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mercredi 30 mai 2012

La représentation de la fin des temps dans la conscience croyante


Habacuc 2:3 :

"Quand bien même Il pourrait tarder, nous l'attendrons chaque jour"



I l'apocalyptique, Une affaire de generation





" En vérité je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive !" (Mt 24:34)



On le sait, c'est l'apparence de non accomplissement de cette promesse qui va générer l'angoisse sur la non fiabilité des Ecritures. Pourquoi notre salut imminent est-il retardé ?

L'épître de Pierre nous affirme que Dieu patiente, tandis que nous nous impatientons :



"Le Seigneur ne tarde pas dans l'accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient ; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance". (II Pierre 3:9)



Cette impatience des disciples va se manifester sous la forme d'une curiosité sur la date du Retour du Christ, curiosité qui sera la dernière question que les disciples poseront à leur Maître avant que Celui-ci remonte au ciel :



"Étant donc réunis, ils l'interrogeaient ainsi: "Seigneur, est-ce maintenant, le temps où tu vas restaurer la royauté en Israël ?"

Il leur répondit: "Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre Autorité." (Actes, 1:6-8. Il les avait pourtant avertis que personne, ni "les anges des cieux", ne pouvait connaître le Jour ni' l'Heure, pas même le fils de l'homme (Mathieu, 24:36).

Il leur prodigue aussi une consolation : ils vont recevoir une force, celle de l'Esprit-Saint, qui en fera des témoins à Jérusalem et jusqu'aux extrémités de la terre. Mais cela n'apaisera pas leur curiosité. Elle demeure jusqu'aujourd'hui, où certains n'hésitent pas à commettre l'impiété de voir s'ils ne pourraient pas, d'après la Bible, calculer le moment de la fin du monde. De notre temps, cette impiété vis-à-vis de la Bible se nourrit de la toute dernière datation de la fin du monde d'après le calendrier maya ; de même qu'on peut dire que la question de la génération qui ne passera pas, en dépit du caractère plus que contestable de leurs réponses, a été assumée et reprise au sérieux par les témoins de Jéhovah, à la fin du XIXème siècle.



Ces deux tensions, l'espérance d'un salut imminent et l'insatiable désir de le dater, vont connaître très tôt une traduction biblique dans l'apocalypse de Jean, dernier livre de la Bible. Ce grand livre du dévoilement est écrit avec des images impressionnantes, qui, tandis qu'elles paraissent flatter notre désir d'interroger l'avenir, veulent nous presser de connaître "l'effacement du Mystère divin", pour entrer dans "la vision béatifique, privilège des élus". Comme avait fait le livre de Daniel, dernier livre de l'Ancien testament, l'impatience doit stimuler la Foi à comprendre que l'enjeu de son combat est cosmique, et celui de la Lumière et des ténèbres en tout vivant. Ainsi, le livre de daniel est le premier à introduire l'Avènement du "Fils d'homme" en qui nous autres, chrétiens, croyons reconnaître le Christ (Dan 7:13 ; mais il est aussi le premier à nous informer du combat entre Dieu et la bête, à nous ouvrir le combat des anges et à nous signifier l'importance du combat spirituel pour nos personnes (Dan 12/1-4. Le livre de daniel est le premier à nous signifier très clairement la résurrection des morts :



"1 Et en ce temps-là se lèvera Micaël, le grand chef, qui tient pour les fils de ton peuple ; et ce sera un temps de détresse tel, qu’il n’y en a pas eu depuis qu’il existe une nation jusqu’à ce temps-là. Et en ce temps-là ton peuple sera délivré : quiconque sera trouvé écrit dans le livre.

2 Et plusieurs qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l’opprobre, pour être un objet d’horreur éternelle.

3 Et les sages brilleront comme la splendeur de l’étendue, et ceux qui ont enseigné la justice à la multitude, comme les étoiles, à toujours et à perpétuité.

4 Et toi, Daniel, cache les paroles et scelle le livre jusqu’au temps de la fin. Plusieurs courront çà et là ; et la connaissance sera augmentée."



Le livre de daniel sera scellé, comme celui de l'apocalypse, scellement d'une Bible où certains croient voir une tentative d'"éteindre l'esprit".



Daniel sera le premier, de manière quasiment certaine, en même temps qu'il transfère les ressorts de l'impatience d'Israel en ressorts d'une angoisse spirituelle, à pratiquer ce que les exégètes assurent être l'une des constantes du genre apocalyptique : l'antédatation, qui consiste à écrire un récit antidaté de l'avenir. Saint-Jean fera, nous dit-on, la même chose, commentant cette première crise générationnelle qu'auront à connaître les judéo-chrétiens, qu'est la destruction du second temple en 70, suivi de la dispersion des juifs par les romains. Saint-Jean raconte-t-il autre chose ? En tout cas cette crise est présente à son esprit ; mais Saint-Jean prévoit-il cette crise ou la commente-t-il a posteriori pour consoler les chrétiens persécutés et conforter leur espérance ?



Il est de bon ton, dans l'exégèse moderne, de considérer que l'apocalypse de Saint-Jean est lui aussi un livre rétrospectif, construit sur le registre del'antédatation et qui commente, avec les ressources du prophétisme hébreu, le traumatisme de la destruction du temple. Seule voix discordante à forte audience dans le cortège des exégètes à méthode scientifique, à défaut d'être historico-critique, claude tresmontant, dans son ouvrage "Enquête sur l'Apocalypse: Auteur, datation, signification" (édité chez François-Xavier de guibert en 1994), considère à la fois l'apocalypse comme un livre d'anticipation, et resserre sa portée narrative au seul traumatisme de la crise majeure qu'aura à traversé "la génération qui n'a pas passé", ou à peine, depuis que le Christ Est Mort, Ressuscité et Monté au ciel.



De là à ce que certains en infèrent que chaque génération connaît son apocalypse, son moment décisif, qui la rapproche de Dieu, parce que la grande tribulation qu'elle traverse la remet face à l'Essentiel, dans l'impatience de la délivrance ; de là à considérer que l'apocalyptique est un genre littéraire qui permet, de génération en génération, de maintenir allumée la flamme de la vigilance, en tirant à chaque fois, de la terreur de l'an 1000, de la grande peste du XIVe siècle ou de la shoah, des leçons inédites et salutaires, il n'ya qu'un pas, que certains, comme l'abbé Guillaume de Tanoüarn, n'hésitent pas à franchir : sans que ce soit une loi écrite, il y aurait une apocalypse par génération, qui s'inscrirait dans le long déploiement de l'unique dévoilement de la seule apocalypse, dans laquelle les chrétiens ont à vivre "ces temps qui sont les derniers". . Les chrétiens vivent cette "histoire accompli du salut déjà là" dans ce qui pourrait être un impensé de la philosophie de l'histoire : la crise, dont les avatars sont nombreux dans l'histoire sainte qui n'en est pas avare, la crise, exprimée, de génération en génération, par l'histoire événementielle, qui vient secouer notre impatience endormie du retour du Sauveur.









II D'UNE AFFAIRE DE GENERATION A UNE QUESTION D'AGE



Pourquoi peut-on se permettre de dire que l'histoire événementielle est un impensé du christianisme ? En raison d'une espèce d'hégélianisme rampant, évoluant d'un "sens de l'histoire" à une "fin de l'histoire", attendant la résolution dialectique de l'"avènement de la raison (ou de l'Esprit) dans l'histoire". Ce terme se veut de manière à peine voilé un substitut rationnel de l'événement escathologique annoncé par la révélation, et apparaît comme l'effet conjugué de l'accusation qu'on a toujours porté contre les Ecritures d'avoir voulu, en se déclarant scellées, "éteindre la prophétie" ou "éteindre l'Esprit", moyennant quoi le "tout est accompli" que prononce le christ à la croix marque une "fin de l'histoire" qui, si elle se prolonge à travers l'histoire sainte, depuis "l'evangile de l'esprit-saint" que sont les actes des apôtres jusqu'à l'histoire de l'Eglise post-biblique, n'est qu'un avatar historique. Mais surtout, l'hégélianisme est un prolongement des thèses de Joachim de Flore où il prendra sa source occulte, et qui auront, en un sens, une vie plus durable que lui, parce que l'hégélianisme comme recherche de fixation d'une "fin de l'histoire" et en dehors de sa traduction marxiste active ; l'hégélianisme, comme reconnaissance qu'entre l'ascension du Christ et la parousie, il n'y a qu'une histoire entre parenthèses, est démobilisateur de plusieurs manières.





A ce point démobilisateur, tout d'abord, que l'hégélianisme a fixé lui aussi plusieurs fois la fin de l'histoire, terme au-delà duquel il semble presque vain d'attendre une irruption divine dans cette continuité de progrès qui devrait s'ensuivre. Terme de l'histoire deux fois au moins daté et deux fois démenti :



- Selon Alexandre Kojève (Alexandre Kojève, Introduction à la lecture de Hegel, éd. Tel-Gallimard, p. 434 sqq., note 1.), le défilé des troupes de Napoléon Ier sous les fenêtres de Georg Friedrich Hegel en 1806 constituerait le terme de l'histoire, parce que permettant l'avènement d'un etat robespierriste universel et homogène, dans le continuum théologique chrétien, comme une victoire de "l'esprit du christianisme" ayant trouvé sa maturité dans la Révolution française. La suite de l'histoire, y compris les guerres mondiales, ne serait qu'une extension de cette fin de l'histoire de l'Europe dans le monde. On conçoit quel degré d'insensibilité est conféré par un tel raisonnement : pour un personnaliste comme l'est pourtant emmanuel Mounier, fondateur de la revue "esprit" et auteur après guerre de "LA PETITE PEUR DU XXME SIECLE", un génocide comme celui de la shoah, mais aussi bien les cinquante millions de morts de la seconde guerre mondiale, ne sont que d'importance mineure au regard du "sens de l'histoire". Le robespierrisme hégélien avait triomphé à la faveur d'une révolution bourgeoise, portée par une guerre européenne ; face à l'insensibilité d'un Mounier, on se prend à préférer l'idée marxiste que l'histoire de l'humanité commencera avec "la société sans classe", avant quoi on est dans la préhistoire de l'humanité.



- Avant la chute du mur de berlin, Francis fukuiama réanime l'hypothèse de "la fin de l'histoire" (in "(The end of History?, article publié dans "the national interest" au cours de l'été 1989 et repris dans "LA FIN DE L'HISTOIRE ET LE DERNIER HOMME", publié en 1992 et réédité chez flamarion en 2009. Considérant la fin des dictatures et des juntes, et le début de l'effondrement de l'Union soviétique, bien entamé dans les années 1970 et 1980, il parie qu'il ne sera plus mis d'entraves à la démocratie ni au libéralisme

et que la guerre deviendra de plus en plus impossible. La chute du mur de Berlin, bientôt suivie de l'effondrement du communisme, donne écho à sa thèse ; mais les attentats du 11 septembre 2001, du point de vue des Etats-Unis, viendront l'invalider, pour accréditer celle du "choc des civilisations", portée, dès l'été 1993 par Samuel Huntington (in "THE CLASH OF CIVILISATIONS, article publié dans la revue "foraign affairs" et développé dans le livre traduit en France en 1997 chez Odile Jacob). Pour ce chercheur jouissant jusqu'alors d'une faible notoriété, l'islamisme succède au communisme comme ennemi du "monde libre".



La "fin de l'histoire" démobilise le sens escathologique chrétien jusqu'à porter les prophéties de la fin, "fin du langage", "fin de l'homme", "mort du sujet", "mort de dieu", ce qui fera écrire à un Jacques derrida (in "Le spectre de Marx", Gallilée, 1993) :



"Les thèmes eschatologiques de "la fin de l'histoire", de la "fin du marxisme", de la "fin de la philosophie", des "fins de l'homme", du "dernier homme", etc., étaient, dans les années 1950, il y a quarante ans, notre pain quotidien".



LA POSTERITE CONSIDERABLE DE JOACHIM DE FLORE



Ernst Junger n'est pas le seul à voir dans ce cistercien, proclamé bien-heureux, mais dont les thèses seront successivement condamnées par les conciles d'arles et du Latran, un précurseur des systèmes de la philosophie de l'histoire. En façon de marsioniste pentecôtiste, notre moine passablement illuminé (1131-1202), reprendra, à sa manière, l'idée selon laquelle la parousie est une question de génération et surviendra probablement de son vivant ; mais le fait qu'il suppose un tiers testament purement réceptif, un "âge de l'esprit" et trois âges de l'humanité, élargira singulièrement l'horizon et la perspective historique, mais surtout connaîtra une postérité dont on peut dire qu'elle s'étendra du positivisme au pentecôtisme, en passant par le "new age" et la prédiction de l'ère du verseau. Face à ces trois développements actifs des thèses de Joachim de flore, les "philosophies substitutives de la fin de l'histoire" seront certes, elles aussi, en continuité avec cet héritage, mais à cette différence notable que, si elles garderont le paradigme de l'esprit, ces constructivismes idéologiques n'intégreront pas l'aspect prophétique du joachinisme, aspect qui sera repris, y compris par celui qui devrait en être le plus éloigné : le positiviste auguste compte.





1. L'âge de l'esprit comme triomphe de la science



Il est impossible de ne pas discerner la trace de Joachim de flore dans la célèbre "théorie des trois états" d'Auguste compte. Celle-ci se propose à la fois comme un développement individuel et collectif. Sur le plan individuel, le parallèle est saisissant : là où, pour Joachim, la lettre de l'evangile devait illuminer les enfants, Auguste comte place "l'âge théologique" dans "l'enfance de l'humanité, comme recherche des causes essentielles, finales, mais surtout originelles, principielles, comme recherche du Père. L'intelligence spirituelle de Joachim de flore correspondra à "l'âge métaphysique" d'Auguste compte, sorte d'adolescence de l'humanité, que comte définira comme capacité d'abstraction, comme besoin de faire de la géométrie avec dieu et besoin de légiférer. La pleine manifestation de dieu doit enivrer les cœurs d'amour, suppose notre moine ; la transposition comtienne est "l'âge positif"", qui est moins à proprement parler cessation de toute théologie apophatique, que sortie de l'enfance de la recherche du "pourquoi", de la recherche de la cause, pour entrer, non plus dans une illusoire volonté de légiférer, mais dans la compréhension des lois phénoménales, ouvrant la science de la prévision, comme le prophétisme de flore se montrait lui-même prédictif. En un sens, l'investissement de la fin du monde, sous quelque vocable qu'on recouvre l'intérêt qu'on y prend, est symétrique à ce besoin de divination, à cette peur de l'avenir et à cette fièvre corrolaire d'investir l'avenir que Dieu frappe d'interdit, comme Il refuse qu'on se montre prescriptif des délais et des dates du retour de son fils que ce Fils Lui-même ne connaît pas.



Un auguste compte ou un Joachim de flore seront moins de ceux qui voudront rassurer l'histoire (ou se rassurer sur l'histoire) qu'ils ne seront des périodisateurs de l'histoire ou qu'ils ne prendront des paris sur l'avenir. Prenant des paris sur l'avenir, Joachim de flore prophétise que Rome deviendra babylone, sera gouvernée par un antipape à l'enseigne de simon, le magicien ; connaît certes l'antiroi, s'il ne peut nommer l'antipape (c'est l'Empereur Henri IV) et fixe les signes avant-coureurs de la parousie dans la perte de l'Empire d'Allemagne et les dommage que les cathares et les musulmans feront à la chrétienté. Comptant en générations, Joachim de flore compte qu'une vigne (le Nouveau testament) est greffé sur un figuier ; que La vigne court autour du figuier pendant vingt et une générations, d'Azarias à Jésus Christ, puis s'élève seule pendant quarante deux autres générations, de la venue de Jésus Christ à son retour lors de la fin des temps. Périodisant l'histoire, Auguste compte ne compte plus en générations, mais en âges : reprenant son maître Saint-simon, il postulera que l'âge théologique correspond à celui de la féodalité et que l'"âge positif" correspond à l'"ère industrielle. Entre les deux, il intercale pour "l'âge métaphysique" "le siècle des lumières" et son abstraction législative de "contrat social" où les droits individuels mènent à la souveraineté populaire, quand il rève, lui, grâce à la sociologie, de faire de l'ingénérie sociale, de dégager les lois de la sociologie organique, rêve d'ingénérie qui se réalisera dans la technostructure et la technocratie, de la synarchie, à la planification contemporaine, à l'économie consciente, avec ses normes bureaucratiques, économétriques, budgétaires ou industrielles.







EVOLUTION PRIMAIRE ET SECONDAIRE





A ce stade, on peut noter qu'à son corps défendant, Auguste comte et son positivisme peuvent être tenus comptables de ce que Jacques ellul appellera "la sacralisation de la technique", phénomène ainsi défini par Bruno Latour :



"Les techniques finissent par envahir l'horizon des fins en devenant autonomes et non plus seulement automatiques." Naturellement, la science devient le moyen de la technique et non plus sa fin. L'évolution techniciste, contre tout personnalisme, aboutit à ce que l'ordre virtuel d'un actionnaire ou d'un agent de change se déplace plus vite que l'homme réel et que l'homme paraît fait pour l'information, beaucoup plus que l'information pour l'homme. Le machinisme devient une fin en soi, si bien qu'il peut se produire un hiatus entre l'utilisateur et son outil, tel que l'utilisateur perde la capacité de production de son outil, et qu'il sache tellement bien s'en servir qu'il ne va plus savoir le fabriquer. L'outil, plus encore que la statue dont il est l'ustensile, va faire l'objet d'un culte. Mais qu'advient-il si la technique, fin d'usage de la science, processus secondaire d'évolution sur le mode inventif et accumulatif, détournée de toute finalisation de la science organisatrice, acquiert le pouvoir de dévaster la terre ou de créer de la matière à la place de dieu ? On n'aime pas que les chercheurs jouent aux apprentis sorciers ; une certaine levée de bouclier a fait entendre sa protestation à l'annonce qu'on serait bientôt en mesure de réaliser le clonage reproductif ; une régulation bioéthique s'est efforcée de contenir la technique quand elle concurrençait Dieu en matière de création ; on est rarement allé toutefois jusqu'à s'élever avec persévérance contre les techniques de procréation médicalement assistée, qui n'ont transformé rien de moins que le processus de génération humaine. Or a-t-on jamais estimé plus grave que la bombe atomique ait mis la dévastation de la terre au pouvoir de l'homme, en concurrence avec dieu ? Le pape Pie XII, lorsque lui fut présentée la pile atomique, a salué la découverte et s'est borné à souhaiter qu'elle ne soit pas utilisée à des fins malignes et destructrices. Or, comme l'a dit le prix nobel de physique dennis gabord dans l'une de ses pensées, qui sonne comme un oracle réaliste :



"tout ce qui peut être fait, techniquement parlant, le sera un jour ou l’autre."



Le positivisme s'inscrit enfin dans le cadre évolutif ouvert par darwin, plus encore que par Joachim de flore, dans lequel il voudrait être le dernier mot de l'évolution de l'espèce humaine. Le positivisme se dit prêt à "faire s'affronter les hypothèses" plutôt que de recourir, comme "l'âge théologique", à des "concepts éternels et universels, qu'il ne soumet pas à la réalité". Sauf que la généalogie de cette évolution, ceux qui en ont émis l'hypothèse sont allés la chercher dans les fosciles et dans la préhistoire, c'est-à-dire dans ce qui est antérieur à l'écriture, ce qui est mal compenser le défaut de source des Ecritures, obligé d'en appeler à l'inspiration de leurs auteurs, ne donnant qu'un récit poétique, leur reproche-t-on. Or cette "hypothèse" échafaudée à partir d'une source non écrite ne veut pas être discutée, surtout quand, non seulement certains fosciles font écho au bestiaire fabuleux de la bible, mais encore . semblent confirmer l'existence d'une "race de géants" androïdes. Il faut reconnaître que les premiers à avoir contesté en termes très sévères et constants l'excès d'autorité de darwin et de son école ont été les témoins de Jéhovah. Or, ce sont les mêmes qui ont opposé à darwin une réponse théologique qui pourrait lui être dialectiquement favorable : "le monde" n'est qu'un "système de choses". Pour les témoins de Jéhovah, Dieu, Qui a créé "le système de choses actuel, sera le même qui le changera, le Même qui ne soumettra plus la terre habitée par ses élus à la loi de la destruction systémique, le Même qui fera habiter son ciel nouveau sur la terre matériellement régénérée, débarrassée des méchants dont on n'aura plus le regret.



Les témoins de Jéhovah, comme aussi les créationnistes intelligents, et les partisans, toute confession confondue, de l'inerrance biblique, semblent seuls avoir pris la mesure du défi que pose aux pouvoirs d'intervention divine la théorie de l'évolution. Dieu y est non seulement dépossédé de Ses pouvoirs téléologiques, mais aussi créateurs et providentiels. Même chez ceux qui font une place à "l'esprit" dans le processus évolutif, chez ceux qui le mettent à part, lui font jouer un rôle d'exception, comme teilhard de chardin ou gustave Martelet, Dieu Se soumet à la nature, et ne veut pas violer les lois de la nature qu'Il a laissé se développer de manière andogène et, partant, sinon exogène, mais indépendante de sa volonté.



Toute dépossession métaphysique de dieu entraîne un danger pour l'homme : si l'homme n'est inséré que dans un système de choses", si de plus cette insertion réussit davantage à mesure qu'il s'adapte mieux, la place laissée vacante par la Providence divine peut être prise par lui, et rien ne saurait mettre un frein aux modèles d'"homme nouveau" qu'il se propose : aussi bien l'homme mieux conformé physiquement par une sélection naturelle organisée et assumée par l'eugénisme (telle que ne se sont pas privés de la préconiser Haeckel ou spencer, héritiers de darwin, ce dernier voulant cette adaptation pour le bien de l'économie), que moralement mieux armé, du "surhomme" nietzschéen, se réalisant partiellement dans l'übermensch hitlérien, à "l'homme nouveau" de Mao, qui trouve un étrange prolongement dans "le changement de conscience de l'humanité" prôné par le "new age". Toutes ces expansions du pouvoir de l'homme, à la fois sont en germe dans "la religion de l'humanité" d'auguste compte, et ont pour point commun de préférer s'administrer une autodivinisation en volant les prérogatives divines à l'instigation suggestive lointaine de "l'antique serpent", plutôt que d'attendre de recevoir cette divinisation de la grâce de Dieu, comme cela a été promis par des Pères de l'Eglise comme saint Irénée, au terme de sa "théorie de la récapitulation".





2. L'ère du verseau.



L'ère du verseau se trouve à l'exact confluent des points préétudiés :



- Emblème de la mouvance composite du "new age", ce changement d'ère astrale, ainsi désigné par Paul Lecour en 1937, est un millénarisme astrologique", "qui se distingue des millénarismes traditionnels par le fait que le changement à venir ne serait ni abrupt, ni violent, ni même issu d'une force supérieure, mais qu'il nécessiterait la participation des êtres humains", via l'appel aux "groupements de bonne volonté mondiale" pour hâter… le moment tant attendu… "du retour du christ" (Alice bailey), Qui établira une religion et un gouvernement mondials, étant entendu que le christ est davantage un Principe ou une Energie . qu'une Personne et que, si la figure du christ reste dominante dans le mouvement "new age", l'ère du verseau se définit en opposition avec l'avènement du christianisme et est associé, tel un Age de l'esprit - même s'il y a d'autres ères astrales passées et à venir, dans la lente évolution du système de choses conduite par la précession des équinoxes… La construction n'est pas trine - à un changement de conscience de l'humanité", où celle-ci réalisera les valeurs altruistes du verseau, à la faveur de ce "changement de paradigme culturel" (Marilyne ferguson, "LES ENFANTS DU NEW AGE"), où l'homme accédera à une grande partie de son "potentiel psychique et spirituel" (opus cité). Pour rudolf steiner, "qui se voulait l'inventeur d'une "science de l'esprit" (ou comment acqquérir "le troisième œil" sans recourir à la voyance…),Après l'accomplissement du processus d'individuation au cours de l'ère des poissons, l'Ère du Verseau serait une ère durant laquelle de nombreux individus percevraient les mondes suprasensibles de manière objective et consciente."



L'ère du verseau prrend donc date avec l'histoire et essaie de périodiser l'avenir, comme c'est une constante de toutes les supputations sur la fin du monde (ou "l'évolution du système de choses". Si certains ont daté notre entrée dans cette ère de 1962, Rudolf steiner ne la voit pas arriver avant l'an 3573. Paul Lecour, inventeur de la notion d'ère du verseau, évalue à 2160 ans la durée de chaque èreastrale. Donc, selon la date exacte à laquelle aurait débuté "l'ère des poissons", qui n'est pas forcément assimilable avec l'entrée dans l'ère chrétienne, l'entrée dans l'ère du verseau est située en moyenne par les tenants du "nouvel âge" entre 1962 et 2162, d'où l'attention particulière qui fut accordée par ces courants à l'année 2012, année médiane entre ces deux périodes, mais surtout année de fin de cycle selon le calendrier maya ; si ce n'est que le "new age" soulève de telles protestations parmi les sociétés traditionnelles auxquelles il emprunte des croyances qu'il tente de réunifier de manière syncrétique, que "the Declaration of War Against Exploiters of Lakota Spirituality" (ou Déclaration de guerre contre les exploiteurs de la spiritualité Lakota), l'une des plus violentes charges lancées contre le "new age", l'a été à l'initiative des leaders amérindiens, principaux concernés par l'abus de réinterprétation du calendrier maya extrapolé par le "new age".



Si le "new age" adore un "Dieu, Océan d'unité", que l'on trouve en soi, et Auquel on croit moins qu'on n'En fait l'expérience, il a également partie liée avec le néopaganisme, prétend communiquer avec des dieux anciens, et confond dans une similarité lumineuse ces dieux (souvent égyptien ou indiens), les bouddhas, les anges, les morts, les guides et le christ (que certains, comme Benjamin creme, prétendent être revenu sous la forme de Maîtreya, qui serait arrivé à Londres depuis le 19 juillet 1977), comme il aime recevoir des messages de "chanelling". "L'âge de l'esprit" qu'est le "new age" est donc aussi un âge spirite. C'est dire l'échec d'Auguste comte, dans sa volonté d'éradication de "l'âge théologique". Ce n'est pas par artifice qu'on fait ici retour à lui ou à la figure de Joachim de flore, que nous n'avons jamais perdus de vue. L'échec de l'instauration de "l'âge métaphysique" avait été constaté, du vivant même d'Auguste Compte, dans l'évolution religieuse du positivisme, où comte s'établissait "grand prêtre de l'humanité", au désespoir de Renan, de Litré ou de John stuart Mill, ses anciens disciples. C'est dans ce tronc commun de "l'humanité" que peuvent être renoués le comtisme et le "new age". Quant à Joachim de flore, il se concevait lui-même comme "le nouveau Jérémie". A peine se serait-il pris pour Elie de retour, si l'orgueil ne l'avait retenu ! Car il prédisait ce retour d'Elie, comme les musulmans ont cru déceler dans les ecritures, avant l'Annonce du Messie (à la fin des temps pour les juifs), l'avènement du grand prophète. C'est pour avoir mal compris quelle était l'identité d'elie, qu'ils ont parfois assimilé à Jean-baptiste, le précurseur, dans lequel certains ont vu une réincarnation d'elie, que les chantres du "new age", férus de prophétisme, ont cru pouvoir fonder leur accusation contre ceux qui ont canonisé la Bible de faux en Ecritures (saintes), allant jusqu'à prétendre que c'étaient ceux qui avaient occulté le Saint message, qui avaient poussé ceux qui pratiquaient les "sciences occultes (non pas cachées à leur sentiment, mais simplement sacrées), dans les voies de l'ésotérisme.



A la vérité, avec cet "âge de l'Esprit qu'est le "new age", héritage indirect d'auguste Comte et de Joachim de Flore, on est si grandement retombé de "l'âge métaphysique" vers lequel on croyait se diriger dans "l'âge théologique", qu'encore, est-ce dans la phase archaïque de celui-ci, , qui, pour Auguste compte, était "le fétichisme" des primitifs. Cette évolution avait déjà été traversée personnelllement et consciemment par le maître du positivisme, quand il avouait vouer à clothilde de vaux, sa bien-aimée défunte, un culte fétichiste. Mais le fétichisme se caractérisait pour Auguste comte par la croyance que tous les objets que nous voyions, à comencer par les astres, étaient comme nous doués de vie. Le "new age" va chercher sa vie dans les astres ; il est adepte de "la religion de l'humanité" ; et il croit que Gaya, la terre, est un être vivant saturé par l'homme. Non seulement les astres sont vivants et la terre est vivante, mais, selon Steiner, elle aurait connu sept âges et serait la réincarnation de sept planètes : il y aurait réincarnation du ciel à la terre. Le parallèle s'impose ici avec l'assimilation que fait Joachim de flore des sept corps planétaires dont était alors composée la nomenclature du système solaire aux sept personnages qui se partagent la durée des temp, depuis la création jusqu'à Jean-baptiste (Adam est assimilé à saturne, Noé à vénus, etc.). Dans son animisme, l'écologisme du "new age" rend une sorte de culte idolâtrique à la terre, être vivant, regardant vers la terre plutôt que de lever les yeux au ciel, et préférant à la limite que l'humanité disparaisse plutôt que la terre ne dépérisse (comme le montre le titre provocateur de l'ouvrage d'Yves Pacalet : "L'HUMANITE DISPARAITRA, BON DEBARRAS", j'ai lu, 22 septembre 2007) On oublie trop souvent que la pensée écologiste est souvent eugéniste. Bernard Werber, étrangement recensé comme un auteur proche du "new age", ne verrait pas d'un mauvais œil que la politique démographique chinoise soit appliquée à l'ensemble des nations du monde. C'est en ce sens qu'on peut parler d'idolâtrie écologique, à laquelle le "new age" croit décerner des brevets de sacralité, refusant d'admettre que la terre est ordonnée à l'homme et non l'homme à la terre.





3. Le pentecôtisme.



Le pentecôtisme pourrait être perçu comme une tentative de conversion de "l'âge de l'Esprit" tel qu'entendu par le scientisme, mais plus encore par le "new age", que ce mouvement combat pied à pied, dénonçant la fausse prophétie qui court à travers le "new age", exorcisant quiconque aura recouru à un rebouteux doué de pouvoirs médiumniques, mettant en garde contre le recours à des techniques de "développement personnel", même ancestrales telles que le yoga, réhabilitant la notion de "miracle" accompli par le christ contre la religion du paranormal portée par le "new age", et étant d'autant plus habilité à le faire que le mouvement pentecôtiste, né sensiblement en même temps que lui, prend en compte les aspirations du "new age" au retour de la prophétie et à plus de communication directe de l'homme avec Dieu.



Le terme de pentecôtisme tire son origine de la croyance en "une nouvelle pentecôte", croyance qui tend de plus en plus, du fait de l'institutionalisation des mouvements pentecôtistes, à s'exprimer en termes de "réveil des charismes" au sein d'une Pentecôte unique et pérenne. Avec le pentecôtisme, nous stabilisons notre retour dans "l'âge théologique", mais dans une franche négation du fétichisme animiste, pour réintroduire les trois Personnes du dieu trinitaire et Unique dans le récit humain d'où L'avait chassé "la fin de l'histoire". Comme le dit admirablement Maurice g. dantec :



""La fin de l'histoire va ouvrir sur l'histoire des fins… dernières" (interview donnée à thierry Ardisson).



Le "new age" avait à la fois élargi la conception de l'esprit à la totalité du "sentiment océanique", en optant nettement pour le panthéisme immanentiste, en même temps qu'il ne craignait pas de communiquer avec "les esprits"; le pentecôtisme refuse fermement cette confusion syncrétique et identifie clairement l'Esprit-saint Personnel contre les esprits tortueux, semant le trouble et la confusion, le chaos. Le pentecôtisme se pose donc sans ambiguïté comme une alternative au "new age" ; mais il ne peut le faire que parce qu'il en réinvestit les aspirations :.



- Les charismes concourent au spectacle et rajoutent du Mystère là où le paranormal n'est qu'une apologie du mystère ; c'est à ce titre du mystérieux que le baptême d'eau se complète du baptême de l'esprit, que l'eglise catholique refuse de considérer comme un huitième Sacrement. C'est pourquoi, bien que le prédicateur de la maison du pape, raniero cantalamessa, charismatique très engagé, n'hésite pas à employer cette expression de "baptême de l'Esprit", la plupart des charismatiques catholiques se bornent à employer l'expression d'"effusion de l'esprit", pouvant parfois conduire à cette autre manifestation spectaculaire qu'est "le repos dans l'esprit", tombée en extase dans ce qui s'apparente, vu de l'extérieur, à des séances de transe collective.



La glossolalie (ou parler en langues (non vernaculaires, mais nouvelles) est censé confirmer le baptême dans l'esprit. Cette confirmation spectaculaire souffre elle aussi un parallèle avec le sens usuel de la confirmation, qui, dans l'eglise catholique, fait partie des sacrements de l'Initiation chrétienne et semble comme avoir divisé le baptême en deux, mais de manière organisée, contrairement à la Confirmation empirique et subsidiaire que serait la glossolalie du baptême dans l'Esprit.



Le troisième fait spectaculaire dont se prévaut essentiellement la branche la plus évangéliste du pentecôtisme protestant est l'actualisation toujours valable de ces Paroles du chapitre 16 de saint-Marc :



17 "Ce sont ici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues ;

18 ils prendront des serpents ; et quand ils auront bu quelque chose de mortel, cela ne leur nuira point ; ils imposeront les mains aux infirmes, et ceux-ci se porteront bien.

" (Marc 16, 17-18).



S'il est important d'insister sur ce rôle du spectaculaire dans le pentecôtisme, c'est parce que celui-ci, non seulement est aussi un des traits du "nouvel âge", mais est intimement lié au genre de l'apocalyptique, au même titre que l'aspect prédictif et le registre de l'imprécation. On verra plus loin que les écrivains peu nombreux qui se sont intéressés à l'eschatologie ont en commun d'être de grands imprécateurs, ce qui se justifie, dans la mesure où l'imprécation, voire la menace ou la malédiction, fait partie du langage apocalyptique, parlé par la bible elle-même. Nul besoin de dire que ce langage conjure une peur, car, comme le dit encore Maurice G. dantec, nous concevons souvent la fin du monde selon un scénario hoolywoodien.



- C'est parce qu'il partage le prévisionnisme du "nouvel âge qu'il est naturel au pentecôtisme de présumer la proximité de la fin des temps.



Le pentecôtisme catholique a ceci de particulier que les phénomènes mystérieux que disent percevoir les évangélistes, comme la perception sensible des anges, ces phénomènes sont plus rares, car ils ont un corrolaire plus cher : ce sont les mariophanies ou les christophanies. La plupart des mariophanies (ou apparitions mariales) sont porteuses d'un message exhortant les pécheurs à la pénitence sur un ton catastrophiste. Bien sûr, elles révèlent des secrets comme à Fatima ou à la Salette, laissent souvent planer le doute que "Rome perdra la foi" bien que le Siège pétrinien reste légitime et que "les puissances de la mort ne l'emporteront pas sur l'eglise"; mais la plupart de ces mariophanies n'insistent pas tellement sur l'imminence de la parousie, à l'exception notable des apparitions de garabandal. Elles révèlent plutôt un épisode historique contemporain : les apparitions de l'île bouchard avaient ainsi demandé aux petites qui en avaient bénéficié de prier en 1947 pour que le péril communiste n'envahisse pas la France, dans un contexte de guerre froide, déjà annoncé par l'apparition de fatima, où la Vierge, en 1913, c'est-à-dire un an avant la première guerre mondiale, que l'europe aurait pu s'épargner si elle s'était convertie, avait-elle prévenu (sans entrer dans les détails du conflit, plus précise sur la suite), )menaçait que, si le pape ne consacrait pas la Russie à son cœur immaculée, celle-ci allait répandre ses erreurs dans le monde et seul, le Portugal garderait la foi, au sein d'une une Europe déchristianisée. De fait la coïncidence est troublante, avec la révolution russe, L'Union Soviétique signant une paix séparée avec ses adversaires - cette même paix séparée que préparait l'Empereur charlesde Habsbourg, et qui aurait sauvé l'Autriche-Hongrie, aussi bien du démantèlement du traité de Versailles que des griffes d'Hitler -, avant d'organiser une internationale communiste, dont le gouvernement concerna près d'un tiers de l'humanité, aux grandes heures du socialisme, étendu à la chine.



Encore, les apparitions de Fatima, notamment à cause de la danse du soleil, aperçue de soixante dix mille personnes, apparaît-elle comme la plus apocalyptique de toutes les mariophanies ; or l'apparition a davantage montré à ses petits voyants "le ciel, le purgatoire et l'enfer", où elle les a emmenés dans une expérience mystique, qui n'a son pareil, dans la littérature, mais de manière ô combien construite, que dans "LA DIVINE COMEDIE" de dante ou, dans l'expérience mystique, dans le récit que fit Thérèse d'avila des lieux des fins dernières. Tout semble donc se passer comme si les mariophanies étaient plus eschatologiques - et s'intéressaient davantage aux fins dernières – qu'apocalyptiques – et voulaient révéler le Mystère de la parousie -, mais ceci est évidemment un raccourcis, car il faudrait entrer dans les détails de chaque apparition, et l'on verrait que certaines situent fort loin le moment de ce grand retour, quand la majorité l'annonce très proche, mais cette annonce n'est pas le cœur de leur message.



DOZULE ET MAURICE DANTEC



Autre son de cloche avec les apparitions de dozulé, qui vont dans le dur, si l'on nous passe cette expression ! Pourquoi choisir de jeter une lumière particulière sur cette apparition controversée du christ à Madeleine aumont ? Parce que le thème eschatologique de la parousie y bénéficie d'une prédiction très assurée de sa proximité, est assortie de la demande d'ériger une "Croix glorieuse" sur la buttée de ce village du calvados, Croix dont la verticalité ait la hauteur de Jérusalem, et dont les bras partent de l'Orient vers l'Occident, une croix qui soit visible du monde entier. Mais cette apparition, où la voyante recevait quelquefois des locutions en latin qu'elle répétait en présence d'un prêtre et d'une sœur quien prenait notes, développe une vision très particulière de l'histoire, dont l'originalité a retenu l'attention de l'écrivain Maurice G. dantec, le seul écrivain contemporain converti qui développe un réel intérêt pour les thèmes eschatologiques (pour en savoir plus, consulter le site http://dozule.pagesperso-orange.fr/indexfr.html





1. L'eschatologie particulière à dozulé part du principe que, nous dit Jésus, " Vous vivez le temps où chaque évènement est le Signe de la Parole écrite" (le Vendredi-Saint 1975). "le temps du suprême effort du mal contre le Christ. Satan est délié de sa prison. Il occupe la face entière de la terre. Gog et Magog, son nombre est incalculable. Quoiqu'il arrive, ne vous inquiétez pas. Tous seront jetés dans le feu pour les siècles des siècles. Heureux celui qui n'est séduit que par le Dieu suprême ! ” A partir de maintenant, plus aucun événement ne sera insignifiant, car nous nous sommes trop accommodés d'"organiser notre exil" :



"Le "retard" apparent de ce retour, délai accordé à l'humanité par la miséricorde du Père, a causé le "refroidissement de la Charité" prédit, et l'oubli progressif de la grande attente, malgré la prière de Jésus, sans cesse répétée : "Adveniat regnum tuum !"." (P. Jean-baptiste Manceaux, Dozulé, LE Glorieux retour du fils de l'Homme).



2. La parousie de Jésus, pénétrant en douce présence pour la première fois en Roi en ses domaines, qui sont toutes les nations de la terre, doit aussi venger l'indignité avec laquelle Il avait été chassé lors de Son Premier avènement.



3. La situation actuelle du monde est le résultat d'une longue infidélité de la France :



"Voici trois siècles, Jésus s'est confié au "fils ainé de son Coeur", le roi Louis XIV. C'était un jour de 1689. Il lui adressa quatre demandes, par sa messagère sainte Marguerite-Marie de Paray-le-Monial : l'institution d'une fête et l'édification d'un Temple, en l'honneur de sa Royauté d'Amour ; la consécration, en ce temple, du royaume de France et l'apposition de son Coeur sur les emblèmes de la Maison royale." Or le roi très-chrétien n'a pas obéi.

La critique contre-révolutionnaire avait constaté depuis longtemps que, cent ans presque jour pour jour après que ces instructions lui furent communiquées, faute d'avoir été suivies d'effet, eut lieu la Révolution française, qui destitua le pouvoir royal.

Mais le P. Manceaux de développer :



"La Fête du Sacré-Coeur fut instituée pour toute la France, en 1765, à l'initiative de la polonaise Marie Leszczinska, reine de France ; la basilique du Sacré-Coeur, votée par la Chambre en 1873, s'élève sur la Butte Montmartre, mais la France ne lui est pas encore consacrée..." (P. J.B. Manceaux, opus cité).



Maurice dantec, impressionné par ce message, sera peut-être parti d'une note personnelle, écrite dans le cahier de la voyante Madeleine Aumont :

""Le monde est si bouleversé par les progrès croissants qu'on en oublie le Créateur... C'est pourtant par la Croix que Jésus viendra sauver le monde et la tristesse. Les souffrances et les misères prendront fin. Alors ce sera la fin, la paix... Oui, quelles merveilles de découvrir la lumière céleste qui n'aura pas de soir. Mais pour obtenir toutes ces merveilles que Dieu nous a annoncées il faut un coeur pur, il est temps de se convertir, de faire pénitence..."



Maurice dantec se définit, non seulement comme un archéo, mais comme un cathofuturiste, un "chrétien de la fin des temps". C'est ce qui lui fait penser par exemple que "le rock", dont il a pratiqué, "est la musique sacrée de l'âge atomique". (A noter qu'il y a une expression futuriste, y compris de la réalité eucharistique et assumée par nul autre que le pape Benoît XVI en personne, qui définit l'eucharistie comme "une ficion nucléaire" (dans son discours aux jeunes clôturant les Journées Mondiales de la Jeunesse de cologne).



Avec le message de dozulé, Dantec (qui n'a même pas fait exprès de s'appeler presque dante) entre dans le grand bain. Le combat est immédiat, spirituel et métapolitique.



Dans "cosmos incorporated", il secoue ce que sera le monde en 2057, en pleine apogée du règne antéchristique. Par "antéchristique", Dantecsuppose, en vrai connaisseur de l'apocalypse, non pas que le retour du christ sera précédé d'un anti-christ ou contre-Christ (à cela, les faux prophètes suffisent amplement, mais d'un pouvoir précédant le Christ, préfixe ante, avant en latin), qu'il s'agit précisément de caractériser. Ce règne antéchristique, Dantec le situue postérieurement au "grand djihad. Qu'il ait pu penser à un "grand djihad lui a valu l'ire de l'intelligentsia française. Or, Après "le printemps arabe" commencé en 2011, qui a, partout où il a pris le pouvoir, favorisé l'émergence de partis islamistes dits modérés, mais dont l'accession au pouvoir a été révolutionnaire ; quand on pense en outre que "COSMOS INCORPORATED" a été publié en 2005, on ne peut qu'applaudir aux capacités d'anticipatiion du futurologue, qui a choisi la science fiction comme terrain de jeu.



"L'unimonde humain", ainsi se nomme ce pouvoir antéchristique, qui a pris le pouvoir après "le grand djihad", est une mise sous tutelle de l'homme par la machine, dont l'humanité n'est plus que la prothèse sociale et organique, ce machinisme prothésant à son tour l'humanité, car il lui offre la sécurité en échange de son obéissance à la technocratie et à l'automatisation. En somme, Dantec est ellulien sans le savoir. C'est au monde ellulien auquel il a envie de faire un sort, pas au monde libéral des impérialistes (à celui-là, dantec y croit), ni au monde communiste qui est mort (et dantec est fils de communiste).



Ce gouvernement mondial antéchristique appelé "l'unimonde humain", antéchristique parce que singeant l'unité qui sera accomplie par le christ, a prétendu, après "le grand djihad", interdire les religions monothéistes. A la différence de ceux qui redoutent l'organisation du chaos par le syncrétisme, à l'exemple de Michel Houellebecq, autre pourfendeur de l'islam, ou encore à l'inverse de ceux qui s'en réjouissent comme les membres de l'organisation "lucy trust" à laquelle il semble qu'alice Bailey ait appartenu, ainsi que chiara Lubich, la fondatrice des fokolari, organisation (the "lucy trust" qu'on a accusée, non pas de faire confiance à la lumière, mais d'être une organisation luciférienne, bien en vue jusqu'au Vatican, Dantec ne croit pas en un remplacement du monothéisme par le syncrétisme. Il empire le scénario : en imaginant que le nouveau mot d'ordre sera : "un monde pour tous avec un dieu pour chacun", c'est-à-dire qu'on arrivera au summum du subjectivisme métaphysique et surtout du "bricolage religieux".



Or voici qu'un tueur à gages, sergei Plotkine, est commandité et robotiquement programmé pour assassiner le maire de grande Jonction, moins capitale de ce gouvernement de l'"unimonde humain", que métropole emblématique. Or Plotkine bogue et découvre que son véritable commanditaire est un ange, précisément chargé de préparer le retour du christ en commençant par délivrer la terre de l'emprise des machines, le "bogue" de Plotkine étant en outre le signe que l'ère des machines sécrète sa propre régression par autophagie, en allant à rebours par saturation inhérente au système, mettant fin au processus accumulatif des civilisations par une sorte de dépression structurelle. C'est ainsi que Dantec, détruisant le monde d'avant, prétend préparer "le monde d'après", "le glorieux retour du fils de l'homme".







III LES ECRIVAINS CATHOLIQUES ET LA FIN DU MONDE



Loin de nous d'avoir la prétention, en ces quelques lignes, d'épuiser le sujet, que nous circonscrivons de plus au périmètre français, assumant ce choix dans la mesure où la France a produit une littérature qui a donné une colonne vertébrale au volet eschatologique du discours théologique,à quoi la prédisposait son antiidéalisme foncier (les droits de l'homme et du citoyen étant une exception). Encore, ce discours eschatologique est-il très peu prédictif, et ouvre tout au plus au réveil de la vigilance.



Les deux seuls pionniers de cet esprit prophétique dans la première moitié du XIXème siècle seront baudelaire et chateaubriand. Celui-ci, dans les dernières pages des "MEMOIRES D'OUTRE-TOMBE" , essaie de sonder ce que sera "la nouvelle société" et entrevoit la société de masse. Il décrit moins "la fin de l'homme" qu'il ne constate l'émergence de l'espèce humaine,

"Vraisemblablement, l'espèce humaine s'agrandira; mais il est à craindre que l'homme ne diminue, que quelques facultés éminentes du génie ne se perdent, que l'imagination, la poésie, les arts, ne meurent dans les trous d'une société ruche où chaque individu ne sera plus qu'une abeille, une roue dans une machine, un atome dans la matière organisée." Convoquant les mannes de "la vigoureuse génération médiévale", " L'auteur du "GENIE DU "CHRISTIANISME" redoute surtout la disparition de la civilisation chrétienne :

"Si la religion chrétienne s'éteignait, on arriverait par la liberté à la pétrification sociale où la Chine est arrivée par l'esclavage."

Mais cette évolution sera lente :

"Cependant je ne pense pas que des malheurs prochains éclatent: peuples et rois sont également recrus."



On connaît l'oracle lapidaire d'une des plus longues "fusée" de baudelaire :

"Le monde va finir. (…)(…)"La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou anti-naturelles des utopistes ne pourra être comparé à ses résultats positifs."

Cinquante ans plus tard, le vatican condamnera l'hérésie qu'il appellera "l'américanisme", ce qui sera la base de la condamnation du modernisme par Saint-Pie X dans l'encyclique "Pascendi", modernisme définie comme "l'égoût collecteur de toute les hérésies", mais cette condamnation philosophique, théologique, historique et scientifique trouvera son fondement esthétique dans le dégoût qui saisira tous les ardents catholiques faisant métier de plume contre "les modernes".



Chateaubriand termine ses monumentaux mémoires par ses mots :

"On dirait que l'ancien monde finit et que le nouveau commence."

C'est le soupir d'un homme qui sent fondre sur lui la mort et qui sent qu'avec lui, s'effondre une ancienne harmonie qui s'en va. Le mémorialiste n'en éprouve pas d'impatience, ce qui n'est pas le cas de Léon bloy, qui voudrait que la patience change de camp. Il lui en coûte d'"d’endurer "la fétidité d’une conversation mondaine », la « contagieuse putréfaction d’une âme bourgeoise », la mort lente que procure « la sottise portée en triomphe", tandis que "Le monde vit le prologue d'un drame inouï, tel qu'on n'a rien vu de pareil depuis vingt siècles". "IL n'y a pas à dire. Ce monde est en chute, depuis des milliers d'années.

Il subit la loi de la chute qui consiste à s'accélérer de manière effroyable. "Le froid augmente". Accélération de l'histoire et hypothermie sont diagnostiqués. L'hypotermie est autant une déperdition de la chaleur humaine qu'un refroidissement des croyants envers le chef de la foi qui avait prévenu en posant cette question :



"Quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-Il encore la foi sur la terre?"



L'histoire s'accélère et "Le froid augmente". Cela fait que Léon bloy et ses successeurs auront une telle envie d'en découdre, au point que bloy se définira comme "un communard de la veille" et que, lui emboîtant le pas, au début de "LA GRANDE PEUR DES BIEN-PENSANTS", Bernanos fera l'apologie de la commune. Mais Léon bloy n'aura communiqué à ses suiveurs que le souffle de l'imprécation. A eux l'analyse, à bloy la symbolique, cas unique de l'apologète ayant un souffle eschatologique. Disons mieux : Bernanos, à qui le vieux maître a communiqué qu'"il n'y a qu'une tristesse : celle de ne pas être des saints", inscrira son œuvre dans le sillage de saints (Thérèse pour le "JOURNAL D'UN CURE DE CAMPAGNE", le curé d'ars pour "SOUS LE SOLEIL DE SATAN". Jamais Bloy n'inculquera à bernanos le sens de la symbolique, mais il aura acquis auprès de son maître le sens du tragique. Le combat spirituel, l'eschatologie individuelle, sera une des hantises du romancier. Comme bloy, Bernanos aura conscience de l'emprise et de la principauté que Satan exerce sur le monde, ce qui ne l'amènera jamais à diaboliser aucune âme, ni même à majorer l'importance médiocre d'un petit crime individuel (comme l'abé donissan le dira à Mouchette) ; mais au contraire, l'auteur de "SOUS LE SOLEIL DE SATAN" dressera une vériitable cosmologiediabolique, un tableau universel de l'emprise du malin, essentiellement intéressé à étreindre les saints, jusqu'au colloque singulier, jusqu'au contact (dont Freud expliquait que c'était de sa peur que naissait le tabou).



Bernanos aura le sens du tragique, bloy réveillera le sens symbolique", après quatre siècles de sommeil. Bloy sera le précurseur du retour de la symbolique dans l'exégèse moderne, mais il ne sera certainement pas celui de la méthode historico-critique.

La grande enquête symbolique doit continuer, l'historien doit interroger le miroir aux énigmes.

Pour Bloy, « nous sommes toujours dans chacun des plis du tablier de l’Histoire : malgré la mort, nous sommes immortels »... C’est que le temps n’est qu’une « imposture de l’Ennemi du genre humain, que désespère la pérennité des âmes ».



"Dieu n'a que la France", s'exclamera l'écrivain, non pas dans un accès de chauvinisme ou parce qu'il serait né français, mais parce que la mythologie (ou la vocation) de la France fait partie intégrante de sa vision eschatologique. Ecoutons l'écho prépéguyste de son exclamation, qui rappelle par ailleurs :

"Heureux comme dieu en France !"

" Si elle périssait, la foi subsisterait peut-être encore quelque part, fût-ce dans un coin du pôle, avec la frileuse charité, mais il n’y aurait plus d’espérance !»



En passe-muraille à travers les langues, Bloy s'émerveille que le "gallus" de la vulgate, qu'on traduit par le coq et qui donna son emblème à la gaule devenue franque, il n'y ait qu'n "l" de différence. (Si bloy avait pu prévoir que cet "l" en deviendrait deux avec de gaulle) !



"Antequam gallus cantet" (avant que le coq chante), "" le cantique de pénitence du vieux Coq des Gaules ressuscitera l’univers !" : prends garde, Pierre, de renier tonSauveur, ou bien la France saura t'en faire ressouvenir pour susciter ton repentir, cette mise en garde constituant, de la part de Bloy, un appel non gallican à l'autorité romaine. Il se voit confirmé dans sa certitude (symboliste) de la vocation de la France par "la vocation de Jeanne d'arc", ""cette jeune fille de dix-neuf ans qui sauve la France à elle toute seule et qu’il voit condamnée, reniée, suppliciée horriblement par ceux mêmes qu’elle délivre" (Georges Cattaui, Léon bloy, l'édition du centenaire). Bloy épingle le roi fainéant (qu'elle a remis sur le trône et qui ne la défend même pas), l'université flagorneuse de l'étranger britannique (en son plus noble fleuron, mgr Pierre cauchon) et le chapitre de rouen qui, comme lors du procès de Jésus, préfère relâcher un prévenu coupable de viol, en qui notre agiographe voit un Barabas, plutôt que de la libérer . Le seul moment où Léon bloy se voit "au seuil de l'apocalypse" sera celui de la publication de "JEANNE D'ARC ET L'Allemagne", c'est-à-dire en 1916, pendant la grande guerre.



De l'avis de Léon bloy, la France ressemble à la Madeleine. Il est logique que la France ait pu être à la fois la fille aînée de l'eglise et de la révolution (bloy a été tenté par le chant des sirènes contre-révolutionnaires, et, même s'il n'est plus monarchiste, cela ne s'estompera jamaiscomplètement). "L’essence française est pour Bloy, malgré tout, une chose tellement à part qu’il ne trouve à lui comparer que l’essence juive (Georges cattauis) :

Israël est la croix même sur laquelle Jésus est éternellement cloué ; il est donc le peuple porte-salut, le peuple sacré dans la lumière et sacré dans l'abjection, tel que l'ignominieux et resplendissant gibet du Calvaire. »

La France et Israël sont allés tantôt au comble du sublime, tantôt au comble de l'ignominie. La réévaluation par Léon bloy du peuple juif, au sommet de l'antisémitisme français ("Le salut par les juifs est publié contre "la France juive" D'Edouard DRUMONT), n'est pas sans garder quelques résidus d'un antisémitisme social, mais qui s'intègre dans la critique de la bourgeoisie vitupérée par "le mendiant ingrat". A un siècle de distance, comment ne pas noter que la France sera négativement, du fait de l'affaire dreyfus, la cause occasionnelle de l'existence du "foyer national juif" et plus lointainement de l'Etat d'Israël, auquel on est presque sûr aujourd'hui qu'elle a en outre fourni secrètement, sous de gaulle, l'arme nucléaire ; en même temps qu'elle aura grand souci, après cela, de mener une politique arabe, ou une politique équilibrée dans le conflit israélo-arabe, au risque de ne pas choisir son camp.



Bloy écrit encore :

"Celle-ci (la nation juive) crucifie son Dieu parce qu’il est le fils de ses Rois, celle-là (la France) fait mourir le fils de ses Rois parce qu’il est la plus claire image du Fils de son Dieu, et le dénouement du drame de l’Homme est à leur merci. Mais ce dénouement est inconnu, et voilà pourquoi les larmes de la Salette ont coulé."



La Salette, cette mariophanie n'est pas seulement le Dozulé de bloy, c'est l'événement qui domine toute sa vie, et d'abord cette apparition a lieu en 1846, l'année même de sa naissance. Bloy en tirera deux livres : "CELLE QUI PLEURE" et "LA VIE DE MELANIE". A la différence de dozulé, la vierge de la Salette réprimande et pleure, a quelquefois des accents prédictifs, mais son plan est loin d'être aussi clair que celui de dozulé, elle s'adresse surtout aux paysans qui habitent alentours des deux petits voyants. "C’est la première parole publique et universelle que Marie ait prononcée depuis la noce de Cana »." D’ailleurs c’est la France qu’elle a choisie pour se manifester trois fois en trente-trois ans. La Salette, Lourdes et Pontmain sont la triple affirmation de cette mystérieuse et persistante prédilection" (Georges Cattaui). Ce qui émeut bloy dans la salette, c'est que la Vierge est l'incarnation de "LA FEMME PAUVRE", comme le christ sera celle de cette Pauvreté absolue, cette pauvreté aussi innocente que le ciel. C'est cette pauvreté, prédit Bloy, dans sa rage prophétique, qui réveillera le bourgeois, bloy s'écrira :

"« Ils [les riches] se tordront de terreur, les Richards-cœur-de-porcs et leurs impitoyables femelles, ils beugleront en ouvrant des gueules où le sang des misérables apparaîtra en caillots pourris ! Ils oublieront d’un inexprimable oubli la tenue décente et les airs charmants des salons, quand on les déshabillera de leurs chairs et qu’on leur brûlera la tête avec des charbons ardents — et il n’y aura plus l’ombre d’un chroniqueur nauséeux pour en informer un public bourgeois en capilotade ! Car il faut indispensablement que cela finisse, toute cette ordure de l’avarice et de l’égoïsme humains !"



Bloy inaugurera une école littéraire d'imprécateurs voulant en découdre avec Ses faussaires pour hâter le Jour de dieu. Des céline, des bernanos, emprunteront son sillage stylistique pour vociférer une fureur dévastatrice. Après le désastre de la seconde guerre mondiale, ses successeurs manieront moins l'imprécation, resteront, comme dantec, dans "le choc des civilisations", et à la fois adopteront le truchement de la science fiction pour être moins passibles de réalisme, mais, par le futurisme, se voudront plus prédictifs, identifieront des ennemis, à travers ce qu'ils interpréteront comme étant les signes précurseurs de la fin des temps pour notre génération.





IV L'ESCHATOLOGIE DES TROIS RELIGIONS MONOTHEISTES ET LES SIGNES DES TEMPS actuels





Une chose est remarquable : c'est que l'eschatologie des trois grandes religions monothéistes présente un schéma essentiellement similaire, suscite le même mélange d'attente des uns et d'indifférence des autres, achoppe sur des points qui sont sensiblement les mêmes (Elie, l'antéchrist ou le madhi), et sont pourtant inconciliables, en partie du fait de la querelle familiale entre juifs et musulmans, qui ne peut se réduire à cela, l'islam ayant prospéré sur la non légitimation du premier fils de la Promesse faite à abraham, dont la mère, Agar, est une allégorie de la pécheresse (selon saint-Paul aux galates). Ces atavismes sont anciens, mais ils courent à travers l'histoire, comme pour nous faire signe que les prophéties se réalisent et s'accomplissent.



On retrouve même un lointain écho de notre théorie des trois âges dans une division du temps que propose une croyance talmudique répandue à propos du plan de l'histoir. L'eschatologie hébraïque est orientée vers la venue du Messie qui régnera en Maître en Israël et sera reconnu du genre humain, qui respectera la Thorah, bien qu'on suppose que certains aménagements y seront consentis pour les non juifs, comme le caractère non obligatoire de la circoncision, du respect du shabat et des interdits alimentaires, ces discussions sur les dérogations de la Thorah accordées aux païens pouvant être le fait de l'influence de l'adaptation du christianisme aux gentils, ce qui n'est pas le cas du plan d'ensemble de l'eschatologie juive ; lequel, concernant la division de l'histoire en trois âges, propose le panorama suivant :



- 2000 ans de tohu (gn1:2, de la création du monde au don de la Torah ;



- 2000 ans de torah, du don le la torah jusqu'à la destruction du second temple ;



- 2000 ans de "temps messianiques", de la destruction du second temple jusqu'à l'avènement proprement dit du Messie.



On peut aussi considérer que les "temps messianiques" ne sont pas constitués d'un si long intervalle, mais sont formés par les événements qui entourent l'avènement du Messie. Selon une autre croyance, que l'on retrouve en chrétienté, à travers le retard que Jésus prendrait à venir pour en sauver parmi nous quelques-uns, qui diffèrent de se convertir, les "temps messianiques" sont retardés par les péchés d'Israël.



Les "temps messianiques" sont un temps de souffrance mondiale. De même que saint-Paul nous dit que "toute la création gémit dans les douleurs de l'enfantement" (romains 8-22) "en "aspirant de toutes ses forces à la révélation des fils de dieu" (rm 8-19), le Talmud parle des "douleurs de l'enfantement du Messie" (evelei hamashia'h). Ces temps messianiques sont inaugurés par la guerre des goghs (guerre des nations d'ampleur mondiale) contre les Magog (Israël), prophétisée par zacharie. Est censé s'ensuivre le retour du prophète Elie, qui devance et amène le Messie, vainqueur des Goghs et Roi de Justice, inaugure un règne qui ne finira pas, après lequel aura lieu la résurrection des morts (T'hiyat hamètim : la question reste controversée, mais la croyance en est devenue majoritaire, depuis qu'après la destruction du second temple, les pharisiens ont codifié la vie et les rites du peuple) ; résurrection des morts suivie du Yom HaDin (Jour du Jugement) et de la vie du monde à venir pour l'éternité (olam haba). Dans ces trois dernières phases, les plans de l'eschatologie juive et chrétienne sont rigoureusement conformes.



Le retour d'elie prête davantage à discussion. Tout d'abord, comme nous l'avons rappelé en exergue de ce chapitre, la transposition de ce retour à l'eschatologie chrétienne pourrait nous faire penser à l'"antéchrist, qu'on confond trop souvent avec "l'antichrist", bien qu'on doive à l'honnêteté de reconnaître que l'antéchrist n'est pas censé être un prophète, mais plutôt le déclin de la principauté diabolique. La croyance dans le retour d'elie était ancrée dès avant la venue du Seigneur, puisque ceux qui s'interrogeaient sur l'identité de celui-ci supputaient qu'Il pouvait être Elie de retour. Le fait que sa messianité soit attestée par un précurseur (qu'est Jean-baptiste) est même la survivance chrétienne de cette croyance juive. Seulement la confusion de ce précurseur avec elie a semé le doute parmi les gnostiques, dès Origène et jusqu'à nos actuels tenants du "new age", beaucoup inférant que, si Elie et le précurseur ne pouvaient bibliquement faire qu'une seule et même personne, cela prouvait qu'elie s'était réincarné en la personne de Jean, le baptiste. La discussion ne s'arrête pas là. Certains se demandent si Elie viendra avant le Messie pour l'amener dans son char et préparer sa venue, s'ils viendront en même temps ou si elie viendra après le Messie.



Une controverse analogue a lieu parmi les croyants de la communauté musulmane. Mais elle est précédée par cet autre soupçon lancé contre les juifs et les chrétiens : nous aurions, les uns et les autres, oublié qu'un prophète était annoncé come devant se manifester avant le Messie ; ce prophète est perçu par les musulmans comme étant Mohamed. Dans cette interprétation, sa venue est donc moins à situer dans l'ordre de l'eschatologie que dans l'économie globale de la révélation, où Mohamed trouverait une place, à condition bien sûr que Jésus ne Soit pas le Messie, serait-Il le plus grand des prophètes. Mais plus généralement, ce "retour d'Elie" est situé à la fin des temps. En fait d'elie, c'est surtout Jésus qui, pour les musulmans, doit revenir et combattre à Jérusalem. De sorte que, pour certains, de Jésus et du Madhie, c'est tout un, mais la question est disputée dans le coran.



Il y a deux catégories de signes précurseurs, selon l'islam, de la "fin des temps". Certains sont d'ordremoral, général et mondial :



- les hommes et les femmes se réuniront sans que leur union soit légitime, la femme ira nue sur la place publique ;



- les chefs des croyants emprisonneront et tueront les pauvres de leur pays ;



- l'heure ne viendra pas avant que les terres des Arabes ne soient froides et parcourues de fleuves ;



- le nombre des chrétiens excèdera celui des musulmans. Incidemment, une des distinctions possibles entre Jésus et le Madhi pourrait tenir, affirment certains, à ce que Jésus règne sur les chrétiens et le Madhi sur les arabes. Mais règne pour livvrer une bataille dans Jérusalem et, à cause de Jérusalem, dans le monde entier, Jérusalem dont les Juifs se seront emparés, ces mêmes juifs dont la Révélation vétéro et néotestamentaire dit qu'ils devront rentrer sur leur terre et être convertis au christ ou être réinstaurés souverains par le Messie ; mais, pour les juifs comme pour les chrétiens, demeure une ambiguïté si le retour sur la terre promise doit précéder la conversion ou être le fait de Dieu, si le rassemblement des Juifs exilés peut être organisé par la communauté de ce peuple ou si c'est le Messie Qui leur rendra leur souveraineté sur leur terre et dans leur élection, ce que ne conteste pas même Saint-Paul dans son épître aux romains, quand il parle de la "gloire de l'olivier franc" sur "l'olivier sauvage", rendu à sa primauté par sa Reconnaissance du christ.



Pour les musulmans, il ne fait aucun doute que les Juifs devront être combattus à Jérusalem afin que "Dieu retire les armes de leur main". Car le coran prétend que "les juifs auront commis du mal sur la terre par deux fois", la première, selon l'interprétationcoranique, étant celle où ils ont cru tuer Jésus, fils de Marie, la seconde étant celle où "ils portent tort aux croyants". Certains ont voulu comprendre cette seconde occurrence du "mal commis par les Juifs" comme l'occasion de la guerre que livra Mohamed à Médine contre les puissantes tribus juives ; mais d'autres comprennent ce mal comme "le retour en force des Juifs en Palestine", par lequel certains se sentent tellement humiliés qu'ils voudraient hâter l'histoire et que la fin du monde vienne vite, pour être délivrés de ce qu'ils ressentent comme une oppression insupportable.



Ce qui pose le vaste problème du sionisme. Beaucoup d'évangélistes se réjouissent de la réussite du projet sioniste en espérant que cela hâtera le Retour du christ. Mais le sionisme est un activisme reconstructiviste laïque d'une Promesse, que les plus fondamentalistes d'entre les juifs, ceux que l'on appellent aujourd'hui les "juifs ultra-orthodoxes" (et qui, du point de vue du mode de vie, ressemblent beaucoup à nos évangélistes, bien qu'ils soient idéologiquement aux antipodes), considèrent comme une impiété. Car "créer un etat juif sans le Messie est une révolte contre dieu", Même si l'hostilité des juifs religieux s'est progressivement atténuée, Les membres de la hedah haredit prient encore aujourd'hui pour la destruction de l'etat d'Israël.



La relation des chrétiens au sionisme est donc plus subtile et moins évidente qu'on pourrait le penser. Léon bloy (encore lui) résume bien le dilemme :



"« Les Juifs ne se convertiront que lorsque Jésus sera descendu de sa Croix, et précisément Jésus ne peut en descendre que lorsque les Juifs se seront convertis."



Et l'on souscrit à cet oracle du prophète Zacharie :



"Et je ferai de Jérusalem une coupe d'étourdissement pour tous les peuples de la terre" (Zacharie, 12:2).



Faceà la réussite du projet sioniste, le chrétien est déchiré, en proie à un conflit de compassions également légitimes. Lors de la Passion dont était responsable toute l'humanité et dont la foule de Jérusalem qui la demanda à Pilate fut la cause historique accidentelle, le chrétien a entendu ces juifs s'écrier :

"Que Son sang retombe sur nous et sur nos enfants", mais surtout il a vu la chose seréaliser, et son repentir est grand, parce que la civilisation dont il est issu a versé ce sang. Elle l'a fait, depuis l'expulsion des juifs d'Espagne jusqu'aux barbaries cosaques. S'il n'est pas obligé de se sentir complice de ce qu'ont perpétré les néo-païens nazis, il ne peut nier que c'est en terre chrétienne que cette idéologie génocidaire a prospéré, faisant des Juifs ce que certains ont appelé "le Golgotha du monde". La culpabilité du chrétien, sans compter l'espérance que la reconstitution du peuple juif en une entité politique hâterait leur conversion et le Retour du christ, lui ont fait applaudir à la naissance de l'etat d'Israël. Or cet etat ne se voit pas du tout dans les frontières qui ont été promises par la Bible : la Judée-samarie, la Jordanie ne sauraient être sa propriétéqu'au prix de guerres auxquelles il ne viendrait même pas à l'idée aux plus solides alliés de l'etat d'Israël de songer. En second lieu, la création de cet etat s'est faite au prix d'un transfert de population, sur une terre qui n'était pas inhabitée, et dont les habitants n'ont jamais pu disposer de leur souveraineté, puisqu'au mandat britannique, a succédé le plan de partage. Enfin, les juifs religieux nous disent que le Messie peut Seul rassembler sur la terre de la Promesse de dieu les exilés d'Israël. Donc les chrétiens ont-ils raison d'accompagner sans ciller le sionisme ?



Reste au croyant "de bonne volonté" à continuer de travailler à l'Avènement du Règne et à la Vigne de leur seigneur. Une des images que prend le Christ pour décrire le caractère inopiné de Sa venue est celle du champ :

"Alors deux hommes seront au champ, l'un est pris, l'autre laissé" (Mt, 24:40)

Dans le coran, Mohamed, se voyant poser la question de savoir s'il faut planter un

arbre ou cesser tout travail quand arrivera le jugement, répond que celui

qui creuse pour planter un arbre, n'interrompe pas son travail. Quant à nous, ne prenons pas nos quartiers d'été dans ce monde, et gardons-nous de l'impiété, commune, là encore, aux trois monothéismes, de nous livrer à des prédictions sur "les délais et les dates". (Pour certains musulmans qui se laissent aller à ce qu'ils tiennent eux-mêmes pour une impiété, le madhi serait déjà né ; un peu comme un lama, il commencerait bientôt sa vie active, et se mettrait très vite à la besogne…)



Laissons-nous surprendre par ce jour qui viendra comme un voleur, du "Glorieux retour du fils de l'Homme !"





Pour le pasteur françois Poillet,



Julien weinzaepflen








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