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jeudi 4 mars 2010

Un concentré de ma pensée dans une lettre à mon neveu (de rameau) au sujet de ses aphorismes.

Du blog :http://rimbe.canalblog.com/
http://rimbe.canalblog.com/archives/2008/12/30/11913111.html

Resonnances a tes aphorismes


Mon cher Simon,

Plutôt que de m'engager dans des commentaires (carle statut du commentateur est prétentieux quand on y pense, et j'aspire à ne prétendre à rien), je voudrais te dire comment résonnent en moi certains de tes aphorismes. C''est la suite de mon épisodique, mais profonde exploration de ton blog.

La nature de la vérité : tu la dis "temporaire" : c'est un constat lucide sur la nature de l'être en évolution. Il n'est pas facile d'admettre qu'on ne naît pas tout cuit ou tout cru, que l'évolution fait partie de la croissance. Mais voici ma touche (non ma retouche) : à mes yeux (je pèse mes mots), la vérité doit être à notre goût. C'est une conception qualitative et esthétique de la vérité. La vérité doit être à notre goût : autrement dit, la vérité doit être belle. La beauté sauvera-t-elle la vérité ? Je ne sais pas si "la vérité" "rend libre", mais on n'est pas libre devant la vérité. Dans une certaine mesure, la vérité. La vérité échappe àl'adaptation. Echappe à l'adaptation.

"Plutôt que de prouver votre vie, affirmez votre existence…"
Qu'est-ce au juste que de prouver sa vie? J'ai pour ma part écrit que l'homme n'est pas corvéable à l'enfer de la preuve. On n'a rien à prouver. On ne peut pas prouver sa vie (sous réserve de ta définitiion), mais on l'éprouve assurément. Et par bien des côtés, la vie est une mise à l'épreuve. Du moins, beaucoup de gens l'ont-ils pensé. Ils se sont même faits une religion de le croire. Quant à "affirmer son existence", à vrai dire, je n'en vois pas la nécessité. Ou, si nécessité il y a, elle est toute intestine. On affirme son existence pour se sentir vivre. Mais que se passerait-il si on se mettait en état de ne pas avoir besoin d'éprouver ce sentiment ? est-ce la remarque désabusée de quelqu'un qui n'aime pas la vie ? Je l'aurais faite il y a un an, ça l'aurait certainement été. Mais force m'est de constater avec étonnement que j'aime la vie de plus en plus. Le plan de ma mère a donc marché…

Les angles morts de la pensée sont la source de tous nos désaccords. Je n'avais jamais pensé à parler d'"angle mort": je ne disais que "les points aveugles".

De même que je ne vois pas la nécessité d'"affirmer son existence", j'ai des doutes sur l'opportunité de "devenir le dieu de sa vie". Assurément, c'est une belle vision du processus que d'écrire que "c'est cela, l'amour : devenir Dieu", mais je crains que notre époque (pour faire un autre lien avec une chose dont tu parles aussi) ne traverse actuellement l'impasse de croire que l'amour mène à soi. Nul plus que moi ne dira qu'il faut être l'ami de soi, mais ceci est un point de départ, pas un point d'arrivée. La raison d'être de l'amour est l'autre. L'amour part de soi pour mener à l'autre. Autrefois, l'impasse était de croire que l'amour partait de l'autre pour mener à Dieu. Ce qui me paraît plus juste dans notre appréciation actuelle est que l'amour part de soi pour mener à dieu, Dieu servant de joint entre soi et l'autre. Est-il bien raisonnable de parler d'un Dieu serre-joint ? On peut en rire, mais au-delà du sens de l'humour, le fait que Dieu serve de joint nous amène à déduire la dimension relationnelle de l'Absolu. Il serait vaind'associer, pour le seul plaisir du paradoxe, l'absolu au relatif. Et pourtant, l'absolu est relationnel : dieu fait le pont entre moi et l'autre. C'est peut-être de là que sont partis ceux qui ont instauré ou découvert le dogme de la Trinité. La dimension relationnelle de l'Absolu divin, son aspect trine, est peut-être une découverte qui nous sert à penser.

"-Toute la mécanique de l'esprit rejoint celle du corps qu'elle transcende." Or Dieu Est Esprit. "Entendez-vous la voix de votre esprit ?" Dieu nous parle dans la conscience. Notre "voix intérieure" est notre intermédiaire entre nos personnes et dieu. La voix intérieure est angélique. Autre manière d'exprimer l'ancienne Foi dans les anges gardiens. Parfois aussi, la voix intérieure s'exprime sous l'aspet d'une tentation : et l'on s'étonne qu'on ait vu dans le diable un ange… Beaucoup sont révulsés que l'on puisse demander à dieu de ne pas nous "soumettre à la tentation". Ils disent que ce n'est pas Lui Qui peeut nous y soumettre : ils ont une intuition très immédiate de la bonté de dieu. Un peu comme celle que tu soutiens de "la voix de (notre) esprit" qui nous "remet à notre place", très spontanément et positivement.

"Je pense en effet qu'il faut prendre garde à ne pas trop ouvrir ses frontières intérieures", non seulement par crainte de ceux qui y pénètrent (et qui, comme tu le dis, ne sont pas nécessairement bienveillant : ils veulent peut-être nous posséder, nous envahir…), mais aussi parce qu'observer un certtain protectionnisme, autrement dit rester discret et sur sa réserve est le meilleur garant d'un bon enracinement en sa pensée. Tout ce qui monte convergeant, pourquoi pas nous ? Je veux dire : pourquoi ne monterions-nous pas ? On ne peut pas toujours zaper, il faut aussi se développer. La culture est par essence intra et hypertextuelle. La culture consiste à laisser les autres penser pour soi. La culture ne se méfie de rien tant que de ceux qui pensent le monde à part eux-mêmes. Or ils le peuvent, dès lors qu'ils portent le monde en eux. La culture est l'art du survol et le survol s'oppose au développement. Le survol ou la haute voltige sont des aérations mentales et du développement. Mais la culture est secondaire, corrélée à la pensée. Voilà pourquoi je n'ai jamais cru en la culture, et je suis heureux que la religion dont je suis un confessant, le catholicisme, se méfie comme moi de la culture. Louange du Christ :
"Père, Seigneur du ciel et de la terre, je Te bénis, car ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout petits"…

"Un individu qui détruit sa vie la contrôle de la seule façon qu'il est en mesure de percevoir". J'ai entendu dire que l'anorexie était une "maladie du contrôle". Or je suis né, m'a-t-on dit, atteint d'"anorexie mentale". Et je ne survis pas sans être resté un brin autodestructeur. Tu as raison : je n'ai pas trouvé mieux, mais n'en désespère pas, et n'en suis pas désespéré.

"-Rares sont les individus doués de la capacité à marquer ET attirer. Dans la plupart des cas, on n'est en mesure de ne déployer qu'un don à la fois…" Dure inégalité en effet que celle du charisme ! Terrible aristocratie charismatique. Et encore, si le charisme suffisait… Il faut aussi être de son temps ! Ceux qui ont du charisme et sont de leur temps connaissent le succès. Leur opinion fait la pluie et le beau temps au sujet de ce qu'il est opportun ou inopportun de dire ou d'écrire aujourd'hui… Notre histoire individuelle est certes inscrite dans des courants temporels, mais pourquoi ne pourrions-nous pas porter la contradiction à Aujourd'hui ? quelle était l'école littéraire ou ou la revue dont la devise était :
"En arrière toutes !"
Le crédo du réactionnaire ? J'envoie se faire foutre ce mot de réaction, surtout quand on sait qui on appelle des actionnaires : des gens qui ne foutent rien et dont le trouillomètre fait basculer dans ce qu'on nomme CRISE l'économie mondiale… guy Gilbert a eu cette formule saisissante :
"Le taux de change est l'instrument de mesure du moral du monde" et cela même est amoral…

en toute indiscrétion (mais il n'y a pas de questions indiscrètes : ce sont seulement les réponses qui le sont), qui est la seule personne que tu aies connu de toute ta vie et qui avait sincèrement envie de liberté ? Est-ce que je la connais ? citation de Mgr gaillot :
"quand on a peur, on n'est pas libre et quand on est libre, ça fait peur" !

Superbes aphorismes que les deux suivants (qui m'ont saisi, laissé sur le cul, et pourtant je n'aime pas la vulgarité, surtout quand je parle avec toi. Je les ai envoyés à deux personnes : Gilles et thérèse) :
"bénédictions : -Mon nom est une lettre du divin alphabet. Le comprendre, c'est comprendre l'existence ; Je suis une part de tout ce qui existe, mon être incarne la vérité...
Mais seul, je ne suis qu'une lettre. En me rappelant de mes ancêtres, je forme une phrase. En me rappelant de l'humanité, je deviens un langage. Il faut donc remonter dans la mémoire du sang, relever l'atavisme jusqu'à ressentir l'humanité toute entière.

-Être l'idée, la réalité, le concept et AUSSI l'inimaginable, voici mon exigence quand à l'art le plus haut."

Etonnante actualité de ton aphorisme : "Ne pas bâtir une maison sur une falaise. Lorsqu'elle s'écroulera, vous maudirez le vent…" La tempête vient à peine de nous éponger que voici déjà les récriminations qui grondent :
"Quel est le salaud qui a délivré un permis de construire en zoni inondable ?"
après la catastrophe, la recherche du responsable. J'avais oublié que nous étions capables de tant de mauvaise foi… Mais, ce qui est marrant ou caractéristique, c'est qu'il y a une chose qu'on ne se permettrait plus de supposer aujourd'hui : c'est que la catastrophe soit un châtiment divin dû à notre immoralité. Explication simpliste, elle aussi, je tel'accorde. Je ne regrette pas qu'onl'ait abandonnée. Mais au moins, avait-elle l'avantage de mettre l'homme face à face avec sa vie, avec les fins dernières, avec l'angoisse et les questions existentielles, tandis que si ce sont "les politiciens qui nous prennent pour des chiens, les politiques qui nous piquent du fric, si c'est le gouvernement, halte au vent" !

Superbe définition de la méchanceté… "compréhension sans compassion"… Par opposition à l'amitié : "compréhension avec compassion". Allier les deux, ç'a toujours été le rêve du sage. Les Hindoues ont exprimé cela sans équivalent, je crois. Bizarrement, le christianisme défendait pourtant les mêmes valeurs. Mais insidieusement, s'insinuait la recherche du donateur sous la charité, ce qui fait qu'elle a mal vieilli. Le conseil évangélique était :
"quand tu donnes, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite."
Cela nous a mis la puce à l'oreille; c'était un peu comme l'interdit qui précédait le péché originel. On s'est mis à chercher. On n'a plus été intéressé que par qui donnait et combien. On est devenu un "généreux donateur" caressé par celui pour lequel on déploie tant d'opulence ! Les chrétiens sont devenus pharisiens. Ce n'est pas le seule exemple d'une logique qui se soit retournée contre elle-même, qui ait fait sa révolution comme tu dirais. On trouve cela aussi dans les béatitudes, malheureusement : elles sont le plus beau programme de vie qu'on puisse imaginer, la plus belle conception du bonheur ; si ce n'est que subrepticement et ultimement, la dernière béatitude béatifie "les persécutés", exaltant du même coup le complexe de persécution, ouvrant la voie à toute parnoïa !




En toute fraternité d'âme et de sang dont il faut sonder la "mémoire" atavique…


Avonculairement, Julien

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