Non seulement Macron manque d'émotion, mais, comme le disait Malraux à propos du baron de Clapique, il manque de réalité. Il voudrait stupéfier, alors il recourt, au figuré comme au propre se murmure-t-il, à des stupéfiants et à des masques de mauvais acteur enseigné non au conservatoire, mais à la Providence d'Amiens, par une professeur prête à tomber sous le charme. Macron vit le drame de l'enfant qu'on a trop persuadé qu'il était un enfant prodige.
Car enfin cela a été dit et bien dit par presque tous les commentateurs (du billet de Philippe Bilger sur "Macron, trop intelligent pour être un grand président?"), la question n'est pas tant de s'inquiéter de l'intelligence d'un homme que de son genre d'intelligence.
Macron a de la mémoire, je doute plus de ses capacités d'analyse. Son verbe, sujet à bien des bourdes et approximations, est rien moins qu'étincelant. La preuve, c'est que n'arrivant pas à disposer ses mots et par suite à les trouver, il donne dans la mauvaise néologie, avec des verbes improbables comme "impuissanter" ou des adjectifs insoutenables comme "invectifs": les Français seraient trop invectifs à son endroit, se plaint-il.
La mémoire de Macron: pendant le Grand Monologue, il récitait à merveille tous ses cours de géographie. Son analyse déficiente: il empilait des récitations de leçons différentes, la leçon étant une lecture et la lecture une logique, pour dire qu'on allait tout faire à la fois encore plus qu'en même temps. Or on ne peut pas empiler des logiques qui s'annulent et s'opposent diamétralemment. On peut enfreindre le principe de non contradiction logique pour composer un paradoxe, c'est séduisant sur le plan intellectuel. Mais ce qui en résulte de l'infraction dans l'action est une incohérence, inévitable, mais déplaisante et souvent désastreuse sur le plan moral.
Qu'Est-ce qui devrait découler d'une bonne mémoire et d'une analyse adéquate? Une capacité d'adaptation, nous dit un commentateur, une "créativité" dans la solution, nous dit un autre. Macron ne fait preuve ni d'adaptabilité ni de créativité. Tout en injonctions paradoxales, Macron n'annonce un "nouveau monde" que pour perpétuer le monde ancien. Il ne veut pas se rendre compte qu'on a quitté le monde d'après-guerre et changé de monde pour, d'une certaine façon, revenir au monde ancien ou traditionnel des escalades conflictuelles toujours possibles du fait des relations diplomatiques bilatérales. Il ne s'en rend compte que lorsque ce changement s'effectue à ses dépens (cf. sa soudaine défiance vis-à-vis de l'OTAN et peut-être de l'Europe qui ne lui fait plus les yeux doux.) Or un président, un dirigeant, un gouvernant doit être une vigie (gouverner, c'est prévoir), dotée du ministère de la parole, qui sait expliquer en son temps l'aspect présentable des changements du monde. Macron n'est pas ce "pédagogue" pour "enfants démocratiques", clin d'œil à Lucile! Faute d'explication, il nous fait courir un grand danger.
Je n'hésite pas à le dire et cela me saute dans l'esprit et cette formule depuis ce soir: faute d'avouer que nous sommes sortis du monde d'après-guerre, nous sommes à nouveau menacés par la banalisation du nazisme. Nous devions nous convaincre de la "banalité du mal" sans banaliser le nazisme. "La religion de la shoah" à raison de trois films par semaine sur Hitler ou sur les camps, conjuguée à la non reconnaissance que la Shoah était messianiquement le Golgotha du monde configurée à la Passion du christ, et que Dieu avait certes quelque chose à dire après Auschwitz, risque d'avoir le même effet sur nous que 70 ans de communisme dont on sort tout soudain, sans que nul n'ait vu poindre et venir qu'on pouvait en sortir, que le communisme n'était pas irréversible. Je suis de ceux qui l'avaient vu venir, tellement que, l'année de mon bac, en 1990, j'avais voulu faire un voyage en russie avant que le communisme ne s'effondre. D'où la gravité que je mets dans cet avertissement de la banalisation du nazisme (je croispeser mes mots), qui n'a rien de commun avec le point Godwin ou la réductio ad Hitlerum, banalisation qui pourrait résulter du refus de reconnaître qu'on est sorti du monde d'après-guerre et qu'il faut s'y adapter.
Demande-t-on des preuves de la banalisation du nazisme? Soral, dont nul ne peut contester la pertinence de la rhétorique, et qui fait mouche, alors qu'on n'aurait pas souffert de l'écouter, même sous le manteau, il y a vingt ans. Ou encore les fréquentations de Marine Le Pen, actuellement jugées au tribunal, et qui appartiennent non à la fachosphère comme on le dit vainement dans les médias qui s'en désolent pour leurs recettes publicitaires, mais bien à la nazisphère, aux nostalgiques d'Hitler.
Cela n'a rien à voir avec Macron, pensez-vous? Si, car il n'avertit pas le peuple qui le sait qu'on est sorti du monde d'après-guerre. Il n'en tire pas les conséquences. Où l'on voit en outre que Macron, pour redescendre d'un degré dans la gravité, est frappé à la tête et n'a pas l'intelligence du cœur.
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