Je ne sais pas pourquoi je me suis demandé aujourd’hui quel était
l’antécédent de Donald Trump et pourquoi je me suis désolé que ce ne soit pas
Jean-Marie Le Pen, sur lequel j’avais écrit en 2002 un « Journal
politique » que je ne désespère pas de corriger et de publierun jour.
J’aimerais tellement que tout vienne de France… Mais non. JMLP est un
solipsiste insolite produit par le génie français. Donald Trump est un patron
de night-clubs et de casinos pouvant être récupéré par les évangélistes
américains. Ces deux populismes sont fondamentalement différents. Le populisme
américain n’a pas besoin d’aimer le peuple américain, il n’a besoin que de faire
corps avec son rêve ou avec sa « way of life ». Le populisme français
à la sauce frontiste s’est lui-même défini comme un exercice de tribun de la
plèbe, c’est-à-dire qu’il est inconsistant et impuissant. Le populisme africain
qu’on voit émerger au Sénégal au jour où j’écris ces lignes paraît procéder d’un
véritable amour du peuple.
Mais je n’oublie pas ma question d’origine : quel est l’antécédent
du trumpisme ou à quoi et à qui peut-il être comparé en France ? Il me
semble que « Sarko l’amerlo » comme on l’appelait avant qu’il ne
devienne président de la République était un trumpiste avant la lettre.
Tellement intuitif qu’il a rebaptisé son parti »les Républicains »
avant que Donald Trump ne transforme le parti républicains à son image « énergéticienne »,
comme disait Tony Blairà propos de Nicolas Sarkozy.
Le trumpisme repose sur un culot démagogique inouï : »Même
quand j’ai perdu, je dois dire que j’ai gagné », le persuadait l’avocat
qui l’a le plus influencé avant de le lâcher. C’est le summum de la dénégation.
Nicolas Sarkozy était un peu dans cette manière de fonctionner, qui émaillait
ses interviews de questions moins oratoires que dialectiques et rhétoriques, et
destinées à amener les journalistes dans son giron.
Le trumpisme est un antisionisme, croyaient les soraliens.
Erreur fatale : c’est un likoudisme multilatéral et pragmatique. C’est un anti-atlantisme,
croyaient-d’autres et sur ce point, ils avaient raison. C’est une apologie, non
pas de l’isolationnisme, mais du multilatéralisme.
Au contraire, le parti démocrate américain est intrinsèquement
néo-conservateur. « L’Amérique continuera à diriger le monde », se
réjouissait Bil Clinton à l’orée de son mandat. « L’Amérique » que
Donald Trump voulait plus grande « est de retour » « pour
diriger le monde », prévenait Joe Biden en guise de bonne nouvelle pendant
la campagne qui l’a fait élire.
Donald Trump n’aurait pas déclaré la guerre à la Russie.
Nicolas Sarkozy non plus. C’est sur ce point qu’il a cessé de cautionner le
macronisme. Nicolas Sarkozy était aussi russo-réaliste que son ex-premier
ministre François Fillon. Ce n’est pas lui qui aurait accepté que Vladimir
Poutine ne soit pas invité pour commémorer le soixante-dixième anniversaire du
Débarquement de Normandie.
À l’opposé, François Hollande s’est montré d’emblée néo-conservateur
et on peut se demander pourquoi. Je n’ai pas la réponse, mais j’observe que
François Mitterrand nous a engagés corps et bien dans la Première guerre du
golfe. Jacques Chirac a refusé la logique qui consistait, entre la première en
1991 et la deuxième en 2003, à y engager la France au nom de la cohérence entre
les deux « séquences » et on tient ce retrait pour son plus grand
acte politique.
François Hollande s’est montré néo-conservateur jusque dans
son néo-colonialisme centre-africain ou malien. Emmanuel Macron s’inscrit dans
la suite de François Hollande sur la conflictualité politique (« nous
sommes en guerre », a-t-il répété comme lui). On pourrait donc croire qu’il
parle le même langage. Mais justement, ce qui distingue l’apparente hésitation
macronienne du néo-conservatisme assumé de son prédécesseur, c’est le langage. Emmanuel Macron feint de parler le langage du
multilatéralisme, mais est tout aussi néo-conservateur ou néo-colonialiste que
le président qui l’a formé et promu. Mais son double langage et cette
différence entre les intentions et les paroles dans un monde qui va vers des
populismes qui aiment le peuple et ne méprisent pas les autres nations l’ont
démonétisé. Emmanuel Macron déclarait que l’Otan était en état de mort cérébrale
tant que Donald Trump était au pouvoir. Joe Biden a trouvé un moyen de ressusciter
l’Otan dans la guerre en Ukraine et Emmanuel Macron a mordu à l’hameçon. Que
dira-t-il quand et si Trump sera réélu, tellement Harpagon que l’OTAN ne lui
paraît pas une donnée stratégique de sécurité, mais que, menace-t-il, si les
alliés ne payent pas, il soutiendra et encouragera Poutine à les attaquer ?
La France s’est construite comme une sociale-démocratie conflictuelle, contrairement à l’Allemagne, mais n’a jamais été une démocratie directe. Les Gilets jaunes ont déploré cet état de fait. Le philippisme (du nom d’Édouard Philippe) cherche à refonder la droite sur la sociale-démocratie municipale et corporative. La démarche est honorable, mais elle est anachronique. Quand nous sortirons de la guerre d’Ukraine, les démocraties devront se refonder sur un populisme qui aime le peuple sans être xénophobe. La droite philippiste est d’un légitimisme suranné.Mais Édouard Philippe a le mérite d’être un honnête home, contrairement au président qui l’a mis en selle.
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