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vendredi 17 mars 2017

Primauté de la fraternité

Pour une révolution des droits de l'home qui mettrait la fraternité au centre du tryptique. La tâche de l'homme paraît être de redistribuer l'égalité que le destin et la naissance paraissent se plaire à partout contrarier. Les droits de l'homme sont purement "opposables" et déclaratifs. ils paraissent avoir intériorisé la distinction entre le droit et le fait en faveur de celui-ci, pour mieux écarter le droit en ce qu'il a de positif, et en ceci, les droits de l'homme, bien qu'ils ambitionnent le statut de norme universelle, ont le caractère des lois d'exception, qui commencent toujours par énoncer une règle en termes absolus dans leur premier article, avant d'énumérer les exceptions dérogatoires à l'application de celle-ci. C'est pourquoi les droits de l'homme supportent la contradiction qui paraît s'élever entre eux. Mais la principale de ces contradictions n'est pas où on la situe généralement, de l'égalité à la liberté, elle est de la fraternité aux deux autres. - En principe, l'égalité entre en conflit avec la liberté. En réalité, la liberté et l'égalité s'équi-librent. L'équilibre est la réalisation présumée d'un idéal de normalité et de santé. Or cette vie "dans le silence des organes" (selon la formule de René Leriche) confond la paix et la sérénité, et déréalise l'exercice conjoint de la liberté et de l'égalité, qui devrait aboutir à la paix des braves sous l'arbitrage de la justice. Mais la justice comme la perfection et la solution ne sont pas de ce monde phénoménal et problématique. La poursuite de l'égalité perpétue l'état de tension et de rivalité, et justifie même en amont le désir mimétique. Elle peut avoir lieu en parfaite convergence avec la liberté, - Dans la mesure où ce qui est libre est franc, et l'égalité vise à affranchir ce qui est encore dans les fers. Je ne vois pas que la liberté soit jamais prise au piège de l'égalité, puisque la liberté est socialement bornée par le non-empiétement sur "l'espace vital" d'autrui, est téléologiquement subordonnée à la vérité, si on admet le caractère absolu de celle-ci, ce que nous contestons ; Mais quand même le sujet voudrait-il s'émanciper de la tutelle de l'Autre ou du Vrai, la liberté resterait subordonnée aux bornes ontologiques assignées à son exercice, , qui ne sera jamais franc des limites et des lois de la nature ou de la matière (le sujet est libre de choisir de mettre son doigt dans la prise, mais non pas de choisir de ne pas être électrocuté s'il le fait). - La seule loi naturelle est matérielle, et est constituée par ces limites matérielles. Elle n'est pas moralement normative, mais est d'une intransigeance d'autant plus rigide de n'être pas morale. Car la morale joue à savoir ce qu'il faut interdire pour que l'homme ne soit pas licencieux, mais avec une tartuferie que fait rougir la licence et avec un faux air sententieux qui donne licence morale, beaucoup plus efficacement et dans une transgression beaucoup mieux partagée que la licence poétique -. En dehors des résistances de la matière et sans compter les souffrances de la vérité, la liberté ne peut être prise qu'à son propre piège métaphysique, lorsqu'un libertarisme la rend liberticide en énonçant des sentences telles que : "On les forcera d'être libres" ou "Pas de liberté pour les ennemis de la liberté !" - La liberté et l'égalité vont doncde paire, sauf à mal les entendre. Il n'en est pas de même de la fraternité sous le régime et le contrôle de l'égalité qui occupe le centre du tryptique, comme la vertu pour les grecs tenait le milieue entre deux attitudes opposées et également intempérantes... Il n'est pas innocent, étant doné la possibilité de cette analogie, de l'égalité des Droits de l'homme à la vertu antique, que la tension vers l'égalité se soit accompagnée, sous la convention, d'un idéal de vertu politique, de vertu et de pureté … - Par convention, les hommes naissent libres et égaux en droit, mais allez appliquer la convention… - - En apparence, l'égalité vise à la fraternité, puisque deux hommes qui bénéficient des même droits ont tout lieu de se sentir des frères. Mais la poursuite intempérante de l'égalité entraînant celle de la rivalité, les hommes deviendront frères au prix de ce qui a constitué de tout temps la perversion de la fraternité, à savoir le fratricide, entraîné par la jalousie qui s'élève entre les frères. "Des frères, oui, mais des frères ennemis !" - - L'égalité conduit certes à la fraternité, mais dans l'esprit du fratricide, entretenu sans trêve par l'égalitarisme légaliste et rivalitaire. - - Conséquence de ce qui précède : L'égalité n'est pas contraire à la liberté, mais conduit la fraternité dans l'impasse du fratricide. - - Et la liberté n'est pas contraire à l'égalité, mais la fraternité lui est contraire, puisqu'elle prétend obliger la liberté au point de faire naître un sentiment favorable, or il n'y a rien qui s'en laisse moins imposer et compter que les sentiments. Donc rien n'est plus contraire à la liberté que l'injonction fraternitaire, sauf à présumer atteindre un point d'équilibre Qui serait une espèce de neutralité extraémotionnelle, et qui instituerait pour ainsi dire la fiction juridique d'une fraternité vidée de toute substance. Car la fraternité vise au sentiment d'être frères et la liberté ne veut pas se faire imposer ni commander ses sentiments. - La fraternité et la liberté étant les deux pôles opposés entre lesquelles voudrait s'interposer l'égalité vertueuse, n'ont d'autre ressource que de se pourchasser l'une l'autre. Mais toute vertu qui croit tenir l'équilibre ou le milieu entre deux réalités adverses est conduite à préférer l'une et à occulter l'autre. Comme on est ici dans une construction juridique et que la fraternité ne se décrète pas, l'égalité incline plutôt du côté de la liberté, bien que cette égalité libertaire puisse aisément s'avérer liberticide. - La fraternité est donc la véritable intruse du tryptique égalitaro-centré dont la liberté est, au pire, le pôle duel. La seule manière de diminuer l'intrusion est de placer la fraternité au centre dutryptique. Cette centralité de la fraternité préférée au centralisme égalitariste, aurait en outre l'avantage de ne pas maintenir l'homme dans une situation pernicieuse d'antagonisme permanent, qui aurait la violence pour seule solution de continuité. Il est paradoxal que, dans la configuration actuelle du paradigme des droits de l'homme, privilégiant la dualité liberté/égalité au détriment de la fraternité qui devient l'oubliée du tryptique, comme il arrive dans toute construction ternaire, parce que le système ternaire choque la dualité, la bipolarité et le caractère dialectique de la raison humaine ; il est paradoxal que ce qui est visé soit le pointd'équi-libre, lequel est d'autant plus inatteignable, introuvable et instable que la poursuite de l'égalité entraîne une redistribution permanente du rapport de forces. Si la fraternité était au centre du système, elle pourrait permuter le droit de l'homme avec lequel elle voudrait être accouplée et celui qu'elle préférerait occulter et aimerait mieux faire discrètement oublier. En d'autres termes, avec la fraternité au centre, la distraction d'un autre droit de l'homme est commutative alors que la liberté ne peut aller de paire qu'avec l'égalité discrétionnaire, de même que l'égalité ne peut être couplée qu'avec la liberté. - - Si la fraternité, occupant le centre systématique, choisissait d'oublier la liberté et de s'apparier à l'égalité, elle mettrait l'accent sur la priorité que doit constituer, dans l'ordre des devoirs, le fait pour le frère le mieux loti d'aider son frère le moins nanti à se hisser dans l'ascenseur social. Si elle privilégiait la liberté, ce qui serait paradoxalement plus naturel du fait de l'opposition de la fraternité et de la liberté vis-à-vis de l'égalité, elle convertirait se devoir en une volonté d'accompagnement, et se ferait l'auxiliatrice de la conquête de la liberté de ceux qui sont encore chargés de chaînes, sans toutefois accéder à toute inflation revendicative émises au nom de l'égalité par les personnes accompagnées au titre de la fraternité. En d'autres termes, la fraternité et la liberté ne prétendraient pas que le frère le moins nanti parviendrait au niveau auquel a eu la chance d'atteindre le mieux loti ; elles n'aideraient pas celui-là à se hisser exactement jusqu'à celui-ci, mais elles l'aideraient à se hisser au-dessus de sa condition, n'étant pas nécessairement sauf le rapport de forces et des positions initiales, et sans que soient davantage flattées l'envieuse convoitise de rivaliser de celui qui aurait un retard à ratttraper. Dans ce cas de figure, la fraternité et la liberté ne seraient pas obligées d'oublier l'égalité, tant il reste vrai que l'affranchissement est le seul combat qui puisse théoriquement réconcilier nos trois valeurs déclaratives. Se subordonnant l'égalité, la fraternité tempérerait le totalitarisme suborneur de l'égalité vindicative et revencharde. Attendu qu'on occupe toujours une position dans une fratrie, la fraternité respecte par position, contre l'idéalisme égalitaire, l'égalité de position dont est forcée de s'accommoder la conquête de l'égalité en vertu du principe de réalité. La fraternité n'attente donc pas de front et par principe à l'ordre public des sociétés organiques et naturelles, toute société ordonnée étant aussi hiérarchisée, comme le réclame encore la dimension sacrale de l'organicité sociale. Elle ne rend donc pas nécessaire a priori que la conquête de l'égalité se déroule dans le cortège macabre qui suit les épisodes révolutionnaires. Couplée à l'égalité, elle réinstaurerait au contraire une sore de révolution permanente où le mieux loti d'entre les frères remettrait à flots le moins nanti, en lui faisant volontairement reddition, le cas échéant, des biens dont il l'aurait lésé. - - Que si la liberté venait à répudier la fraternité, la fraternité n'aurait qu'à faire comme si, sans oublier la liberté, en la gardant en toile de fond, mais en agissant en faveur de la liberté par-dessus ses prérogatives. La primauté et la centralité de la fraternité sont d'autant plus souhaitables qu'étant auxiliatrice et médiatrice par nature, elle respecte, non seulement l'ordre naturel et organique des sociétés, mais encore la dimension déclarative du tryptique juridique. La fraternité ne met pas la main sur, elle reconnaît la distance irréductible de l'être et de l'autre, distance qui est la seule autonomie de tout être, ainsi que le crie le Corps semi-Glorieux du ressuscité : "Noli me tangere", ne me touche pas, cesse de me tenir, ne t'approprie pas ma personne, n'essaie pas de me posséder, ne mets pas la main sur moi, ne te permets pas d'avoir un contact avec moi si j'ai peur du contact, respecte mon tabou de te tenir pour interdit, puisque c'est ma liberté de ne pas vouloir de toi pour mon frère, comme c'est ta liberté de me tenir pour le tien", ce plaidoyer antifraternitaire de la liberté qui a peur du contact constituant sa lettre de répudiation de la fraternité. Où l'on voit à nouveau que la liberté est par sa nature foncièrement plus opposée à la fraternité qu'à l'égalité, alors qu'il n'y a aucune opposition de principe de la fraternité à l'encontre de la liberté. Autrement dit, la liberté peut avoir peur de la fraternité, le contraire n'est pas vrai : la fraternité n'a rien à redouter de la liberté. - Il n''y a que dans une seule conjonction que les droits de l'homme sont harmonieusement répartis : c'est dans celle de la trinité – LA SOCIETE EST TOUJOURS UNE ALLIANCE DE SECONDE ZONE - "Liberté dans le Père, Egalité dans le Fils, Fraternité dans l’Esprit ? Liberté, Egalité, Fraternité des Personnes divines ? Communion trinitaire dans la liberté, l'égalité, la fraternité?" (un certain Denis, sur l'espace cybernétique du métablog) Si dieu Est Trinité comme le pensent les chrétiens, les droits de l'homme correspondent à… l'identité de dieu ; et, en suggérant de mettre la fraternité au centre dutryptique, soit la grande oubliée des droits de l'homme comme le Saint-Esprit est le grand Oublié de la trinité, on convoque "l'esprit des droits de l'homme" en plein coeur de "l'âge de l'esprit". - Toutefois, si on prend la précaution d'ajouter que, pour René cassin, les droits de l'homme étaient une profanation volontaire et positive, quoique ne s'intégrant pas dans le droit positif, des Tables de la loi mosaïque, succédant aux lois noachides, alors on est amené à reconnaître que les droits de l'homme sont un universel judéo-chrétien. La fraternité peut-elle normaliser cet universel au-delà de son territorialisme d'origine ? Ce serait du néocolonialisme que de ne pas en référer à nos frères avant d'en décider... "Dans la « modernité », on a cherché à construire la fraternité universelle entre les hommes, en la fondant sur leur égalité. Peu à peu, cependant, nous avons compris que cette fraternité, privée de la référence à un Père commun comme son fondement ultime, ne réussit pas à subsister. Il faut donc revenir à la vraie racine de la fraternité. ("LUMEN FIDEI", 54). La psychanalyse a bien fait de nous rendre notre enfance, mais elle a commis une erreur de conséquence contre les structures élémentaires de la parenté en postulant que le meurtre primitif s'était commis de la horde des frères à l'encontre du père. La Bible nous renseigne avec plus de probabilité lorsqu'elle présume que l'histoire a commencé par un fratricide. Ce n'est pas après le meurtre du père suivi de sa divinisation, c'est de toujours que chacun des frères a cherché à nucléariser la famille autour de lui, dans une relation qu'il noyauterait et qui serait de lui tout seul avec les seuls, ses parents. C'est par conséquent de toujours que deux frères ont été de trop dans une famille, ont cherché à s'éliminer pour récupérer tout l'amour familial, l'élimination mutuelle constituant certainement le positionnement primitif et indifférent de tous les membres de la fratrie. Car on est toujours pris en sandwiche tant qu'on n'a pas attiré à soi l'intégralité de l'amour familal, héritage qui ne souffre pas l'indivision. Maurras ne notait pas sans pertinence que tout héritage qui entre dans l'indivision ne fait que des déshérités. C'est pour éviter la dispersion des héritages en lots que naquit le droit d'aînesse. Si meurtre du père il y eut de la part de la fratrie coalisée en horde primitive, le caractère primitive de cette horde ne peut être que secondaire, car cette coalition résulte d'une construction a posteriori où la fratrie s'aperçoit qu'elle a un ennemi commun : le père, déjà gros d'un potentiel de divinisation, que son sacrifice ne fera qu'aggraver, après "le repas totémique", lequel n'est qu'une construction supérieure et probablement mythique du cannibalisme en amour dévorant des frères contre le père saturnien. On ne peut supposer qu'il n'en soit pas allé ainsi que dans une tribu clanique, c'est-à-dire hors de toute logique familiale, à condition d'intégrer que le clan fait peu de cas du caractère du géniteur et que la notion de père n'y existe pas vraiment, Le père étant toujours déjà le totem du clan, avant même son ingestion éventuelle par ce dernier. Et c'est aussi parce que l'histoire a commencé par un fratricide que la fraternité est le plus difficile des commandements et la partie immergée des droits de l'homme. Les patriarches de la Bible n'ont cessé de promouvoir et de transgresser le droit d'aînesse, depuis le meurtred'abel, commis parce que Dieu transgressait ce droit naturel selon caïn, outre que sa jalousie était excitée par la préférence manifestée au sacrifice de son frère, jusqu'au vol de bénédiction commis par le cadet Jacob, le jumeau talonneur d'Esaü sorti avant lui du ventre de rébéca, auprès de leur père Isaac, vol dont procéderont "les enfants d'Israël", après qu'Isaac lui-même fut pris dans unconflit de préséance, où il ne peut être le premier des enfants d'abraham qu'à condition qu'on introduise, à l'occasion de sa naissance, la distinction entre enfant naturel et enfant légitime, distinction qui tomberat sous Jacob pour répartir les lots des fils d'Israël : Jacob aura tendance à privilégier les enfants de l'amour qui ne sont pas nés d'un "vouloir de chair", mais il faudra attendre saint-Jean pour que l'expression soit seulement employée et qu'ele trouve une résonnance dans notre civilisation, à travers le concept d'enfant désiré. Israël naît d'une transgression du droit d'aînesse ; l'islam apparaît apparemment pour le rétablir et faire rentrer Ismael dans ses droits ; or à peine a-t-il rendu justice à Ismael que l'islam nie à son tour le droit d'aînesse en réclamant une parfaite égalité entre les frères. ("La création tout entière est réceptacle, symbolisée par la lettre beith en Hébreu, "Temple, Maison". Elle est donc féminine par rapport à Dieu (Qui vient féconder). Beith donne bath, qui est la fille. Nous sommes la fille enceinte du père, d'où l'interdit de l'inceste. Le rapport père-fille est sacré, il nomme un Mystère profond, c'est le père qui engendre la Création, laquelle est féminine. Nous sommes amenés à considérer ce rapport père-fille, tellement sacré qu'il est exclusif." (Philippe dautet, "LE CHEMIN DE L'HOMME SELON LA BIBLE" (Desclée de Brouwer, 2009) La spiritualité nuptiale, non celle du mariage, mais celle des épousailles de l'âme avec dieu, me fascine et elle me gêne. Elle me fascine parce qu'elle réalise un idéal unitif, dont ce qui me gêne est qu'il passe à travers moi. Pour le dire autrement, le mariage suppose l'altérité. Or un mariage avec dieu à l'intérieur de soi peut dériver vers le narcissisme ou le cloisonnement dans une intériorité dévoyée car autoérotique, ce qui est du pareil au même, car l'autoérotisme est une déclinaison du narcissisme. Or comment expliquer qu'au gré des Evangiles et des analogies, Jésus Se présente tour à tour plus "l'epoux" du cantique, mais un maître qui rentre de noces qui ne sont pas les siennes. Comment le comprendre, au-delà de la multiplicité des analogies et des images ?

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