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vendredi 26 avril 2019

Corps et âme, chair et esprit

Contribution à un dialogue sur le salut de l’âme et la résurrection de la chair sur le forum cahtolique.

-Je me disais en parcourant ce fil que les réflexions sur l'immortalité de l'âme sont dépendantes du rattachement du christianisme à la philosophie antique qui postulait cette immortalité. Rudolf steiner, qui n'est pas une référence chrétienne, y ajoutait le "principe d'innatalité" directement hérité (consciemment ou non chez Steiner) de l'idée d'Origènes selon laquelle Dieu avait voulu et vu chaque âme à l'instant de la Création, ce qui expliquerait que l'homme ne se souvient pas d'être né et de l'instant de sa naissance, et a davantage, par conséquent, la notion de l'éternité qu'il n'a la notion du temps, bien qu'il ne soit pas éternel et que l'âme soit sortie de l'éternité pour être temporelle, même vue et voulue à l'instant de la création, qui est une sortie de l'éternité. L'homme sait-il qu'il va mourir? L'observation de la mort et la philosophie le lui apprennent. Mais l'homme ne se souvient pas d'avoir commencé, il ne se croit pas incohatif. L'homme ne se souvient pas d'être né, c'est pourquoi il lui est si difficile de penser comment il pourrait renaître. (Cf. l'entretien avec Nicodème).

-La traduction latine du mystère de la Passion du christ ne parle-t-elle pas du don de l'âme du christ pour signifier le don de Sa vie? Il me semble que c'est le mot "anima" qui traduit le verset où Jésus dit: "Ma Vie, nul ne la prend, mais c'est Moi Qui la donne." (Traduction issue du cantique: "La nuit qu'Il fut livré".) Jésus ajoute dans l'Evangile de Jean qu'Il a le pouvoir de donner Sa Vie "et le pouvoir de la reprendre ensuite". Que signifie ce pouvoir de reprise? Je ne doute pas que la tradition spirituelle le perçoive comme le pouvoir de ressusciter (or Jésus est ressuscité par Son Père), mais la formulation semble indiquer que telle est la souveraineté du Fils que le don de Sa vie est théoriquement révocable, même s'il ne sera jamais révoqué.

-Vous avez raison de souligner que l'anthropologie chrétienne est ternaire: Corps-âme-esprit. Auprès de l'abbé Laurentin, j'avais risqué une analogie trinitaire où l'âme aurait représenté le Père, le corps le Verbe et l'Esprit l'esprit. L'abbé Laurentin récusa mon analogie, moins pour la manière dont je la conduisais terme à terme que parce que, selon lui, on ne pouvait pas faire d'analogie du Dieu un en trois à partir du "moi",la véritable analogie trinitaire étant sortie de soi, et donc relationnelle ou familiale: le père, la mère et l'enfant. Cela m'a paru (et me paraît encore) un peu étroit, sauf le respect que je dois à la mémoire de ce grand spirituel.

-Selon le Lévitique, "l'âme de la chair, c'est le sang", ce quivalide complètement l'analyse que vous faites des espèces eucharistiques.

-L'anthropologie chrétienne est ternaire, mais il me semble que sa véritable originalité est d'avoir inventé le concept de "chair" et d'avoir isolé la dualité de la chair et de l'esprit de la dualité de l'âme et du corps. Mieux, elle a placé la dyade chair-esprit à l'intérieur de la dyade corps-âme. On peut ajouter à cela l'étrange coïncidence linguistique qui fait que la chair en Hébreu se dit "bazar". La chair, c'est le bazar, ce sont toutes les passions du corps et de l'âme, telles que Saint Paul, mais aussi Jésus, les énumèrent dans deux listes de passions déréglées, dont les références m'échappent à l'instant, mais la nomenclature de Saint Paul se trouve dans l'épître aux Galates. En sorte qu'une hypothèse sur la rédemption est qu'elle ramène ces passions de la chair à l'unité de la vie divine. C'est ce qui me pousse à croire que l'énoncé en Français des paroles du centurion: "Dis seulement une parole et je ("mon serviteur" dans le contexte, ou encore mon âme si l'on traduit mot à mot d'après le latin) serai guéri" donne une bonne image de la Rédemption. Je me suis souvent demandé pourquoi les Evangiles accordaient tant d'importance aux guérisons miraculeuses, qui, si elles sont prodigieuses, ne sont que des manières de remettre à plus tard la maladie et la mort qui devront venir, comme dans la "réanimation" de Lazare. La Rédemption est guérison. Je crois qu'elle doit nous amener à mourir guéris pour être en état de ressusciter et qu'il y a une quasi synonymie entre ressusciter dans sa chair reliée à l'âme et guérir.

-Au sein de la dyade chair-esprit, l'esprit est vie comme l'âme est vie au sein de la dyade corps-âme. Le corps est mortel comme la chair mène à la mort. Quand Jésus s'incarne, Il se fait chair et donc passions de la chair, afin de mener celles-ci vers la résurrection à travers sa mort. Jésus est donc Passion(s) dès son Incarnaition. Une étrange confusion fait que le langage de la psychologie parle d'âme (la psyché) alors qu'elle étudie l'esprit. Pourquoi le choix de ce terme grec pour traduire la réalité de l'âme? Il est beaucoup plus fort que le terme "anima", qui est un principe d'animation. Il semble suggérer que l'âme est le miroir de Dieu. L'esprit qu'étudie la psychologie a quelque chose de cognitif et de mécanique. Il résout par la pensée l'énigme dans laquelle l'âme se voit dans le miroir avant de "connaître comme elle est connue". (Saint Paul). Mais si l'on fait sortir l'esprit du langage psychologique pour le ramener dans lelangage anthropologique, il est possible qu'il soit une sorte de principe de neutralité, par lequel l'homme ne se voit pas en Dieu comme il en va de l'âme, mais voit la vie en Dieu, pour ainsi dire objectivement, en s'extrayant du conflit des torts et des raisons qui viennent des passions de la chair, des points d'accord et des points aveugles, mais par une sorte de raison pure inaccessible à l'homme. L'âme voit Dieu comme un "je" et l'esprit voit la vie comme un "on".

-Reste un mystère à éclaircir. Certains ont dit ici que les corps des damnés ressusciteront pour une "résurrection de jugement" ou de "damnation". Que penser de l'hypothèse selon laquelle l'enfer serait la seconde mort et la disparition dans le néant d'une créature de dieu qui a refusé sa Grâce et ses lois de la vie? Qu'Est-ce que la damnation?

L’ensemble du dialogue est consultable depuis ce message :

https://www.leforumcatholique.org/message.php?num=866308

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