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jeudi 30 janvier 2025

La PQR et le groupe EBRA

Je profite de l'encre que fait couler la démission de Philipe Carli, son président qui a "liké" les "posts" et les "status" de gens infréquentables au grand scandale de "Mediapart" qui a demandé sa tête, pour appler mes éventuels lecteurs à l'aide et  à tirer d'un mauvais pas l'ignorantin que je suis. Au-delà des raisons économiques, pourquoi la PQR s'est-elle concentrée dans un groupe comme le groupe Ebra au point de risquer d'y perdre son soupçon d'indépendance et son intérêt tout relatif pour la défense des terroirs? Comment ce groupe s'est-il constitué pour "radicaliser la France", la vouer à l'hégémonie du parti radical, de manière inversement proportionnelle à la radicalité de ce "bloc central" ou de ce "socle commun", selon la ruse sémantique éculée qui fait dire aux mots de "radical" le contraire de ce qu'ils est censé signifier, cette ruse ayant fait l'objet de sarcasmes tellement séculaires que je m'en voudrais d'insister en disant qu'à ce compte, la France doit  être déradicalisée et immunisée contre les risques de séparatisme distillés par ce parti, dans des "thérapies de conversion" animées par Dounia Bouzar et financées par Manuel valls au grand dam d'Hugo Micheron...?

Quels ont été les ressorts de la transaction à l'origine dugroupe Ébra? Quels en sont les acteurs? Je les imagine des magnats de l'ombre et sans influence, mais qui sont-ils? 


Accessoirement,la "concentration médiatique" d'une grande partie de la PQR dans le groupe Ebra n'a jamais  fait l'objet de l'ire de ce grand pourfendeur de la concentration des médias qu'est  François  Bayrou le centriste, notre Premier ministre de la dernière chance. Mais je ne pousserais pas la candeur jusqu'à demander pourquoi cette restructuration sans bruyants milliardaires aux commandes n'a pas l'air de le défriser ni à supposer acidement que c'est parce que "l'argent" qui n'a pas d'odeur " ne doit pas guider les consciences", comme il aime à le répéter ces jours-ci, au risque de froisser Bernard Arnault en se mettant un dernier ennemi dans son escarcelle sans que ses dénégations sur "les entreprises qui ne doivent pas servir de cible" ne fassent retomber la colère de la plus grande fortune de France depuis que son détenteur, aux premières loges de l'intronisation du 47ème président des États-Unis, a vu l'Amérique de Trump luipromettre d'être un paradis fiscal si, au lieu de "Choose France", il y transfère la "french touche" et la légende du luxe de Paris à New York en "[oubliant] Palerme" comme l'héroïne d'Edmonde Charleroux la Marseillaise, plus marseillaise que Macron, l'amoureux de Marseille qui va sauver le Louvre en refaisant une beauté à l'entrée des artistes et en instaurant la "préférence nationale" ou à tout le moins européenne sur les billets d'entrée pour préserver notre "exception culturelle française", ce qui va provoquer le rapatriement de la Joconde en Italie et lui attirer la grève des touristes ou pis encore, une bronka comparable à celle du "Sacre du printemps"-la-Redoute, et une crise aussi grave que celle des Gilets jaunes... Décidément, Macron n'en rate pas une, mais pourquoi le groupe Ebra? 

mardi 28 janvier 2025

BHL et son grain de folie

Je me dissocie de Genau, mon intuitivement vénéré confrère organiste bien que je ne l'aie jamais entendu ni lui moi, il vaut mieux pour lui, quand il dit (sur le blog de Philippe Bilger, tremplin de mon exploration et de mon approfondissement du "nouveau philosophe") que cet entretien ne donne pas envie de lire BHL. À moi si et c'est sans doute le plus beau compliment que je puis faire à Philippe, car rares sont les émissions qui m'ont donné envie d'acheter des livres, surtout à moi qui dois me les faire adapter pour me les rendre acessibles, de sorte que je vais au bout de la logique improvisatoire et afirme contre BHL que l'oralité d'un auteur contient au moins autant que ce qu'il a écrit, et ne le contient pas en sous-entendus ou en voix intérieure qu'une exposition du Centre Pompidou datant de 1986 avait entrepris de restituer, mais contient l'oeuvre en parorles, en prolongements, en rythme spontané, au point que l'université devrait consacrer des thèses à étudier comment s'articulent l'oral et l'écrit chez tous les auteurs qui ont parlé après avoir écrit, répondu à des interviews et greffé sur leur livre originel des paroles palimpsestes. 

J'ai entrepris de lire BHL. J'en suis à la seconde moitié de "Ce Grand cadavre à la renverse". Écriture nerveuse, parfois somptueuse, entraînante, qui est loin de montrer que bHL "est une boussole qui indique le Sud", comme le dit bêtement Florian Philippot, mais n'en accuse pas moins ce qui n'est pas un moindre défaut: très jeune, BHL a eu des idées justes, mais une pensée de vieux. Les Nouveaux philosophes ont antéposé cet adjectif oxymorique pour cacher leur vétusté juvénile. L'énergie que BHL investit dans son style transmue en or romantique un fond tristement réaliste. BHL héroïsait et romantisait son père pour ne pas entrer dans l'aventure. Quand on n'a pas voulu faire la révolution à quinze ans, on a plus sûrement manqué sa vie que si on n'a pas de Rolex à 50 ans. BHL est un Séguéla, un publiciste de la philosophie réaliste. Son style fait rêver, sa personne fait parler, mais ses idées ramènent sur le plancher des vaches. Que tant d'énergie soit mise au service de tant de réalisme est pardonnable à l'âge qu'il a. Mais ce n'était pas un laisser-passer pour entrer dans la carrière. Puisqu'on n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans et qu'on ne peut laisser dire à personne que vingt ans est le plus bel âge de la vie, vingt-huit ans, l'âge où BHL a publié "la Barbarie à visage humain", n'est pas l'âge d'être réformiste en chantant "On the road again" pour se donner des airs de Jack Kerouac à qui il a consacré un de ses blocs-notes du "Point" comme s'il en avait été le compagnon fidèle."

"La Femme de trente ans" dépeinte par Balzac en aurait cinquante aujourd'hui. Quand il commença sa vie publique, Jésus n'était plus un jeune homme. BHL a fait le jeune homme en se disant déjà désenchanté d'un mai 68 dont il fut un des premiers à faire retomber le souffle libertaire avant que beaucoup trop d'épigones ne lui emboîtent le pas jusqu'à former une galaxie de nouveaux réacs. Hier, BHl était un jeune vieux qui tintinabulait de par le monde, comme le jeune reporter de guerre, en disant: "Calmez-vous, les gars" et en se revendiquant de la tradition des Comités de vigilance;  aujourd'hui, il a plus de souffle, mais il n'a pas changé. Il n'a pas basculé comme un vieux pêt de la gauche vers la droite. C'est un vieux jeune qui exprime avec juvénilité de vieilles idées qui n'ont pas l'intrépidité de l'avenir. La forme enjouée de ses textes écrits au cordeau, c'est sa folie qui remonte à la surface, mais elle est un peu seule. 

lundi 27 janvier 2025

Surpris d'être moderne

Quand Bernanos écrit qu'"on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on admet pas d'abord qu'elle est une conspiration contre toute forme de vie intérieure" , ça me paraît excessif, mais Bernanos est coutumier de ces exagérations fécondes. Je dirais plutôt que la civilisation moderne induit une transformation de la vie intérieure. 


Prenons le silence. Une des plus belles définitions que j'en ai trouvée se trouvait dans un livre de Michèle Reboul, "l'Invisible infini". Elle le définissait comme l'écoute du frémissement de la feuille ou même du frémissement sans complément de détermination. Mais qu'il soit l'écoute du frémissement en fait déjà une écoute de quelque chose. Ou même que "le silence qui suit du Mozart est encore du Mozart" sous-entend qu'il n'y a pas de silence qui ne soit préposé à une musique intérieure antéposée sous-entendue. 

Je me souviens d'une émission sur Brassens que donaient ses amis, au premier rang desquels Pierre Nicolas. J'étais dans la voiture de mon père et nous l'écoutions ensemble. C'était peu après la mort de Brassens. Pierre Nicolas disait que, dans les chansons de Brassens, le jazz était sous-entendu. Le silence est plein de sous-entendus. Aujourd'hui, nous faisons moins silence, mais nous entendons mieux tous ces sous-entendus. 

L'intelligence des enfants souffrant, selon Robert Kennedy jr., d'une épidémie de troubles du spectre autistique (TSA),  ou d'hyperactivité, ou que les tenants du New age appellent des "enfants indigos"va plus facilement droit au but que les reliquats d'esprit d'analyse qui nous ont été inculqués par une éducation en transition entre tradition et modernité, entre humanités et appels à la créativité. 

Notre capacité à ingérer de la réalité et donc notre attention sont augmentées grâce à ces prothèses, nos ordinateurs, nos Smartphone qui nous font certes avoir une moindre intériorité directe, mais davantage participer au monde ou à la Création, et donc participer de la télépathie générale qui est le courant communionnel qui relie toute la Création. Tout cela grâce à des prothèses ou à une intelligence artificielle dont j'ai trouvé malin de la part du Premier ministre actuel, François Bayrou, de dire dans sa Déclaration de politique générale, qu'il ne savait ni si elle était intelligente, ni si elle était artificielle. 

Nos prothèses font-elles de nous des personnes augmentées? Elles nous permettent, au gré de l'usage que nous en faisons, d'accroître nos capacités d'attention ou de nous disperser. Que nous soyons dotés de prothèses ne fait pas nécessairement de nous des hommes-machines ou des robots, comme le prédisait Bernanos dans son dernier ouvrage "la France contre les robots". Nous ne le devenons que si nous décidons collectivement de raisonner comme des robots, à base de protocoles, de procédures ou de process.

La transformation de notre civilisation me semble nous inciter à nous interroger sur la notion de personne. C'est cette notion qui est en train de s'élargir et de s'approfondir. Il n'y a plus un homme standard qui dit "on" comme il se disait "homme" avec une réminiscence du son primitif et d'un retour à la maison ("Et wants to return at home"), il y a un "je" en constante inter-action avec les autres et avec des choix qui le déterminent à savoir s'il se place du côté de Dieu, du côté des autres relativement au bien commun, du bon côté de lui-même ou du côté obscur de sa force intérieure ou des forces qui le déterminent ou par lesquelles il est agi, du côté égoïste ou, ce qui revient au même, du côté d'un monde impensé ou du côté de rien du tout. 

A cet égard, il me paraît intéressant que des gens qui paraissent aussi peu dotés de surmoi que Donald Trump ou Elon Musk fassent beaucoup référence à Dieu. Ils le font peut-être pour complaire à une clientèle, mais à leur insu ils approfondissent la notion de personne, en-deçà et au-delà de la notion d'"homme augmenté" et même en-deçà de la notion de valeur. Ils incitent à reconnaître, en-deçà de toute valeur, la valeur absolue de la personne dont il faut penser l'éventuelle augmentation comme n'étant pas incompatible avec la divinisation.  Trump, Musk et Poutine, si mal qu'ils gouvernent (mais leurs détracteurs gouvernent-ils beaucoup mieux?) ressuscitent la personne, car ils la réintroduisent dans ces choix qui font l'histoire. C'est une "liseuse" (expression idiomatique du lieu cité infra) du "Forum catholique", la bouquetière Glycéra dont j'ai parlé dans mon "Apologie d'une intériorité", qui m'a rendu attentif à ce que révélait de la personne l'mergence de figures comme Donald Trump ou Vladimir Poutine. Mais dès que s'est posée la question du clonage, je supportais mal que l'Église se dresse d'instinct vent debout là contre, car même un clone n'aurait pas la même histoire que celui dont il reproduirait le patrimoine génétique à l'identique. Sortir les clones a priori de l'humanité par refus du transhumanisme reproduit la même erreur que celle qui avait sorti de l'espèce humaine les enfants nés de FIVET après avoir stigmatisé les "enfants naturels". 

Le matérialisme n'est pas le contraire du spiritualisme. Gustave Martelet s'est sans doute montré un peu naïf de placer l'esprit après Bergson hors de toute "localisation cérébrale", mais il fut visionnaire de prétendre que l'esprit était immortel, indépendamment et plus certainement que l'âme, puisque l'esprit n'est pas sans renvoyer à une existence matérielle. 

Le scientisme n'est pas absolument contraire à la foi. C'est une doctrine d'apprentis sorciers portés à abuser du pouvoir de l'intelligence humaine qui fera toujours tout ce qu'elle peut, au rebours de l'amour qui ne fera jamais que ce que peut l'amour, affirmait François Varillon, mais l'amour de Dieu peut transformer les résultats les plus controuvés de la science moderne.

BHL ou la France protestante

Justice au Singulier: Entretien avec Bernard-Henri Lévy

 

J'ai déjà écrit dans ces colonnes que BHL était l'homme de France que chacun se donnait le loisir, la facilité et la liberté de détester sans craindre d'avoir à récuser un procès en antisémitisme que cet homme a l'élégance de ne pas faire à ses détracteurs et cela doit être dit en préambule, alors même qu'il fait partie de ces vigilants qui ont toujours lutté contre la montée de l'antisémitisme quand il touche aux autres, mais pas contre leur propre personne qui en sont vaccinés. BHL accepte d'être détesté parce qu'il reconnaît écrire des livres clivants qui lui valent de voir accumuler contre lui des réprobations farouches et des haines tenaces de la part d'adversaires à qui il reconnaît la qualité de ne pas être amnésiques. Ce n'est pas seulement à cause du charme de son expression, mais à cause decette honnêteté intellectuelle que, pour ma part, je n'ai jamais détesté BHL même s'il avait un titre à ma détestation: il a entraîné la France dans la guerre de Libye par une sorte d'"ingérence humanitaire" à la Kouchner, et lorsque Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir, j'avais anticipé qu'il devrait choisir entre ce que j'appelais l'axe bernard-henri-lévy-kouchenérien et le védrinisme dont la suite a démontré que ce pouvait être un vichysme déguisé. Car la tectonique des plaques a fait qu'Hubert Védrine tout comme Roland Dumas ont glissé vers une géopolitique d'extrême droite qu'à titre personnel, je ne suis pas loin de partager, essentiellement par pacifisme, pacifisme qui encore une fois est mon seul titre à réprouver BHL pour autant que, selon le mot de Gilles Deleuze, "écrire, ce soit sortir du rang des criminels". Or un écrivain qui entraîne son pays dans une guerre prend la responsabilité de commettre des crimes, un peu comme un candidat à devenir père de la nation doit non seulement s'assurer d'avoir les qualités libidinales et fécondantes y afférentes, mais savoir qu'en contrepartie, il ne fera pas que faire naître, il fera mourir. Écrire et entraîner son pays dans une guerre, c'est prendre cette responsabilité au moral et surtout au physique. Pas étonnant que cela empêche de dormir et je suis insomniaque, car avoir une conscience, c'est avoir des remords.

 

Du temps de ma précoce adolescence où je m'escagassais que d'autres éditorialisent sans que je puisse mettre mon grain de sel ni avoir voix au chapitre sur l'agora, je m'agaçais qu'il y ait des grandes consciences faces auxquelles nous autres anonymes n'avions qu'à fermer notre clapet ostracisé en acceptant leurs oracles qui étaient d'autant plus insupportables qu'ils étaient rationnels. BHL est une de ces consciences qui aiment l'influence qu'ils préfèrent au pouvoir, mais qui sont mues par l'anthropologie pessimiste chère au protestantisme qui est loin d'avoir enfanté les Lumières dans leur culte de la raison dont Luther parlait, rien de moins, comme de "la putain du diable". Ce qu'on suppose des Lumières est un optimisme qui guide la plume de Rousseau, mais que dément sa mélancolie native et son antiprogressisme viscéral. Les Lumières, c'est le kantisme et sa critique de la raison pure ou de la faculté de juger. Le pessimisme de l'anthropologie protestante, BHL le résume bien en disant qu'il ne croit pas au bien et que le totalitaire est celui qui croit s'en saisir. BHL ne distingue pas entre le bien et le mal. Il se borne à distinguer entre le mal et le moindre mal. Car comme Luther, il croit qu'au commencement de l'homme dont la nature est entièrement déchue par la chute, qu'au commencement était le mal, qu'il ne faut raconter qu'une "Histoire du mal" (G. de Tanouarn), que le Léviatan est un animal fabuleux qui a entreautres qualités de diminuer l'hostilité des hommes à défaut de pouvoir instituer l'amitié politique. La ruse de l'anthropologie protestante est d'avoir un élan qui nous fait oublier son pessimisme originel et BHL participe de cette ruse qui fait croire que les Lumières postulent que "l'homme est naturellement bon" et que c'est la société qui le rend mauvais avec ce qui, chez Rousseau, ne procède nullement d'une naïveté bénigne, car "l'homme n'est" à ses yeux "un tout parfait et solitaire" que s'il chasse tous ses semblables qui ne sauraient concourir à sa vie. L'état de nature rousseauiste est celui du chasseur qui veut faire place nette pour être libre et asservir la nature à ses souhaits. "Atchoum!", n'éternue pas BHL à ma prose indigeste, car s'il n'est pas anodin que Philippe Bilger l'interroge sur "Fréquence protestante" afin qu'il puisse faire oublier que son anthropologie est pessimiste et ne croit pas au bien, l'excuse à la ruse de son élan d'influenceur est qu'il cherche la vérité et se résout par avance à la vouloir, si avant qu'elle s'éloigne telle l'étoile ou l'horizon, mais si peu aimable soit-elle que la philosophie ne puisse se permettre de se déclarer de préférence "amour de la sagesse" que "rechercherche de la vérité", ascèse à laquelle s'est toujours soumis Sartre, ce nihiliste déconstruisant l'idée de vocation et le faisant dans ses mémoires, un des premiers maîtres dont BHL s'est essayé à retracer le "siècle" et à qui il a rendu hommage dans l'exercice de sa philosophie sans devoir s'arrêter en face d'un autre "passant considérable" qui aurait laissé une moindre trace, tel Rimbaud si Verlaine ne s'était pas intéressé à lui pour recueillir ce qu'il avait à dire au genre humain.

 

BHL, ici interrogé sur "Fréquence protestante", est un patriote de cette confession demeurée fidèle à "l'Esprit du judaïsme" et partisan du libéralisme, de la "droite libérale", de la "gauche libérale" disait-il hier dans "le Grand rendez-vous", et de "la démocratie représentative" que juifs et Grecs ont inventé, ceux-ci pour l'avoir pratiquée et avoir théorisé ou chroniqué cette pratique dans l'âge d'oranti-trumpiste d'Athènes au Vème siècle, ceux-là, non seulement pour s'être perçus comme un "peuple élu" afin de représenter l'humanité, mais avant tout pour s'être fait vertement tancer par Dieu lorsqu'ils exigèrent un roi auprès de Samuel, car alors ils allaient devenir une nation comme les autres, qui serait opprimée comme les autres nations par un roi dont la plaie de l'idolâtrie suppurerait sur tout le peuple et sa volonté politique mi-figue mi-raisin, la "pureté" étant "dangereuse". "Je veux bien qu’on invente autre chose que la démocratie représentative, mais toutes les tentatives que nous avons vues de pratiquer la démocratie directe, la démocratie sans médiation ont toutes tourné au désastre. »", affirme BHl qui concède que "lepopulisme" fait écho aux "angoisses d'un peuple malheureux", angoisses qui "ne se résoudront pas en sortant les sortants par le dégagisme généralisé et par le branchement de gouvernants qui seraient l’expression non filtrée des humeurs du peuple, car un peuple n'a pas seulement une volonté, il a surtout des humeurs".

 

BHL est sans doute un sioniste, mais ce n'est pas un binational et il se définit comme un patriote français, au patriotisme que je prends le risque de caractériser comme protestant. Il me plaît de l'entendre dire: « J’aime la France. C’est mon pays, je n’en ai pas d’autre et je n’en aurai jamais d’autre." Je partage pour des raisons esthétiques son désamour de ce qu'est devenue la gauche soumise à la France insoumise et à son analphabétisme de la conflictualité tous azimuts là où l'alphabétisation du clivage ouvre au dialogue dans la plus pure tradition philosophique. Comme lui, je trouve à Michel Barnier plus d'allure qu'à François Bayrou qui s'est montré meilleur tacticien (mais le temps a joué en sa faveur) de vouloir tenir par le parti socialiste que de se remettre pieds et poings liés entre les mains du Rassemblement national à l'irresponsabilité duquel on a désormais goûté, nous l'avons essayé, il est coresponsable de la dissolution et de la censure qui a fait tomber le gouvernement Barnier et de l'instabilité politique qui règne aujourd'hui en France.

 

BHL semble "n'appréhender la politique qu'à travers la morale", note Philippe Bilger. Le judaïsme se revendique d'un fonds et d'une responsabilité éthique qui ne résiste pas toujours à l'épreuve de la politique, mais qui, chez l'écrivain BHL, devient une leçon d'écriture. "J’écris facilement et je travaille énormément. Ce qui compte dans l’écriture, c’est la justesse, le rythme, la percussion. Une forme réussi conduit l’émotion et la conviction. Le travail qui consiste à créer une langue bonne conductrice de rhétorique, de conviction  et de vérité. Aragon était un immense improvisateur, mais c’est une grâce. Claudel était un improvisateur". La preuve est que ce dramaturge qui commença par étudier Shakespeare pied à pied comme Brassens s'imprégna des fables de La Fontaine à son retour du STO avant d'écrire ses chansons longues comme des cigares, ce dramaturge (Claudel) capable de dresser cette plus grande des fresques du monde qu'est le "Soulier de satin", rêvait d'écrire des Mémoires improvisés. L'improvisation est l'élan de ceux qui en demandent trop à la vie et qui préfèrent ce trop qui n'est pas à leur portée à tout ce qu'ils pourraient avoir s'ils n'étaient pas fâchés avec les limites ou savaient s'en donner. J'en parle à mon aise, je suis de ceux-là.

 

"Les écrivains sont tous des laborieux. En tout cas moi j’en suis un. Je n’ai jamais eu l’idée d’une œuvre à accomplir, mais j’ai eu l’idée de ce à quoi devait ressembler ma vie et je n’ai pas été trop infidèle à l’idée que je m’en faisais. C’est plus important que le bonheur." Chacun place le curseur de son sentiment de réussite où le mène le tempérament de son corps au vent de son époque. 

dimanche 26 janvier 2025

Tenue de soirée

Je vaisdevenir le spécialiste des chroniques de mes soirées télé.

Hier soir, j'ai regarrdé pour la première fois"Tenue de soirée" de Bertrand Blier avec Gérard Depardieu, Michel Blanc et Miou-Miou dans les rôles principaux. À sa mort, j'avais entendu dire que Bertrand Blier était un excellent dialoguiste, ça ne m'avait pas frappé, j'étais passé à côté comme "la Femme d'à côté", je l'évitais soigneusement, avec l'a priori que c'était un cinéaste très visuel. En m'apprêtant à écrire cette courte recension, je croyais que le film était sorti dix ans plus tôt, en 1976 et non en 1986, et qu'il était en avance sur son temps. En effet, si la date que je lui assignais avait été la bonne, j'aurais pu dire: quelle exploration courageuse de l'homosexualité! Orla dépénalisation de l'homosexualité et les années SIDA étaient passés par là. Sans cela, pour plagier François Fillon dans sa campagne de la "droite Trocadéro" où il croyait devenir notre mentor, qui aurait imaginé Gérard Depardieu en homosexuel plus vrai que nature? Homosexuel dominant, rétorqueront les fines mouches ou les fines bouches. Le film explore l'homosexualité de façon viriliste et décrit les femmes selon des stéréotypes qui passeraient aujourd'hui pour misogynes. Mais ce film date d'un temps où homme et femme jouaient chacun avec ses armes dans le duel et où il ne serait venu à personne de dire que le sexe était une identité de genre ou qu'être une "personne du sexe" équivalait à désigner le sexe faible. Monique (Miou-Miou) ne se prive pas d'humilier Antoine (Michel Blanc) dans la première scène du film; Bob (Gérard Depardieu) ne se prive pas de la baffer, ce qui ne l'empêche pas de leprendre pour "un ami formidable", elle déchantera bientôt.

Mais surtout, quand on voit les mots qu'on met dans la bouche de notre futur Obélix national et quel cas on fait du phalus de notre acteur bien membré, je ne vois pas comment s'étonner des remarques qu'il a faites par la suite à la ville à des partenaires dont il se souciait peu qu'elles consentissent à le devenir. J'avais eu la même impression en allant voir Fort Saganne paru à la même époque et où les scènes qui m'ont le plus marqué sont celles où le mâle dominant qui jouait Charles Saganne lutinait comme un phoque la babydol de la Boom I et II dont Julien Clerc n'avait pas encore fait des seins l'objet d'un hymne national. Après cela, on nous parle d'un #MeTOCinéma. On a tout simplement changé d'époque et avec les illusions rétrospectives qui caractérisent ces changements, on voudrait juger des acteurs de la précédente avec les codes de la nôtre. On leur reproche de ne pas s'être comportés avec la chasteté prude et pleine de retenue de notre néo-puritanisme hypocrite. Ils n'avaient pas prévu qu'on les jugerait à cette aune. Quand ils étaient et n'étaient pas encore des has been pour n'avoir pas anticipé ce qu'on penserait d'eux aujourd'hui, on les admirait pour leurs manières grossières et mal dégrossies.

On pourrait croire que la galanterie a fait des bonds. Je crains plutôt que les hommes et les femmes n'aient pris leurs distances et qu'il soit désormais difficile de les faire se rapprocher. 

dimanche 12 janvier 2025

Génération Musk!

Le représentant du MEDEF d'une instance où je siège résumait en ces termes  la situation de la "génération Musk": »Les jeunes d’aujourd’hui ne cherchent plus à gagner beaucoup d’argent, à s’épanouir dans le  travail et même pas a contrario à travailler le moins possible. Ils ne cherchent pas à diminuer leur temps de travail, mais à s’assurer de leur temps de loisir. Et ils ne font pas cela par indifférence aux autres ou à la manière dont ils peuvent se réaliser dans le travail, ils n’ont pas perdu le sens de l’utilité socialedu travail, mais c’est un effet du confinement qu’on leur a imposé à vingt ans. » Eux ont subi le confinement quand les enfants de l’avant-Musk (qui était contre le télétravail) ont été masqués. « Casque et masque » (réminiscence du premier tome de mes carnets), masque et Musk, Musk et masques, j’ai fait une boucle dans mes totems sémantiques.

Quand j’étais petit, je détestais Paris, car tout y était centralisé. Je suis allé y vivre et Gilles me disait souvent quand j’en suis parti qu’il appréhendait difficilement « un Paris déjulianisé ». Je n’avais pas des semelles de vent, mais Paris sous mes chaussures et je continue d’habiter la province avec cette manière d’avoir été parisien.

Je détestais les masques, estimant qu’ils  sont la couronne du royaume des apparences, mais je ne pouvais me douter que les soixante-huitards en feraient l’accoutrement des jeunes de vingt ans pour ne pas postillonner sous le même oxygène. Surtout je ne pouvais me figurer que, deux années durant, on masquerait les enfants, dans un test de Millgram que la société a déjà oublié, ce qui en dit long, au choix sur sa légèreté (mais on sait depuis l’entrée du Christ à Jérusalem non sous un tapis de roses, mais des copeaux de palmes, que les foules sont versatiles et Pétain disait déjà que « les Français ont la mémoire courte »), ou bien sur le caractère tellement traumatisant de ce test de Millgram qu’il  a fallu attendre quelques années pour en parler, sans le comparer au silence que les rescapés des camps de concentration ont observé pour espérer passer à autre chose ou de crainte qu’on ne les croie pas.

 

On a beaucoup parlé  du Great resep de Klauss Schwab auquel étrangement, je ne me suis jamais vraiment intéressé, me limitant à me dire qu’on ne reviendrait jamais au monde d’avant, et qu’au-delà des vaccins qu’on nous injectait et qui,faisaient de nous, à cause de l’ARN messager, pour autant que je me souvienne de mes cours de sciences naturelles qui me furent dispensés en classe de première,  des organismes génétiquement modifiés, ce que José Bové refusait au maïs transgénique, qu’on ne reviendrait jamais du télétravail et je n’y voyais pas forcément une évolution regrettable, même si je redoutais la fin des loisirs en commun et la fin de la socialisation. Mais je ne prévoyais pas que les enfants masqués deviendraient les enfants de Musk et encore moins qu’Elon Musk rachèterait Twitter, ce qui ne me paraît pas un progrès pour la poésie.

 

Le rachat de Twitter par Elon Musk a définitivement fait oublier que ce réseau social était celui des cent quarante signes, une contrainte qui en vaut une autre. C’est également une régression du journalisme à domicile pour faire tomber le bucolique réseau des gazouillis, qui a perdu toute référence aux oiseaux pour devenir celui de la plainte contre X, du côté où il penche sur la pente du réseau réactionnel où, sous couvert de liberté d’expression, c’est menaces de mort et tout le tremblement.

 

Si Musk fait glisser X (anciennement Twitter) du côté obscur de sa force réactionnelle, on peut souscrire à la formule de Macron qui fait de ce nouvel homme le plus riche du monde allié à l’homme le plus puissant du monde, le leader d’une « internationale réactionnaire ». Encore faudrait-il que Musk ait vécu en réactionnaire ou en conservateur. Elon Musk, c’est l’un des Daniel de la Possibilité d’une île de Michel Houellbecq. C’est un transhumaniste désenchanté par la transition de genre de son fils devenu fille qui ne veut plus lui parler et a pris le nom de sa mère.

Elon Musk, c’est un mélange des genres à lui tout seul. Il fait arriver avec vingt-cinq ans de retard les rêves qu’on faisait dans ma jeunesse, non pas sur le bug de l’an 2000, mais sur la domotique, les pilules alimentaires et les voyages dans l’espace. C’est le savant fou qui construit ses propres fusées à étages recyclables, et donne avec dix ans de retard raison à Jacques Cheminade quiétait contre la City qui n’a pas perdu sa prévalence malgré le Brexit. C’est un Jacques Cheminade à l’épreuve des faits. C’est le mec qui te donne envie de relire les Chroniques martiennes.

 

C’est un écolo 2.0 moins croyant que pratiquant, mais qui a commencé par vouloir sauvé la planète des déprédations du réchauffement climatique et autre épuisement des énergies fosciles. C’est pas le gars qui te dit : »Make the planete great again », c’est même le gars qui devient MAGA, mais c’est aussi le gars qui faisait des recherches sur la voiture électrique quand tous les grands industriels refusaient de s’y coller, moyennant quoi leur industrie n’est plus rentable et comme ils ont un train de retard, ils prétendent que finalement, le lithium s’épuisera avant le pétrole. Pendant qu’ils changent d’avis, Musk les laisse causer et ne veut pas donner de leçons sur le fait qu’il ne faudrait plus prendre l’avion et favoriser le ferroutage au détriment du transport routier. Tout en saturant le monde qu’il parcourt de son empreinte carbone excessive à cause de ses voyages en jet privé, il garde un train d’avance « dont il souhaite qu'il soit au moins deux fois plus rapide que l'avion et [fonctionne] à l'énergie solaire » Elon Musk — Wikipédia ). Le type a démontré qu’il a du savoir-faire.

Pendant que les baveux daubent sur la transition énergétique et sur les énergies renouvelables en construisant des éoliennes qui gâchent le paysage, lui se pose en champion du mix énergétique en « [proposant] (sous la marque Tesla) un système dit « Powerwall  et de stockage tampon d'énergie domestique intermittente. » Contre des Laurent Alexandre qui se réjouissent de nous promettre que  l’intelligence artificielle va faire des OPA inamicales contre l’intelligence humaine, « il fonde la start-up Neuralink dont l'objectif est de relier le cerveau à des circuits intégrés dans le but de fusionner les intelligences humaines et artificielles. L'implant cérébral sans fil Neuralink devrait dans les faits permettre aux personnes paralysées ou lourdement handicapées de recouvrer la parole et la mobilité. », à quoi les Cassandres médiatiques prient notre naïveté de ne pas croire que ces prothèses ne sont pas un prélude à « l’homme augmenté » sur des souches sélectionnées 100 % élitistes, par quoi eles entendent le Boboïstan auquel elles-mêmes appartiennent. Parmi ces Cassandres, il ne faut pas oublier Thierry Breton, qui en veut beaucoup à Musk parce qu’il avaitimaginé le monde de Musk au plus creux de sa tête, sans savoir créer ce monde au bout de ses recherches.

 

Mais faut-il idéaliser Musk avant de l’avoir passé au détecteur éthico-spirituel ? Pourquoi n’est-il plus démocrate ? « Le parti démocrate était auparavant le parti de la gentillesse. » Il ne croit pas qu’il le soit resté. Conçoit-il la gentillesse au sens où Trump entend nous expliquer que la prise du Capitole par ses partisans était une « journée de l’amour » ? La gentillesse de Musk est-elle celle de l’AFD ou du parti Fratelli de Italia de Georgia Meloni ? Contrairement au pape François qui a un lobe pulmonaire en moins à la suite d’une pneumonie aiguë dont il a cru mourir à vingt et un ans, Elon Musk a-t-il, selon les allégations de son père, des séquelles respiratoires à la suite d’une bagarre « avec un camarade dont le père s'était suicidé et dont il critiquait les larmes ? » Refuser les larmes à ses morts tragiques est-il la compassion selon Musk ou Musk est-il un autiste Asperger victime de l’école inclusive et « marqué par le harcèlement scolaire de camarades qui ne le comprennent pas ? » Musk traite-t-il ses employés comme Trump qui leur dit : »You are fired » ou s’est-il séparé de la secrétaire qui lui était dévouée corps et âme parce qu’il pense qu’il n’y a pas de poste à vie et que toute vie mérite la polyvalence comme il l’a plaidé auprès d’elle ? (Il est fait mention de cette séparation douloureuse dans un documentairee de « BFMTV » diffusé hier soir.)

 

Musk est-il un chrétien de la pluralité des mondes habités et un chrétien du dépassement de l’oposition du christianisme et du scientisme, quand il affirme que « les principes  du christianisme favorisent le bonheur, la natalité et la curiosité » là où d’autres en font l’opium d’une espérance différée et d’un bonheur indéfiniment remis à plus tard, un ancratisme et un empêcheur de chercher en rond et en bon apprenti sorcier ? Musk n’est-il pas tout simplement l’enfant des amoures désunies qui a reproduit le meilleur et le pire d’une éducation quasiqu’il n’a pas reçue ? Musk n’est-il pas un enfant perdu comme ses enfants masqués ? Mais la personne n’émerge-t-elle pas,en régime chrétien de l’impossibilité de résoudre ses contradictions ou, pis, de la perdition que le Christ rend capable de se retrouver   en promettant que « qui cherche trouve » ? N’est-ce pas leur personne que les enfants masqués de Musk ont retrouvée en ne voulant pas s’assujettir à un travail qui les prive de leur temps de loisir où, sans indifférence aux autres, ils ne se voient pas ne pas reprendre ce que l’égoÏsme de leurs parents, le nihilisme de leur école  ou le cynisme du confinement leur a volé ? 

mardi 7 janvier 2025

Disparition de Le Pen ou la mort du dernier soldat perdu

Le Pen est mort. On m’en voudrait de ne pas en parler puisqu’il m’a intéressédepuis 1984 ; puisque j’ai tartiné quelques centaines de pages d’un Journal intimement politique lorsqu’il s’est retrouvé en 2002 en position de pouvoir théoriquement gagner l’élection présidentielle ; puisque j’ai voté pour luisans jamais partager ses convictions, à la démocratie directe et à la République référendaire près ; puisque petit, on m’avait accusé de racisme pour avoir dit avec Albert Camus : « Ma patrie, c’est la langue française », en réaction contre les immigrés qui ne parlaient pas notre langue et ne pouvaient donc pas s’intégrer.

 

Le Pen est mort. rIP, c’est le premier réflexe, celui dela prière, prière en acronyme : « Requiescat in pace ».   Le Pen est mort, mais encore ?

 

J’ai dit de Le Pen qu’il était l’Épouvantail que le Système avait dressé contre lui-même pour avoir un adversaire à se mettre sous la dent et qui le justifiait de se perpétuer, quand bien même il ne satisferait plus personne. C’est ça et c’est autre chose. Le Système disait de Le Pen qu’il n’avait jamais voulu du pouvoir. Il faut croire que le Système sonde sans vergogne les reins et les cœurs. Pourtant il n’aime pas les complotistes qui entrent dans les pensées prétendument secrètes de persécuteurs ou de malfaiteurs imaginaires.

 

Le Pen est mort. Qui était-il ? C’était un mauvais drôle, orphelin de père, viré de tous les lycées et devenu un étudiant bambocheur, puis un député improbable, avant d’engager son errance ou sa violence dans une carrière de soldat perdu. Le Pen n’était pas un menninr, Le Pen n’était pas une lumière, Le Pen était un soldat perdu.

 

Un soldat perdu est le contraire du soldat inconnu. La République aime le soldat inconnu parce que c’est un citoyen anonyme. Un soldat perdu tout comme Le Pen étaient une personnalité.

 

Le Pen était un soldat perdu. C’était un être périphérique qui, comme tous les êtres périphériques,était égocentrique et voulait être central. Il n’aimait pas qu’on dise de lui qu’il était à l’extrême droite, et il disait non sans bêtise qu’il était au centre droit.

 

Le Pen était un perdant de l’histoire et un être périphérique, mais il n’appartenait pas à la périphérie que revendique l’Église d’aujourd’hui, l’Église du pape François. Il disait avoir été reçu par Jean-Paul II qui l’aurait remercié de son travail en défense de la civilisation chrétienne, cette ruse de l’histoire en traind’être ruinée. Il serait inutile de jeter sur le marin Le Pen le soupçon d’être un bateleur. On n’est pas forcé de le croire chaque fois qu’il ouvre la bouche. Pourtant l’Église du pape François n’est pas l’Église de la Volonté de Dieu, c’est l’Église de la volonté générale.  L’Église du pape François est une Église rousseauiste. La personnalité est un produit de la Volonté de Dieu, la volonté générale est un sous-produit des intentions qu’on prête à Dieu.

 

 

Le Pen était un soldat perdu quand De Gaulle était un général. Le Pen se prenait pour De Gaulle ou pour un anti-De Gaulle, mais il ne pouvait pas être De Gaulle. Le général était un mythologue quand le soldat perdu était un mythomane. Le général incarnait un ordre et un pays quand le soldat perdu n’incarnait que la violence de ses propres passions. La haine est une passion de révolte, mais ce n’est pas une passion triste, car la haine est un sentiment, ce n’est pas un ressentiment. Le Pen était plein de révolte, de haine et de jovialité. Mais on n’entraîne pas la volonté générale avec la jovialité de la haine.

 

La France, fille aînée de l’Église et des Lumières courtisanes, a opposé le contrat social à la personnalité de Le Pen. Le contrat social est l’essence de la démocratie française. Nul citoyen ne doit le signer, le contrat social est un pacte impersonnel, la République française n’est pas un régime, c’est une idéologie de régime. Le Pen était au régiment et a souvent été mis au placard pour manquer à la discipline. Le Pen était une personnalité et la personnalité est ce qui s’opposeà l’homme standardisé ou robotisé, pour parler comme Bernanos. La France aime l’homme en général, la République française aime l’homme robotisé. Le Pen était une personnalité, mais il fallait organiser un cordon sanitaire autour de lui, il ne fallait pas délibérer avec lui.

 

En 2002, je me suis dit que Le Pen, provoquant ce qu’on prenait abusivement pour un séisme politique, allait susciter des modèles identitaires identiques : « et si c’était aux États-Unis ? », m’amusais-je malicieusement. On pourrait bien sûr dire que Le Pen a inspiré ou engendré Trump. Mais Trump est un produit du rêve américain et de l’individualisme de cette société mormono-protestante. En France, Le Pen ne pouvait pas représenter beaucoup plus que lui-même.

 

Le Pen a choisi de mourir pour faire un pied-de-nez aux « Charlies Charlot » et au Charlie-Charlot, le jour où l’oncommémorait l’assassinat de ces nihilistes moraux auxquels il ne s’est jamais identifié et moi non plus, surtout après avoir entendu, il y a quelques minutes, la dessinatrice Coco souffler d’une voix frêle qu’elle ne comprenait pas pourquoi on n’avait pas aimé la caricature qui représentait les Gazaouis souffrant d’une famine provoquée par les Israéliens et aggravée par le Ramadan. « Le respect est un mot perfide », renchérissait Riss. Dans sa singularité ultra-beauf, peut-être que Le Pen était plus respectable que « Charlie ». 

Macron et le Sahel

On a tort de comparer la dernière sortie néo-colonialiste d'Emmanuel Macron avec le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy où, quand l'ancien président regrettait que l'homme africain ne soit pas suffisamment entré dans l'histoire, il prenait ce mot dans l'acception où celle-ci commençait après l'invention de l'écriture, parce que l'histoire africaine est faite de plus de masques et de monuments que de documents écrits. Le duo Guaino-Sarkozy aurait pu regretter tout simplement que l'homme africain n'ait pas assez écrit et que sa contribution à l'histoire de la littérature ne date que du début du XXème siècle si je suis bien informé et ne suis pas trop schématique.

Tout autre est le registre dans lequel s'est exprimé Emmanuel Macron. Il s'inscrit dans la ligne de son prédécesseur direct, François Hollande. Celui-ci alliait le néo-colonialisme au néo-conservatisme et il n'est pas anodin qu'il ait considéré comme le plus grand jour de sa vie politique d'avoir été applaudi parce que la France avait satisfait aux demandes d'intervention du président malien d'alors, aujourd'hui renversé, en partie par des islamistes. Le ton d'Emanuel Macron reprenait la façon méprisante dont il s'était adressé aux Maorais: "Si vous n'étiez pas en France, vous seriez encore plus dans la merde", en grossier dans le texte, et nous qui croyions que Macron était bien élevé!

Mais de plus il se réjouit à bon compte. Car en fait d'avoir libéré le Sahel de l'emprise islamiste, il a fait exactement comme les Américains en Afghanistan: quand il a estimé que nos forces avaient assez donné dans ce combat perdu, il les a renvoyées dans leurs foyers. Enfin il a parlé comme s'il y avait les bons djihadistes et les gentils Talibans syriens d'un côté et les mauvais islamistes sahéliens de l'autre. Bref, Macron a dit de la merde, en grossier dans le texte et en grandiloquent sur la forme, selon son habitude. 

Le contexte géopolitique à l'orée de 2025

Conférence des Ambassadrices et des Ambassadeurs : le discours du Président Emmanuel Macron.

 

Devant le corps diplomatique qu'il a détruit ou déstructuré?, Emmanuel Macron prononce cette phrase: "Vous servez les intérêts de la France dans le désordre du monde" qui se réveille dans un cauchemar que personne ne pouvait prévoir et à la sortie duquel personne ne travaille assidument et sérieusement.

"Il y a dix ans, si on nous avait dit que le propriétaire d'un des plus grands réseaux sociaux du monde soutiendrait une internationale réactionnaire et interviendrait directement dans les élections, y compris en Allemagne, qui l'aurait imaginé?"
Elon Musk n'est pas devenu propriétaire de Twitter par hasard. Il a amplifié la dérive de ce réseau réactionnel riche de multiples potentialités démocratiques, si l’on veut  en « internationale réactionnaire », mais on devrait ajouter en internationale réactionnaire partiellement revenue du transhumanisme marsien et martial, puisque avec un expansionnisme assumé de Trump et de Musk qui n’a rien à envier à l’agression défensive de Poutine pour préserver son aire de civilisation. Ingérences partout (et le président ne les dissimule pas,  les sélectionne assez peu et les énumère presque toutes), souverainisme nulle part, car nous préférons manifestement vivre sous le protectorat européen et des reliquats otaniens que pratiquer un protectionnisme trumpiste dont Emmanuel Todd envisageait que Hollande l’anticiperait dans uson fameux pacte européen inaugural et il appelait cela le hollandisme révolutionnaire.

Le protectorat européen a fait annuler les élections roumaines et Emmanuel Macron trouve cela très bien.

 

« Au fond, ce monde est marqué par le retour des pulsions impériales, les bouleversements de l’information et du savoir et la remise en cause très violente de l’humanisme. » Une remise en cause dont participe le président dans sa modélisation et son service algorithmique d’une humanité standardisée.

»Un réalisme qui sache garder ses idéaux » relaie l’appel au multilatéralisme qu’Emmanuel Macron a souvent fait retentir et auquel il est resté intentionnellement fidèle.

 

Nous commémorons le triste anniversaire des dix ans de l’attentat contre « Charlie hebdo »où l’opinion publique a été sommée de dégouliner d’une allégeance au spectacle du monde sur le mode d’une transformation identitaire où je ne serais plus moi, mais où je deviendrais forcément solidaire de journalistes martyrs de leur nihilisme global et irreligieux, mais morts en responsabilité, qu’on aurait préféré irresponsables. Je n’ai pas participé à l’union nationale qui a fait marcher du même pas les pèlerins des marches blanches et Benyamin Netanyahou ou Angela Merkel qui voulait absolument être du cortège. Tout le monde était Charlie, des catholiques traditionalistes révélant un occidentalisme en déphasage avec leur universalisme à Jean-Luc Mélenchon, devenu entre temps islamo-gauchiste, comme on dit. Je savais que cette union nationale n’avait aucun contenu signifiant et ferait long feu. Depuis, nous continuons de surfer surnotre incohérence en disant pis que pendre (et nous avons raison) de ceux qui ont massacré la rédaction de « Charlie » et les clients de l’hyper cacher, mais en trouvant que ceux qui ont renversé Bachar El-Assad avec la complicité de nos djihadistes maison se battant sous la même bannière que François Hollande et que Laurent Fabius qui ne voulaient pas le reconnaître bien que notre participation à ce conflit ait provoqué les attentats du 13 novembre, sont en somme de gentils talibans, tels que les États-Unis ont pu capituler en rase campagne afghane pour laisser les vrais talibans au pouvoir dans ce pays en nous racontant les mêmes balivernes qu’ils avaient changés et étaient devenus inclusifs et tolérants.

 

La France a eu une diplomatie impulsive au Liban comme en Afrique qui l’a fait chasser de partout et sinon détester de tous, du moins a amoindri sa voix. Puisse cette diplomatie se ressaisir !