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vendredi 26 avril 2019

Où en est le catholicisme?

Analyse du débat organisé par Frédéric Taddeï et réunissant Guillaume Cuchet, Yann Raison Ducleusiou, Paul Piccarreta et Véronique Margron et qu’on peut visionner ici :

https://www.youtube.com/watch?v=Pjk-wt1uRfs

L'émission de Frédéric Taddeï ne mettait pas aux prises trois chrétiens de gauche contre un seul catholique de droite, mais bien plutôt trois catholiques conservateurs et Véronique Margron. À cela près qu'il y a des nuances dans le conservatisme de Guillaume Cuchet, qui sait se garder à bonne distance de son objet d'étude, quitte à passer, en bon chercheur, pour un peu froid et cynique , de Yann Raison Ducleuziou qui dissimule mal son admiration pour les catholiques contre-révolutionnaires qu'il observe sans qu'on puisse savoir s'il est des leurs, et de Paul Piccarreta qui, en tant que directeur de la revue "Limite", passe son conservatisme au prisme de l'écologie intégrale.

On pourrait affiner le clivage entre les protagonistes de l'émission, non en reconstituant sempiternellement le clivage droite-gauche, mais en séparant les "évangélistes", Véronique Margron et Paul Piccareta, des "religieux", Guillaume Cuchet et Yann Raison Ducleuziou. Les premiers essaient de "vivre ce qu'ils célèbrent" (Véronique Margron) ou de "vivre les Actes des apôtres" (Paul Piccarreta). Ils pensent que l'Évangile est la raison d'être du catholicisme et qu'il faut être beaucoup moins fasciné par l'histoire du catholicisme qu'imprégné par les richesses insondables que nous donnent la Parole de Dieu (Paul Piccareta).Les seconds interrogent la valeur sociale du catholicisme,considéré aussi bien à titre culturel comme un facteur identitaire, que comme une doctrine et une prédication pouvant donner une colonne vertébrale à l'existence humaine.

Je me permets une incise à ce stade de l'analyse, sous la foorme de la question que m'a toujours posée le refus par les évangélistes du rôle du religieux, au profit de la nécessité d'"accepter Jésus-Christ comme seigneur et Sauveur personnel", c'est-à-dire d'avoir foi en lui. Un catholique ne renierait pas la nécessité d'avoir la foi, mais ajouterait que cette foi s'incarne dans l'Église et que la religion a pour fonction de structurer doctrinalement en même temps qu'elle nous relie, à la fois à l'Église des vivants et des morts, cultuellement à Dieu, et culturellement aux hommes, à commencer par ceux qui partagent nos croyances, permettant un brassage social, bien loin de la lutte des classes. Il y a donc un clivage entre les religieux et les antireligieux parmi les intervenants de cette émission.

Ce clivage se complique quand il s'agit d'aborder la question culturelle. Pour Paul Piccarreta se plaçant dans le sillage de Jean-Piere Denis, il est bon que le catholicisme se vive comme une contre-culture. Le cardinal Lustiger pensait déjà qu'il fallait qu'il se constitue en contre-société. Véronique Margron n'envisage pas ainsi sa vie religieuse, même si elle reconnaît vivre"un peu différemment" du reste de la société. Yann Raison Ducleuziou note que le catholicisme décline en termes de construction personnelle, mais se renforce en termes de construction collective. Il en prend à témoin la stupeur nationale qui a suivi l'incendie de Notre-Dame. Véronique Margron lui emboîte le pas en disant que le catholicisme est un des derniers remparts contre la société marchande, pour laquelle tout s'achète et tout se vend. Une vie catholique exprime qu'il y a plus que soi-même (définition que l'on donnait jadis au patriotisme et qui sert de base à toute espèce de militantisme), un certain goût du bien commun et la nécessité de vivre avec les autres.

Pourquoi le catholicisme décline-t-il en termes de construction personnelle? Dans "Comment notre monde a cessé d'être chrétien", Guillaume Cuchet a émis une hypothèse. Dès lors que la pratique devient optionnelle, l'appartenance au catholicisme n'est bientôt plus qu'un souvenir. Et la pratique devient optionnelle si l'on ne prêche plus sur les fins dernières. Il ne suffit pas de donner un "sens à la vie" comme le souhaite Véronique Margron. S'il n'y a plus rien à craindre, il n'y a plus rien à espérer. D'où ces deux questions qui me taraudent depuis longtemps presque à l'intime: comment font les prêtres pour donner leur vie en pensant qu'il n'y a rien à craindre au point qu'on ne peut qu'espérer? Et comment ne désespèrent-ils pas de la donner, voyant que les hommes sont nécessairement déviants, ne sauraient pratiquer intégralement les commandements ni la Volonté de Dieu, sont pécheurs et peu réformables?

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