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jeudi 2 juin 2022

Pap Ndiaye, ministre militant

Je suis en train de lire le maître-livre de Pap Ndiaye dans ses études françaises, "La condition noire", pour me faire une idée de cet intellectuel. Au vrai, il est plus proche de l'indigénisme que d'une histoire classique. Il se dit très attaché au "monde associatif" des Noirs de France qu'il fréquente "depuis quelques années", écrivait-il en 2008. Il fait de la socio-histoire à la serpe. Selon lui, "la race" n'existe pas comme catégorie biologique, mais ce concept imaginaire est très utile pour lutter contre la discrimination. Sous-entendu, les races n'existent pas, mais le racisme existe. "Les nations" sont aussi des "catégories imaginées". Elles reposent en effet sur des mythes fondateurs, mais faut-il tout démystifier? Pap Ndiaye est contre le "communautarisme", mais pour le "minoritarisme". Les Noirs sont minorés, allègue-t-il. Ils n'existent pas assez, Georges Dilinger aurait dit qu'"ils sont naturellement (sic) réduits en mminorité" (au sens ils seraient comme des enfants mineurs, à l'instar des femmes (esic)).

J'en suis au chapitre 3, qui dresse une histoire synthétique et pas assez fouillée des Noirs en France. Sous des dehors très scientifiques, on s'aperçoit qu'il n'y avait que peu de Noirs affranchis présents dans les ports négriers de la métropole, qui se rendaient souvent coupable de "rixes"; que certains entraient dans la domesticité de nobles dames où ils avaient remplacé les singes; mais que l'esclavage était interdit dans la France métropolitaine, ce qui a donné un désir de France aux Noirs américains qui découvraient au début de l'entre-deux-guerres cette absence de ségrégation.

En revanche, il y a toujours eu un peu les mêmes a priori contre les Noirs: on a souvent tenté de soumettre leur présence à une autorisation de l'amirauté; il y avait une police des Noirs dont on ignore quand elle a été abolie, car le XIXème siècle documente très peu la présence des Noirs en France: Pap Ndiaye ne cite pas Maupassant qui parle beaucoup des Tombouctou ou dont les héros de la nouvelle "Boitel" refusent la fiancée de leur fils parce que "tout de même, elle est trop noire", en quoi ils ne se distinguent guère des  "Noirs coloriste" que Pap Ndiaye étudie au chapitre précédent,  où les Noirs établissent entre eux une hiérarchie sociale, qui valorise les plus clairs et dévalorise les plus sombres.

Dès l'Ancien Régime, on ne permettait pas aux Noirs d'épouser une Française par crainte d'abâtardissement de "la race française". Plus de constantes que de changements dans une société qui craignait déjà l'hétérogénéité alors que les Noirs ne représentaient qu'"une part infime" de la population, comme le souhaitait De Gaulle.

Le wokisme me paraît un phénomène aussi naturel que le communautarisme, lequel est dangereux parce que "les sociétés multiculturelles sont multiconflictuelles" dans leurs "combinaisons identitaires" où les identités doubles ou triples priment les identités simples des mononationaux, qui n'ont qu'une voix dans leur pays, ce qui est une discrimination démocratique, et pas un endroit où se retirer. Quand j'étais petit, je m'étais imaginé un héros ancien esclave (je l'avais appelé Garmand Alain) qui avait réduit en esclavage tous les Blancs qui tombaient sous sa juridiction. Je jouais le rôle de cet ancien esclave, mais J'avais intériorisé la vengeance  que valait aux opprimés des générations précédentes ma culpabilité de Blanc (dire qu'on met maintenant des majuscules à Blancs et Noirs comme si ces noms de couleur désignaient des nationaux). On chercherait en vain un "privilège blanc" dans notre société.  

L'histoire de Pap Ndiaye n'importe-t-elle pas une "machine ressentimenteuse" au sein d'une Education nationale qui n'a pas besoin de ça? Et une histoire imaginaire où tout est socialement construit et où "le fait d'être noir" comme s'intitule le premier chapitre de son livre, se réduit au "fait d'être considéré comme noir", car il y a une limite à la négation du visible: c'est la couleur de la pigmentation. Pigmentation et segmentation doivent-elles devenir les deux nouvelles mammelles de l'école? Mais ma métaphore mammère est suspecte, car le lait est blanc...

En tout cas, Emmanuel Macron a bien su tirer la leçon de sa réélection. Il a moins nommé l'anti-Blanquer (je me garderais de dire l'anti-blanc) que celui qui réaliserait le contraire du modèle zemmourien de scolarisation. Pap Ndiaye s'inscrit dans la lignée des ministres militants à la Vincent Peillon. Moi qui n'aime pas des concepts comme l'"islamo-gauchisme", je crains avec Pap Ndiaye l'efflorescence tribale dans la République indivisible, qui a autant tort d'imposer son universalisme abstrait que de naturaliser des minorités avant qu'elles ne se sentent françaises et que ce sentiment ne soit leur plus petit dénominateur commun, ce qu'Eric Zemmour appellerait l'assimilation, pas moi, car je ne suis pas cannibale, je ne désire pas m'assimiler autrui. 

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