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lundi 6 février 2023

François Hollande ou le contraire de la langouste

Justice au Singulier: Entretien avec François Hollande (philippebilger.com)


Que retenir de cet entretien? Je citerai pour commencer cette définition plutôt inattendue que François Hollande donne de la politique:


« La politique, c’est une pensée, ce sont des idées, c’est la recherche d’une compréhension de la société et du monde. Come il n’y a plus de pensée, la politique [est en état de] faiblesse".


Pourquoi cet effort de pensée et cette compréhension de la société n'ont-ils pas suinté de l'exercice du pouvoir de François Hollande? Parce qu'il n'a pas été un prof, un militant associatif ou un homme de terrain, mais un homme de cabinet et d'appareil. François Hollande  a cherché la société et ne l'a pas trouvée parce qu'il a confondu la tactique avec la pensée politique. Il n'est pas anodin qu'il associe celle-ci aux discours qu'on inscrivait sur les murs de l'Assemblée nationale quand ils étaient remarquables. Pour lui, c'est tout un de penser et de discourir. François Hollande était un bon orateur à l'Assemblée nationale. Il se voyait comme le "prochain" président, parce qu'il potassait bien ses discours. Mais quelle était sa vision? Il était le président du "cap", de la "boîte à outil", du "choc de simplification", du "pacte de responsabilité" qui braquait ses jumelles sur la courbe du chômage. La politique est pour lui un graphique ou une monographie.


Il croit que la politique est une pensée, mais la raison d'être des partis se borne selon lui à "faire émerger des talents". Donc la politique a beau ne pas être une affaire de personnes et le déclin des partis politiques  être préjudiciable à la démocratie plus qu'aux militants et aux "nostalgiques de cette histoire", ne regrette-t-il pas davantage la disparition des courants que la disparition des partis proprement dits et lui-même ne s'est-il pas forgé des convictions au demeurant toujours modérées que pour arriver au sommet du cursus honorum en endossant un costume trop grand pour lui, raison d'être du procès en illégitimité dont il déplore qu'il lui ait été fait dès le début de son mandat, sous-entendu sans lui laisser aucune chance? Il a eu la chance d'arriver lui-même, mais pour arriver à quoi? Et d'arriver en aimant les gens comme Chirac, mais en craignant de bouleverser les équilibres d'une société qu'il considérait comme trop fragile pour oser la fracturer et la forcer un peu, comme si la démocratie, ce n'était pas le clivage, mais le consensus, et le lieu d'émergence de personnalités talentueuses, simples, humbles et normales, pour exercer un mandat dont sa modestie n'avait pas rougi de dire en son temps qu'il supposait des "qualités exceptionnelles", dont il ne doutait pas d'être doté.


Mais l'ancien président est lucide. Devant Philippe Bilger qui se pâme de se trouver en face d'un personnage historique qu'il trouve "extrêmement doué" (et c'est son mot de la fin), l'ex complimenté n'est même pas sûr d'occuper comme Chirac "un paragraphe dans l'histoire", il sait que ce que l'histoire retiendra de lui, c'est d'avoir été le président "de la crise terroriste" et du discours larmoyant et traumatisé du 13 novembre un peu après minuit, un homme que j'ai appelé pour ma part "le président du deuil national", car incapable de tracer un horizon positif; un homme doux sans doute, mais fasciné par la guerre au point de la voir dans la guérilla et d'être loin de regretter d'avoir, par son obstination en Syrie, excité explicitement les enragés du Bataclan. Il explique au contraire que c'est quand Obama n'a pas respecter la "ligne rouge" qu'il avait tracée à Bachar El-Assad de ne pas employer contre son peuple d'armes chimiques (la question reste disputée), que c'est parce qu'Obama n'est pas intervenu en Syrie à ses côtés que Vladimir Poutine s'est cru autorisé par la faiblesse de l'Occident à envahir l'Ukraine. 


François Hollande croit que ce sont les crises qui font que le chef d'un parti devient le président de tous les Français. Il aime les opérations spéciales et la force de frappe d'un Occident sans idéologie et croit qu'elle suffit à s'opposer aux extrémistes et illibéraux du monde entier. Sa douceur est dangereuse. Car elle a donné lieu de croire à Emmanuel Macron qu'on pouvait faire une guerre contre un virus à travers laquelle on préférerait le masque au visage, le télétravail à la présence physique, on isolerait les personnes fragiles sous prétexte de leur venir en aide et on changerait la société. 


La guerre de Hollande n'a pas eu lieu, mais le grand recet de Macron s'est fait sans que la main du jeune président ait tremblé. Au point que j'ai entendu cette conclusion prodiguée  par un médecin de terrain, vendredi dernier, dans un colloque consacré au handicap: "Plus le handicap est lourd, plus la dépendance est grande et plus la prise en charge s'affaiblit."


On dit qu'une langouste est dure à l'extérieur et molle à l'intérieur. On disait que Chevènement était une langouste. François Hollande est le contraire d'une langouste. 


"Dis-moi qui t'entoure et je te dirai qui tu es". François Hollande a couvé Emmanuel Macron. "Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte" et déjà le mépris altier de Macron perçait sous la bonhommie doucereuse de Hollande. 

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