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mardi 23 avril 2019

La détestation de Sarkozy et l'amour de Macron

Commentaire au billet de Philippe Bilger intitulé « Emmanuel Macron cherche l’amour ! » et disponible ici :

https://www.philippebilger.com/blog/2019/04/emmanuel-macron-cherche-lamour-.html

Emmanuel Macron ou l'amour vache! Il cherche à être aimé en se rendant impopulaire, ou en déclarant le soir de son élection qu'il servira les Français avec amour tout en faisant la politique du citoyen-machine et en perpétuant les représentations de l'ancien monde sous prétexte d'un renouvellement de génération issue de la même classe sociale d'héritiers favorisés et de bourgeois au pouvoir.

"On pouvait détester Nicolas Sarkozy, mais son être n'empêchait pas d'appréhender sa politique." De quel droit pouvait-on détester Nicolas Sarkozy? Pourquoi tant de personnalités se sont-elles livrées sans vergogne à cette même détestation qu'elles reprochent aujourd'hui aux Gilets jaunes à l'encontre d'Emmanuel Macron? Peut-être parce que Nicolas Sarkozy incarnait dans sa personnalité cette vérité de la démocratie qu'elle est le clivage. Nicolas Sarkozy était clivant parce que si la République est indivisible, la démocratie, c'est le clivage. N'étant plus président, Sarko l'Amerlo a donné à son parti le nom de "Républicain(s)", mais il était le dernier visage d'une certaine pratique, certes beaucoup trop personnelle, du pouvoir démocratique. Première hypothèse.

La droite pouvait secondement détester Nicolas Sarkozy parce que la singularité du personnage et ses traits de personnalité obligeait cette "famille politique", la seule du spectre partisan français à se désigner de la sorte, à opter pour l'individualisme réactionnel, alors que la droite se posait comme garante et conservatrice du minimum, si j'ose dire syndical ou vital, du bien commun cimentant une société ou une nation. La victoire de Nicolas Sarkozy signifiait la légitimation d'une ambition s'étant intériorisée, ou ayant rencontré une certaine intériorité au ministère des cultes. On entrait avecc ce personnage dans une égocratie républicaine, ou dans une dérive égotique justement dénoncée en son temps par François Bayrou. Les deux présidents suivants, successeurs de Nicolas Sarkozy n'ont fait qu'accentuer cette dérive, fût-ce en se déclarant "normal" pour le premier jusqu'à être insaisissable au "moi fuyant comme le fut François Hollande. Paradoxalement, cette normalité s'accompagna d'un néoconservatisme et d'un atlantisme tout molletistes et socialistes, doublés d'un rigorisme autoritariste contre les gens inoffensifs ou les Français moyens se disant eux-mêmes "bien élevés", les manifestants pour tous, ces prédécesseurs des Gilets jaunes, tandis que la petite délinquance, prédécesseur fonctionnel des casseurs politisés qui escortent aujourd'hui les Gilets jaunes, était libérée de prison et ne devait plus, malgré Charlie, le Bataclan et d'autres attentats islamistes venant souvent au bout d'un parcours de petite délinquance, purger sa peine à l'ère de la "contrainte pénale" de Christiane Taubira, stratégie aujourd'hhui prolongée par Nicole Belloubet ou par l'impunité des blac blocks, ces derniers casseurs qu'on n'a pas le droit d'interdire de manifester, dixit le Conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius.

La droite s'était autorisée à détester Nicolas Sarkozy qui fit entrer le pouvoir présidentiel dans l'ère du narcissisme. Or sa personnalité présentait des traits passionnants alors que celle d'Emmanuel Macron est simplement passionnelle, avec tout le cortège de séduction qui s'y attache et brouille les pistes, réduisant l'interprétation de ce quinquennat à dépister le président au lieu de dépister sa politique.

"Un chef d'État digne de ce nom ne devrait pas chercher à être aimé", décrète Michel Schneider. Ceci me semble un truisme psychanalytique. J'ai gardé de mon enfance, un peu enfouie en moi, l'idée que l'amour doit rester une catégorie du politique, ne serait-ce que pour entretenir le minimum d'utopie dont notre idéalisme a besoin. Il me semble que ce qu'on désigne aujourd'hui inélégamment comme le "vivre-ensemble" (autant parler de convivence !) qui doit nous faire "faire nation" (sic) ne saurait s'instaurer sans que les politiques nous fassent aimer leur politique et nous fasse aussi un peu nous aimer les uns les autres. Ségolène Royal l'avait compris et exprimé en propres termes, ce qui la fit moquer et traiter de Jeanne d'Arc, mais me fait persister à penser que cette "mère" de famille qui entendait ériger sa maternité en trait de pouvoir ou en argument électoral, quitte à devenir la chef de l'État nounou, aurait été plus "climatiquement correcte" que Nicolas Sarkozy et ses successeurs, tour à tour insaisissable et passionnel, mais toujours égotiques. À eux trois, ces présidents marquent le triomphe de l'individualisme dans cet art du bien commun que demeure la politique.

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