vendredi 29 avril 2011
L'aveugle et son binôme
Cécité physique : La règle est devenue de ne pas faire voir qu'on ne voit pas, pour gommer la différence au nom du droit à la différence. Il ne faut pas se ridiculiser en faisant un indiscret tapage d'humour noir ou de sauts à l'élastique, comme si "on n'avait pas toujours besoin d'un plus petit que soi". Quand on se met en valeur en tant qu'aveugle qui a vaincu, on rapetice, on rabaisse, on écrase, on efface son binôme, celui-là sans qui l'on ne serait rien ou on ne pourrait pas grand-chose, son copilote de tandem ; on se berce d'une impossible autonomie dont le caractère chimérique appose la signature que l'indépendance n'est pas de ce monde ; on occupe tout le champ d'un épuisant brassement d'air et l'on n'est pas un étourneau : on brâme, on est le cerf de la preuve et finalement, on prouve par l'absurde qu'on ne peut pas ; et s'étant épuisé soi-même à vouloir passer tous les seuils, on finit par revendiquer qu'on n'a rien à prouver. On fait la preuve qu'on ne dépasse pas l'indépassable, qu'on ne vainc pas l'invincible. Il est beaucoup plus opératoire d'exprimer intégralement ce que signifie discrètement une cécité identitaire, dans ce qu'elle a d'inacceptable, même pourcelui qui la vit. On devient alors peut-être le plus faible de son binôme, le plus dépendant du tandem, mais on se réalise en reconnaissant que, sans ce veneur en aide, on ne ferait pas de grands exploits ; et, puisqu'enfin, on ne tire plus la couverture à soi, il n'est plus dit par politesse par notre binôme que nous lui apportons cent fois plus que ce qu'il nous apporte.
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