit bien. Dans les églises évangéliques, la chaleur humaine est de rigueur, mais ce n'est qu'un pare-feu. On aime son prochain dans une démarche marketing, et pour lui éviter d'aller rôtir en enfer, au cas où ils ne "[recevraient] pas Jésus-Christ comme son Seigneur et Sauveur personnel". On aime les autres dans la crainte de leur châtiment, ou on les aime en vue de leur salut. On relativise donc l'amour qu'on leur porte. Or l'amour est absolu. Il ne se divise pas et doit être tout entier dévoué à son objet. Le christianisme se pose en religion de l'amour. Il en aurait même le monopole. Si l'Amour de dieu atteint sa perfection, il devrait absolutiser l'amour du prochain sans aucune transitivité, ni aucune autre finalité que lui-même. L'amour de Dieu devrait faire de l'amour du prochain un absolu, et un impératif catégorique, qui soit comme le poumon naturel de la morale. L'Amour de dieu devrait être en vue de dieu et l'amour du prochain en vue du prochain, même si tout amour a sa raison en Dieu. Mais cette raison est transcendante, elle ne concerne pas le singulier de cet amour.

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